Si les établissements bancaires sont sensibles au vieillissement de leurs clients en adaptant leurs offres et services, il n’est pas certain qu’ils parviennent à sécuriser les opérations bancaires proposées.

La procuration bancaire qui constitue, pourtant, une solution incontournable pour de très nombreuses personnes âgées présente de multiples failles, tant lors de sa signature que pendant son exécution.

La procuration bancaire constitue un contrat de représentation en vertu duquel le titulaire d'un compte bancaire donne le pouvoir à un tiers d'accomplir des opérations sur ce celui-ci (C. civ., art. 1984). Cet acte accorde au mandataire le pouvoir d'accomplir les démarches courantes relatives au compte à la place et dans l'intérêt du mandant : retirer un chéquier, une carte bancaire, une somme d'argent, opérer un virement ou prélèvement, émettre un chèque. Les pouvoirs ainsi conférés sont étendus. D'un usage très pratique, indispensable dans de nombreuses situations, les procurations constituent des instruments incontournables notamment lorsque les titulaires des comptes sont des personnes âgées. Pour des raisons de commodité et de sécurité juridique, l'interlocuteur bancaire leur propose la solution du mécanisme de la procuration bancaire pour faciliter la gestion et la réalisation des opérations classiques.

La procuration représente une solution intermédiaire pour l'aîné qui n'est plus en mesure de gérer de façon autonome ses comptes et qui ne fait pourtant, pas l'objet d'une mesure de protection juridique. Si la personne âgée présente une fragilité qui, sans justifier une mesure de protection, s'avère suffisamment importante pour qu'elle soit aidée et représentée dans ses relations avec la banque, une procuration sera alors, mise en place. La procuration constitue un premier stade d'aide. Elle permet d'effectuer des mouvements financiers à la place de la personne âgée qui ne peut plus se déplacer, qui est hospitalisée, sur une courte ou longue durée, ou qui ne souhaite plus gérer seule ses comptes ou, plus simplement, qui ne réalise plus ses achats courants, la procuration facilitant l'aidant dans l'utilisation de ses modes de paiement.

Cependant certains enfants abusent de ce droit, jusqu’à se rendre coupable de recel successoral.  

Qu’est-ce que le recel successoral ?

Le recel successoral est constitué, pour un successible, par le fait de dissimuler certains effets de la succession afin de se les approprier indûment et d’en frustrer ainsi les autres ayants droit. Le recel porte donc sur "des biens ou des droits d’une succession", dans une situation d’indivision successorale.

Le détournement et la dissimulation de tels biens ou droits constitue le délit de recel et l’on ne distingue pas entre ces deux éléments qui peuvent être présents l’un ou l’autre ou tous les deux (M. Planiol et G. Ripert, Traité pratique de droit civil français : LGDJ, t. IV, par J. Maury et H. Vialleton, 1956, n° 291).

Comme en atteste une importante jurisprudence, le recel successoral peut prendre de multiples formes en pratique, l’imagination des héritiers indélicats étant fertile.

 

I- Constitution du délit de recel

A) Éléments matériels

L’élément matériel susceptible d’entraîner les peines du recel consiste, normalement, soit en un détournement, soit en une dissimulation des biens successoraux. Mais la jurisprudence étend les sanctions du recel à toute man½uvre, quels que soient les moyens employés, et à tout acte de nature à briser l’égalité du partage ou à modifier la vocation héréditaire.

Dissimulation de retraits. – L’héritière ayant dissimulé les retraits qu’elle avait effectués sur un livret de caisse d’épargne est condamnée au recel.

Prélèvement de fonds et dissimulation. – Est coupable de recel, la veuve ayant prélevé du compte commun des époux une somme provenant de la vente d’un bien propre du mari, puis sciemment dissimulé le sort de ces fonds.

Dissimulation de remise de chèques. – N’ayant pu justifier les services prétendument rendus au défunt en contrepartie de chèques reçus, deux s½urs ayant commis des man½uvres frauduleuses sont coupables de recel.

Dans le cas où un héritier aurait dissimulé à ses cohéritiers des sommes qui lui ont été remises par le défunt alors que l’intention libérale fait défaut ou aurait détourné des sommes à son profit ou encore aurait refusé de rendre compte et de procéder à la reddition des comptes, le recel successoral est caractérisé (CA Limoges, 17 oct. 2013, n° 12/00563 : JurisData n° 2013-023230).

La dissimulation d’une donation reçue du défunt peut constituer un recel.

L’héritier gratifié est tenu de révéler les libéralités, même non rapportables, qui ont pu lui être consenties, lesquelles constituent un élément dont il doit être tenu compte dans la liquidation de la succession et qui peut influer sur la détermination des droits des héritiers. Mais il n’y a pas recel en cas de donation hors part successorale n’ayant pas porté atteinte à la réserve.

Sommes dues au défunt – Constitue un recel la dissimulation d’une dette envers le défunt (TGI Paris, 2e ch., 13 juill. 1982 : JCP G 1983, IV, 333).

La même façon, la supposition d’une créance contre le défunt constitue un recel (Cass. req., 5 déc. 1932, S. 1935, 1, 309.).

L’élément matériel du recel, en matière d’omission, peut revêtir aussi bien un aspect négatif (simple abstention) qu’un aspect positif (silence gardé volontairement sur des sommes données ou dues). Dans les exemples ci-après, les deux aspects peuvent coexister.

Abstention - Les faits suivants ont été qualifiés de recel par la jurisprudence :

– l’encaissement d’un chèque remis par le défunt peu de temps avant son décès sans indiquer ce mouvement de fonds au notaire liquidateur de la succession (TGI Paris, 2e ch., 13 juill. 1982 : JCP G 1983, IV, 333) ;

– le fait, pour deux héritiers, de n’avoir pas déclaré au notaire chargé du règlement de la succession, l’existence de comptes bancaires dont ils avaient connaissance (Cour de cassation, chambre civile 28 janv. 1997).

Silence gardé sur des sommes dues ou données

– Libéralités non révélées – constituent un recel :

– La dissimulation d’un don manuel, d’une donation soumise à rapport (Cour de cassation, chambre civile du 21 mars 1894 : D. 1894, 1, 345) ;

-La dissimulation d’une donation réductible : la jurisprudence considère que la dissimulation des donations non rapportables, mais simplement réductibles ne constitue un recel que dans les hypothèses où ces donations excédent la quotité disponible, car ce n’est que dans ces limites qu’elles font partie de la masse à partager et sont, par suite, des effets de la succession au sens de l’ancien article 792 du Code civil.

Rappelons que, désormais, la loi elle-même sanctionne au titre du recel la dissimulation d’une donation rapportable ou réductible (Code civil, article 778, al. 2), ce qui permet de supposer que la dissimulation des donations qui ne sont ni rapportables ni réductibles ne constitue pas toujours un recel.

Toutefois, la dissimulation d’une donation a été qualifiée de recel, comme ne permettant pas de vérifier son caractère rapportable ou réductible: "l’héritier gratifié est tenu de révéler les libéralités, même non rapportables, qui ont pu lui être faites, lesquelles constituent un élément dont il doit être tenu compte dans la liquidation de la succession et qui peut influer sur la détermination des droits des héritiers".

 

B. Eléments intentionnels

Le recel successoral suppose impérativement la mauvaise foi ou l’intention frauduleuse de l’héritier receleur. Ce dernier a voulu s’approprier indûment des effets successoraux dans le but de nuire à ses cohéritiers et de rompre ainsi l’égalité du partage. Le recel implique, par essence, un dol commis au préjudice des copartageants.

Il en résulte qu’en l’absence de fraude, il n’y a pas de recel et l’héritier est simplement obligé de rapporter l’objet détourné à la succession : il ne perd pas ses droits sur cet objet.

Le recel suppose l’intention frauduleuse de son auteurL’intention frauduleuse doit être démontrée.

Contrat d’assurance-vie. – Le bénéficiaire qui ne le déclare pas n’est pas nécessairement de mauvaise foi, car, tant que n’est pas judiciairement rapportée la preuve du caractère manifestement exagéré des primes, il n’en doit pas le rapport.

L’intention frauduleuse doit être certaine et le recel ne pourrait résulter ni d’une simple négligence, ni même d’une faute lourde, par exemple de simples omissions dans un inventaire. Pour caractériser le recel, il est nécessaire que le successible ait agi sciemment et de façon clandestine.

Constituent des faits de recel les encaissements réalisés sur son propre compte par une petite fille qui, héritière de sa grand-mère dont elle est la tutrice, n’avait pas ouvert de compte de tutelle, manifestant ainsi son intention de porter atteinte à l’égalité du partage au détriment de son cohéritier.

 

II. Les sanctions en matière de recel successoral ?

Ce n’est pas le Code pénal, mais l’article 778 du Code civil qui prévoit les sanctions encourues en matière de recel successoral :

 « Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont où auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.

Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession.

Autrement dit, il convient de retenir 4 sanctions :

L’héritier qui s’est rendu coupable de recel successoral n’aura pas d’autre choix que d’accepter purement et simplement la succession ;

Il n’aura aucun droit sur les biens ou les droits qu’il a détournés ;

Il doit restituer les produits des biens recelés qu’il a perçus depuis l’ouverture de la succession ;

Il pourra éventuellement être tenu de payer des dommages et intérêts lorsque sa responsabilité civile est engagée en raison du préjudice qu’il a causé aux autres héritiers.

 

III. Qui doit prouver le recel successoral ?

Charge de la preuve – La preuve du recel s’effectue conformément au droit commun. En conséquence, la charge de cette preuve incombe à la partie qui invoque les man½uvres frauduleuses.

En règle générale, cette preuve relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Cour de cassation, chambre civile 10 mars 1993 : JurisData n° 1993-000417. – Cour de cassation, chambre civile 14 mai 1994 : JurisData n° 1994-001552 ; JCP N 1993, II, p. 331).

L’héritier qui invoque le recel doit prouver non seulement le droit de propriété du défunt sur les effets recelés, mais également et, comme la bonne foi est toujours présumée, la connaissance par le défendeur des droits successoraux du demandeur et l’intention du défendeur d’agir en fraude des droits de ce demandeur (TGI Paris, 1re ch., 4 mai 1994 : JurisData n° 1994-041528).

Pouvoir souverain d’appréciation du juge du fond – L’existence du divertissement et de la fraude doit être constatée par le juge qui, à ce sujet dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation et n’est pas soumis au contrôle de la Cour de cassation. Cependant, le juge doit motiver suffisamment sa décision sans quoi, elle n’aurait pas de base légale et serait sujette à cassation (Cour de cassation, chambre civile., 20 mai 1895 : DP 1896, 1, p. 229).

 

 

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027073399?init=true&page=1&query=11-24.465&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000024292402?init=true&page=1&query=10-13.807&searchField=ALL&tab_selection=all

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