Des associations de défense pour l’environnement avaient saisi le Conseil d’Etat en vue d’obtenir l’annulation du décret n° 2018-435 du 4 juin 2018 qui est venu modifier le tableau annexé à l’article R.122-2 du code de l’environnement et plus précisément :
- 6° de son article 1er, modifiant la rubrique 44 d) du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l’environnement ; 

- l'annulation de la décision implicite de refus du ministre de la transition écologique et solidaire opposée à leur demande que soit modifié le décret pour corriger un libellé incohérent à la rubrique 44 a) du même tableau et pour édicter un dispositif de " clause filet ".

Quelles sont les dispositions applicables ?

- l’article L.122-1 du code de l’environnement : « Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas.  

Pour la fixation de ces critères et seuils et pour la détermination des projets relevant d'un examen au cas par cas, il est tenu compte des données mentionnées à l'annexe III de la directive 2011/92/ UE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement. » ; 

 

- l’article L.122-3 du code de l’environnement précise quant à lui qu’un décret en Conseil d’Etat doit venir préciser ces dispositions et fixer notamment «  Les catégories de projets qui, en fonction des critères et des seuils déterminés en application de l'article L. 122-1 et, le cas échéant après un examen au cas par cas, font l'objet d'une évaluation environnementale » ;

- l’article R.122-2 du code de l’environnement dispose quant à lui que « Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. ».

1 - S’agissant de la rubrique 44 a) du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l’environnement

Cette rubrique prévoit qu’un examen au cas par cas doit être réalisé pour les pistes permanentes de courses d'essai et de loisirs pour véhicules motorisés.

Les requérantes arguaient tout d’abord que cette disposition méconnaissait la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.  Le Conseil d’Etat écarte ce moyen dans la mesure où cette directive impose que soit réalisé un examen au cas par cas pour les projets de pistes permanentes de courses d'essai et de loisirs pour véhicules motorisés. Dès lors, le décret a correctement transposé la directive en prévoyant, à l’article R.122-2 du code de l’environnement, une évaluation environnementale au cas par cas  pour les projets de pistes permanentes de courses pour véhicules motorisés et les pistes permanentes d'essais pour véhicules motorisés mais également pour les projets de pistes permanentes de loisirs pour véhicules motorisés. 


Le Conseil d’Etat rejette également le moyen tiré de ce que la formulation de la rubrique 44 a) du tableau annexé à l’article R.122-2 du code de l’environnement méconnaîtrait les articles L. 362-3 du code de l'environnement et R* 421-9 du code de l’urbanisme. En effet, le terme « pistes permanentes » prévu par la rubrique litigieuse recouvre bien le même champ que le terme « terrains » des articles du code de l’urbanisme cités ci-dessus et relatifs à la nécessité d’obtenir un permis d’aménager en cas d’ouverture de terrains pour la pratique de sports motorisés.

2 - S’agissant de la rubrique 44 d) de l'annexe de l'article R. 122-2 du code de l’environnement


Pour mémoire la rubrique 44 d) du tableau annexé à l’article R.122-2 du code de l’environnement impose qu’une évaluation au cas par cas doit être réalisée pour les « autres équipements sportifs ou de loisirs et aménagements associés susceptibles d'accueillir plus de 1 000 personnes. ».

Le Conseil d’Etat se base ici également sur la directive du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement et son interprétation par la Cour de justice de l’Union Européenne.
Il rappelle ici que « l'instauration, par les dispositions nationales, d'un seuil en-deçà duquel une catégorie de projets est exemptée d'évaluation environnementale n'est compatible avec les objectifs de cette directive que si les projets en cause, compte tenu, d'une part, de leurs caractéristiques, en particulier leur nature et leurs dimensions, d'autre part, de leur localisation, notamment la sensibilité environnementale des zones géographiques qu'ils sont susceptibles d'affecter, et, enfin, de leurs impacts potentiels ne sont pas susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine. »

En vertu des seuils fixés par la rubrique 44 d) du c, aucune évaluation environnementale n’est imposée  en cas de constructions d'équipements sportifs ou de loisirs ne figurant dans aucune autre rubrique du tableau et susceptibles d'accueillir un nombre de personnes égal ou inférieur à 1 000. Ne sont donc jamais prises en compte les caractéristiques et les localisations des projet alors que de tels projets peuvent avoir une incidence notable sur l’environnement ou la santé humaine.

Dès lors, le Conseil d’Etat considère que ces dispositions sont en contradictions avec les objectifs de la directive du 13 décembre 2011. Sans qu’il y ait besoin de saisir la Cour de justice de l’Union Européenne, le décret attaqué est donc annulé en tant qu'il exclut certains projets de toute évaluation environnementale sur le seul critère de leur dimension, sans comporter de dispositions permettant de soumettre à une évaluation environnementale des projets qui, en raison d'autres caractéristiques telles que leur localisation, sont susceptibles d'avoir une incidence notable sur l'environnement ou la santé humaine.
Le Conseil d’Etat donne un délai de 9 mois au gouvernement pour corriger le tir.

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