Après cinq longues années d’attente, le nouveau Décret no 2021-909 du 8 juillet 2021 relatif aux modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés des lieux de vie et d’accueil vient enfin d’être publié ! Jusqu'à la parution de ce Décret au Journal officiel le 9 juillet 2021, il subsistait un vide juridique important qui permettait aux salariés des lieux de vie et d'accueil ("LVA") de demander le paiement des heures supplémentaires accomplies au-delà de 35 heures hebdomadaires, y compris les heures réalisées de nuit pour la surveillance des personnes prises en charges par ces institutions et associations.

Mais attention, les dispositions du Décret ne sont pas rétroactives et les salariés pourront continuer à demander le paiement de ces heures supplémentaires jusqu'en 2023 puisque conformément à l'article L 3245-1 du Code du travail, l'action en paiement ou en répétition de salaire se prescrit à l'expiration de délai de « trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

Les demandes des salariés pourront encore porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture...

En effet, l’article L 433-1 du Code de l’action sociale et des familles issu de la loi du 8 août 2016 dispose que, « dans les lieux de vie et d'accueil, les permanents responsables et les assistants permanents ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, à la répartition et à l'aménagement des horaires des titres Ier et II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ni aux dispositions relatives aux repos et jours fériés des chapitres Ier et II ainsi que de la section 3 du chapitre III du titre III de ce même livre.

Leur durée de travail est de deux cent cinquante-huit jours par an.

Les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés sont définies par décret

L'employeur doit tenir à la disposition de l'inspecteur du travail, pendant une durée de trois ans, le ou les documents existants permettant de comptabiliser le nombre de jours de travail effectués par les permanents responsables et les assistants permanents. (…). »

Cependant, aucun décret d’application n’avait pas été pris à la suite de la promulgation de la loi de 2016 et le forfait annuel de 258 jours prévu par l’article L 433-1 du Code de l’action sociale n’était donc pas applicable, faute de détermination des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés par dispositions réglementaires.

C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation, dans un arrêt de principe du 10 octobre 2018 (n°17-10.248) avait considéré :

Vu les articles 1er, alinéa 1er du code civil et L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles, ensemble l'alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et l'article 151 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ;

Attendu que selon le premier de ces textes, les lois et, lorsqu'ils sont publiés au journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication ; que toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ;

Attendu que pour appliquer le forfait annuel de deux cent cinquante-huit jours prévu par l'article L. 433-1 du code de l'action sociale et des familles pour les permanents responsables et les assistants permanents exerçant au sein des lieux de vie et d'accueil autorisés en application de l'article L. 313-1 du même code, l'arrêt retient que l'absence de décret d'application concernant les modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés n'a pas pour conséquence de priver d'effets les autres dispositions de ce texte ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles et qu'elle constatait que le décret d'application auquel renvoie l'article L. 433-1 susvisé, pour la détermination des modalités de suivi de l'organisation du travail des salariés concernés, nécessaire à la garantie du droit à la santé et au repos par une amplitude et une charge de travail raisonnables assurant une bonne répartition dans le temps du travail du salarié, n'était pas intervenu à la date d'exécution de la prestation de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

En définitive, un Décret no 2021-909 du 8 juillet 2021 relatif aux modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés des lieux de vie et d’accueil a été publié au Journal Officiel le 9 juillet 2021, instituant les articles D. 316-1-1 à D. 316-1-4 du Code de l’action sociale et des familles et visant à définir les modalités de suivi de l’organisation du travail des permanents responsables et des assistants permanents des lieux de vie et d’accueil, en application de l’article L. 433-1 du code de l’action sociale et des familles, et apporte les garanties nécessaires au respect de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail. Il rappelle enfin les règles d’aménagement du temps de travail et les dérogations possibles.

Les articles D. 316-1-1 à D. 316-1-4 du Code de l’action sociale et des familles prévoit qu'un calendrier prévisionnel des jours de travail est établi mensuellement et remis par l’employeur aux salariés huit jours avant le début du mois auquel il s’applique.

L'article D. 316-1-3. précise que l’employeur assure un suivi régulier de la charge de travail des salariés en organisant des entretiens réguliers. Un entretien annuel obligatoire est organisé à l’initiative de l’employeur. Sont abordés au cours de cet entretien la charge de travail du salarié, l’organisation du travail au sein du lieu de vie et d’accueil et ses conséquences éventuelles sur la vie familiale ou personnelle du salarié. Un entretien peut être organisé à la demande du salarié s’il rencontre des difficultés liées à la charge ou l’organisation du travail. Un bilan est réalisé trois mois après cet entretien pour évaluer les actions correctrices le cas échéant engagées ou celles qui doivent être mises en ½uvre.

Ainsi, jusqu’à la date du 10 juillet 2021, l'appréciation du temps de travail des salariés des lieux de vie relève du régime probatoire de droit commun et ces derniers sont bien fondés à solliciter le paiement de l'intégralité des heures supplémentaires accomplies outre les congés payés y afférents et le repos compensateur, en cas de dépassement des 35 heures hebdomadaires, notamment en raison des heures de veille ou de permanence réalisées la nuit…