La ville de Paris avait lancé, via un avis d’appel public à concurrence, une procédure d’appel d’offres ouvert pour la passation de plusieurs accords-cadres à bons de commande, ayant pour objet des prestations de diagnostics et préconisations structures pour la ville de Paris et l'établissement public Paris musées, réparties en trois lots. 

Un concurrent évincé à l’attribution des lots 1 et 2, auxquels il avait candidaté, a alors saisi le tribunal administratif de Paris d’un référé précontractuel. 

Pour mémoire, cette voie de recours est prévue à l’article L.551-1 du code de justice administrative qui prévoit notamment que : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique.

(…)

Le juge est saisi avant la conclusion du contrat » 

Le tribunal administratif de Paris avait fait partiellement droit à la demande du requérant en annulant la procédure de passation du lot n°1 en tant qu'elle portait sur l'accord-cadre multi-attributaires.

Réglant l’affaire au fond en vertu de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, cet arrêt est l’occasion pour le Conseil d’Etat de clarifier la portée du dispositif législatif et réglementaire encadrant l’activité des contrôleurs techniques. 

Quelles sont les dispositions applicables ? 

- l’article L.111-23 du code de la construction et de l’habitat (CCH) prévoit que : « Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages.

Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes. ».

- l’article L.111-25 du CCH pose quant à lui le principe selon lequel l’activité de contrôle technique est incompatible avec l'exercice de toute activité de conception, d'exécution ou d'expertise d'un ouvrage. 

- l’article R.111-31 du CCH (pris en application de ‘article L.111-25 du même code rappelé ci-dessus) prévoit que « Les personnes et organismes agréés, les administrateurs ou gérants et le personnel de direction de ces organismes, ainsi que le personnel auquel il est fait appel pour les contrôles, doivent agir avec impartialité et n'avoir aucun lien de nature à porter atteinte à leur indépendance avec les personnes, organismes, sociétés ou entreprises qui exercent une activité de conception, d'exécution ou d'expertise dans le domaine de la construction ». 

Le Conseil d’Etat précise alors que le législateur a entendu, à travers ces différentes dispositions, prohiber toute participation à des activités de conception, d'exécution ou d'expertise d'ouvrage des personnes physiques ou morales agréées au titre du contrôle technique d'un ouvrage. Surtout, le Conseil d’Etat précise que le fait que le marché litigieux ne s’apparente pas à un marché de construction faisant appel à l’intervention d’un contrôleur technique n’emporte aucune conséquence sur l’applicabilité de cette règle. 

Enfin, le Conseil d’Etat précise que les dispositions de l’article R.111-31 du CCH  font obstacle à la participation des personnes agréées au titre du contrôle technique à un groupement d'entreprises se livrant à des activités de conception, d'exécution ou d'expertise d'ouvrage, alors même que la répartition des missions entre les membres du groupement prévoirait qu'elle ne réalisent pas elles-mêmes des missions relevant du champ de l'incompatibilité prévue par l'article L. 111-25 du même code.

 

En l’espèce, la ville de Paris ne pouvait attribuer l'accord-cadre, qui comprenait des prestations d'expertise et de conception d'un ouvrage, à la société attributaire, dont l'un des membres était soumis aux dispositions des articles L. 111-25 et R. 111-31 du code de la construction et de l'habitation. La ville de Paris a alors méconnu ses obligations de publicité et de mise en concurrence et a dès lors lésé la société requérante. 

 

La procédure de passation est donc annulée. 

 

Lire l’arrêt dans son intégralité