La commune de Megève avait sur le fondement de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme, voulu intégrer dans son domaine public diverses voies privées ouvertes à la circulation publique. Après enquête publique, un tel transfert est possible d’office et sans indemnité et a pour conséquence l’extinction de tout droits réels et personnels existants sur les biens transférés.


Aux termes de cette même disposition, lorsque des propriétaires s’opposent à un tel projet, la commune demande alors au préfet de prendre cette décision.
Le préfet avait par arrêté prononcé le transfert d'office et sans indemnité dans le domaine public communal des parcelles litigieuses.
En l’espèce, le préfet avait pris sa décision par arrêté en 2006. Les requérants contestaient cette décision en 2016, soit 10 ans plus tard.

Les requérants se pourvoient en cassation après que le tribunal administratif de Grenoble et la cour administrative d’appel de Lyon ont rejeté leur requête visant à l’annulation de cet arrêté. Etait alors en question la tardiveté de la requête.


Le Conseil d’Etat rappelle que le délai de recours à l’encontre d’une décision de transfert prise sur le fondement de l’article L.318-3 du code de l’urbanisme ne peut courir à l’encontre des propriétaires intéressés qu'à compter de la date à laquelle celle-ci leur a été notifiée.
La notification n’ayant pas mentionnée les voies et délais de recours, le délai de recours de 2 mois (
R.421-1 du code de justice administrative) ne pouvait être opposable aux requérants (R.421-5 du code de justice administrative).


Le Conseil d’Etat rappelle néanmoins par la suite la célèbre décision d’Assemblée Czabaj de 2016 (Conseil d'État, Assemblée, 13/07/2016, 387763, Publié au recueil Lebon) :
- le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance ;

- En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable ;

- En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ;

- Surtout, et c’est là l’apport de cet arrêt : ces règles sont également applicables à la contestation des décisions non réglementaires qui ne présentent pas le caractère de décisions individuelles, lorsque la contestation émane des destinataires de ces décisions à l'égard desquels une notification est requise pour déclencher le délai de recours.

La nature de l’arrêté du préfet était ici en question dans le sens qu’il présente une dimension individuelle puisqu’il concerne des propriétaires, mais a également une dimension réglementaire puisqu’il concerne également les usagers de ces chemins. Dès lors la nature de la publicité de la décision n’est pas la même : un simple affichage ou publication pour les tiers suffit là où une notification individuelle est nécessaire pour les propriétaires lésés.


En l’espèce, la Cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que la saisine du tribunal administratif, près de 10 ans après l’arrêté, était tardive eu égard à l’instauration d’un délai raisonnable pour agir qui est en théorie d’un an.
De plus, les requérants ne pouvaient obtenir une prorogation au-delà de ce délai d’un an en se bornant à invoquer l’atteinte au droit de propriété que porte l’arrêté litigieux.

Le pourvoi des requérants est alors rejeté.

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