Puis-je construire une maison sur un terrain qui ne m'appartient pas ? Que dit la loi à ce sujet ? 

Selon les dispositions du Code civil applicables aux biens immobiliers, la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous (1).

Concrètement, cela signifie que si vous entreprenez de construire une maison sur le terrain d'autrui (soit le terrain appartenant à quelqu'un d'autre), vous n'aurez en principe aucun droit de propriété sur le bâti.

La maison appartiendra au propriétaire du terrain, qui devra néanmoins vous indemniser s'il décide de conserver la construction (2)

Dans le cas d'époux, la situation est légèrement différente, et dépend notamment du régime matrimonial pour lequel ceux-ci ont opté.

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Construction sur le terrain de l'un des époux : qui est propriétaire du bien construit ? 

Régimes matrimoniaux : bref rappel

Pour mémoire, divers régimes matrimoniaux coexistent en droit français. Ces régimes sont destinés à régir les relations existant entre les époux durant le mariage, et à déterminer le sort des biens qu'ils possédaient avant le mariage, et qu'ils acquièrent pendant celui-ci.

Il existe :

  • des régimes de communautés (qui prévoient la création d'une masse de biens communs aux époux, dont tous 2 sont propriétaires) ;
  • des régimes séparatistes, notamment le régime de séparation de biens, dans le cadre duquel chaque époux demeure en principe seul propriétaire des biens qu'il acquiert au cours du mariage.

Chaque régime matrimonial présente des spécificités qui lui sont propres.

Régime de la communauté légale et construction sur le sol d'autrui 

Selon le régime de communauté légale (ou "communauté réduite aux acquêts", qui est le régime qui s'applique par défaut, si les époux n'en ont pas choisi un autre), demeurent des biens propres (3) :

  • les biens dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de la célébration du mariage ;
  • ceux qu'ils acquièrent, pendant le mariage, par succession, donation ou legs.

3 masses de biens coexistent donc : 

  • la masse de biens propres à l'époux n°1 ;
  • la masse de biens propres à l'époux n°2 ;
  • la masse de biens communs.

Si les époux entreprennent de construire une maison sur un terrain qui est un bien propre à l'un d'eux (par exemple, l'époux n°1), l'autre (l'époux n°2) n'aura en principe aucun droit de propriété sur celle-ci : la maison constituera un bien propre de l'époux n°1.

En revanche, en cas de liquidation du régime matrimonial (par exemple en cas de divorce)l'époux n°1 devra verser une récompense à la communauté si la construction a été financée par des fonds communs (par exemple via la souscription d'un crédit en commun financé par les revenus des époux) (4).

Cette contrepartie est destinée à indemniser la communauté des époux du montant investi par elle dans l'amélioration d'un bien propre à l'un d'eux.

 À noter : dans le cas d'époux, il n'est donc pas question d'indemnisation de l'époux n°2 (comme c'est le cas dans le cadre classique d'une construction immobilière sur le sol d'autrui), mais du versement d'une récompense, en cas de dissolution du régime matrimonial, due par l'époux n°1 à la communauté. 

Dans ce cas précis, la récompense versée ne peut être inférieure au profit subsistant (5) 

 À noter : en principe, la récompense est égale, en général, à la plus faible des 2 sommes entre la dépense faite et le profit subsistant. Néanmoins, le cas que nous étudions ici relève d'une exception à cette règle, puisqu'il a trait à une situation dans laquelle la construction d'une maison sur le terrain, bien propre, constitue une "amélioration" de celui-ci, selon les termes de la loi. 

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Exemple 

Votre conjoint a hérité d'un terrain d'une valeur de 30.000 euros. Vous faites construire, ensemble, une maison entièrement financée par un crédit commun, pour un coût total de 100.000 euros.

Au moment de votre divorce, la valeur de la maison est de 150.000 euros, et la valeur du terrain nu (sans la maison) est de 40.000 euros. 

Le profit subsistant doit être évalué par rapport à la valeur de la maison, déduction faite de la valeur du terrain, soit 110.000 euros (150.000 - 40.000).  

Donation du terrain bien propre par les parents à l'époux n°1 : les vigilances à avoir

Soyez également vigilant si le terrain, bien propre de votre époux, a fait l'objet d'une donation par ses parents par exemple.

En cas de décès de votre époux, et si vous n'avez pas d'enfant, les parents donateurs pourraient, sous conditions et selon des modalités particulières, exercer leur droit de retour légal (6), qui pourrait leur permettre d'obtenir le retour du bien donné (en l'occurrence, le terrain) dans leur patrimoine. Ils pourraient ainsi récupérer le terrain et la maison construite, par voie d'accession.

Il est aussi possible que les parents aient inséré, dans l'acte de donation, une clause d'exclusion de la communauté, qui empêcherait le terrain (et la maison qui est dessus) d'intégrer la communauté de biens des époux, même en cas d'option de ceux-ci pour le régime de la communauté universelle (voir ci-dessous). 

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Est-il possible que la maison construite sur le terrain de votre époux bascule en communauté ? 

Il est possible que la maison, de fait bien propre de votre époux, devienne un bien commun, par exemple via : 

  • dans le cadre d'un régime de communauté conventionnelle, une clause insérée dans votre contrat de mariage, qui vous permettrait de faire entrer le terrain dans la communauté des biens ;

  • un changement de régime matrimonial (7) pour le régime de la communauté universelle, qui vous permettrait d'intégrer le terrain dans la communauté de biens (8). Attention néanmoins, il est possible, si le terrain a été initialement donné par les parents de votre époux, que l'acte de donation comporte une clause d'exclusion de la communauté (voir ci-dessus).

N'hésitez pas à vous rapprocher de votre notaire ou d'un avocat pour obtenir des conseils adapté à votre situation !

Références :
(1) Articles 546, 551 et 552 du Code Civil
(2) Cass. 3ème Civ., 13 janvier 1999, n°96-12077
(3) Article 1405 du Code Civil
(4) Articles 1406, 1468 et 1437 du Code Civil, et Cass. 1ère Civ., 26 septembre 2012, n°11-20196
(5) Article 1469, alinéa 3 du Code civil
(6) Article 738-2 du Code Civil
(7) Article 1397 du Code Civil
(8) Article 1526 du Code civil