Dans un arrêt du 1er avril 2021 (CA Paris 01-04-2021, RG n°20/12215), la Cour d’appel de Paris vient de juger que la possibilité octroyée aux entreprises, durant la crise du Covid-19, d’imposer aux salariés la prise de jours de congés ou de repos, ne se justifie qu’en présence de difficultés économiques.

 

1/ Rappel du dispositif de prise imposée des jours de congés ou de repos

Selon l’article 2 de l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020, lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, et par dérogation à l’accord ou à la convention collective instituant un dispositif de réduction du temps de travail ou un dispositif de jours de repos conventionnels, l’employeur peut, sous réserve de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc :

1° Imposer la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos au choix du salarié acquis par ce dernier;

2° Modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos.

Par ailleurs, l’article 2 de l’ordonnance prévoit que, dans le même contexte, l’employeur peut imposer que les droits affectés sur le compte épargne-temps (CET) du salarié soient utilisés par la prise de jours de repos, dont il détermine les dates en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc.

Ce dispositif est applicable jusqu’au 30 juin 2021. L’avant-projet de loi sur la gestion de sortie de crise sanitaire, présenté à la mi-avril, envisage cependant d’étendre son application jusqu’au 31 octobre 2021.

 

2/ Remise en cause des jours de RTT et CET imposés au sein du groupe SANOFI

Sur le fondement des dispositions susvisées (cf. § 1), le groupe SANOFI a édicté une note de service le 26 mars 2020, intitulée «?mesures sur les congés?», prévoyant que : 

«(…) 2. Pour les salariés qui sont actuellement à domicile sans que leur activité principale ne puisse être exercée en télétravail de manière prolongée, lesquels en seront informés, et dans le cadre des dispositions prévues par la loi d’urgence du 23 mars 2020 et l’ordonnance du 25 mars 2020 portant mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jour de repos, il a été décidé ce qui suit :

-La prise des jours JRTT ou JOTT sera imposée à hauteur de 10 jours. Ces jours devront impérativement être pris entre le 30 mars et le 17 avril 2020 au plus tard, et posés dans e-Rh au plus tard le 3 avril 2020.

-Pour les salariés qui ne disposent pas de JRTT/JOTT ou plus suffisamment sur l’exercice en cours, des jours qui auront été épargnés sur le CET seront positionnés automatiquement à concurrence de 10 jours sur la période indiquée ci-dessus. (…). »

 

Contestant la note de service, la Fédération nationale des industries chimiques CGT a demandé au Président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé d’heure à heure :

  • de faire interdiction aux sociétés du groupe SANOFI de mettre en ½uvre la note de service ;
  • d’enjoindre ces sociétés de rétablir dans leurs droits les salariés concernés par la note de service et notamment de les recréditer des jours ainsi prélevés sur leur CET.

Par ordonnance du 31 juillet 2020 (RG n° 20/54530) la Fédération nationale des industries chimiques CGT a été déboutée de sa première demande.

 

Quant à la seconde demande, celle-ci a été déclarée irrecevable, car le juge prud’homal a seul compétence pour statuer sur les droits individuels des salariés.

Le syndicat a interjeté appel de l’ordonnance du Président du tribunal judiciaire de Paris et la Cour d’appel de Paris a infirmé sa décision, jugeant que la faculté d’imposer la prise de jours de repos ou de RTT nécessite que l’entreprise rencontre des difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19.

 

En effet, comme la Cour l’a jugé, l’ordonnance n°2020-323 du 25 mars 2020 prévoit expressément et clairement que la prise des mesures dérogatoires ne peut intervenir que lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19.

 

Un pourvoi en cassation a été formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris et la réponse de la Cour de cassation est attendue avec impatience par les acteurs du droit du travail. .