Le maire de la commune s’estimant diffamé, avait obtenu de Facebook les données d’identifications de la personne ayant créé la page, les éléments utilisés étant le numéro de téléphone et le SMS de confirmation du prévenu.

Une publication avait été postée sur la page incriminée et mentionnait semble-t-il un prétendu usage personnel du véhicule municipal par le Maire de la ville ainsi qu’une allégation sur l’orientation sexuelle prétendue de ce dernier.

Le prévenu avait été condamné à titre de directeur de la publication  sur les fondements des lois du 29 juillet 1982 n° 82-652 du 29 juillet 1982. [1]

S’agissant d’une infraction supposée commise sur le web,  l’article 93-3 de la Loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, telle que modifiée par la loi n°2009-669 du 12 juin 2009 dispose que :  « au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public. A défaut, l’auteur, et à défaut de l’auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal. ».

La loi de 1982, calque la responsabilité dite en cascade prévue par la loi sur la liberté de la presse datant du 29 juillet 1881 (articles 42 et 43), ce qui permet comme l’évoque l’article 93-3 de condamner le directeur de la publication que dans le cas où celui-ci a pu avoir connaissance du message diffamant avant sa communication au public.

La loi de 1982 a vocation à s’appliquer à l’audiovisuel publique c’est-à-dire la communication par radio et satellite. Dans le cas d’un message posté sur Facebook c’est-à-dire un hébergeur dans le web d’un service de communication au public c’est la loi sur confiance dans l’économie numérique et notamment l’article 6- I et II de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique qui ont vocation à s’appliquer car :

« 1. Les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne informent leurs abonnés de l'existence de moyens techniques permettant de restreindre l'accès à certains services ou de les sélectionner et leur proposent au moins un de ces moyens. 

2. Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible.
L'alinéa précédent ne s'applique pas lorsque le destinataire du service agit sous l'autorité ou le contrôle de la personne visée audit alinéa.


3. Les personnes visées au 2 ne peuvent voir leur responsabilité pénale engagée à raison des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de l'activité ou de l'information illicites ou si, dès le moment où elles en ont eu connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces informations ou en rendre l'accès impossible. »

Or le tribunal de fontainebleau n’évoque en aucun cas la loi pour la confiance dans l’économie numérique la quelle fait seule le lien avec les autres dispositions précitées.

Cette décision comporte une autre singularité, en effet le Tribunal a considéré que la simple création de la page par et l’identification par SMS du prévenu attribuait à ce dernier le statut de directeur de la publication. 

La question se pose pourtant de savoir quel est le lieu de fixation des propos publiés (hormis Facebook, quels seraient par exemple les opérateurs utilisés par l’infracteur ?…)

En effet, la seule utilisation d’un téléphone pour créer une page confère-t-il  au possesseur du téléphone le statut de directeur de la publication dès lors qu’une  personne différente peut en user pour créer la page et ensuite l’administrer en son nom propre ? 

Il était en effet plus judicieux par exemple de se fonder sur l’adresse IP de l’utilisateur ou les logs associés à son compte qui peuvent plus efficacement justifier du titre de directeur de la publication que le numéro de téléphone associé à la création du compte.

Ainsi, le tribunal correctionnel de Pau dans un jugement du 12 novembre 2018 a pour sa part considéré que le directeur de la publication est le titulaire du compte Facebook. [2]

Enfin s’agissant de la diffamation, celle-ci peut être définie comme tout allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur et à la considération d'une personne ; l’imputation d’une infraction à une personne constitue systématiquement une infraction.

La diffamation peut être caractérisé par tous les moyens d’expressions : propos, écrit, paroles dessins etc…

La jurisprudence constante de la Cour de cassation établit que la diffamation doit être articulée : l’article 53 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse prévoit que : « La citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de loi applicable à la poursuite Toutes ces formalités seront observées à peine de nullité de la poursuite. »

La diffamation doit porter sur un fait précis susceptible d’être prouvé.

Or, en l’espèce, et ceci est bienheureux désormais, les orientations sexuelles peuvent relever de la violation de la vie privée, mais en aucun cas de la diffamation sauf s’il cette orientation induit une infraction (relation avec un mineur de 15 ans par exemple) et tel n’est pas le cas semble-t-il.

Quant à l’utilisation d’un véhicule de fonction à des fins personnelles ; L’imputation est par hypothèse peu précise au sein du jugement commenté.

En l’état elle n’est donc pas diffamatoire : Cette décision laisse perplexe et montre les limites de l’exercice en matière de droit des médias.

La question se pose donc de savoir si la Cour d’appel de Paris, L’une des Cours les mieux à même de se prononcer clairement en cette matière, éclairera les plaideurs que nous sommes et donc les utilisateurs des réseaux sociaux que nos clients sont.

 

A SUIVRE DONC SI APPEL...

 

Maitre Myriam Manseur-Rivet

avocate au barreau de Marseille

 

Wahil Boudiaf

stagiaire au sein du cabinet

 

[1] : loi de 1881 sur la liberté de la presse : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006070722/

[2] : article 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881: https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006070722/

[3] : jugement du 12 novembre 2018 : https://www.doctrine.fr/d/TGI/Pau/2018/KFV1D7BD6CBA2483F4ABFC7