Si les faits de harcèlement sont nombreux, en rapporter la preuve est souvent très difficile voir impossible. Par contre reprocher un manquement par l'employeur à son obligation de sécurité de ses employés est bien plus facile.

Le salarié insulté tous les jours par son supérieur hiérarchique entre 4 yeux est victime de harcèlement moral mais les faits se déroulant sans témoins et uniquement oralement, s’avèrent difficiles à prouver si bien que toute demande fondée sur le harcèlement moral subi risque d’être rejetée.

En effet, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Si le salarié ne parvient pas à établir ces faits, l’employeur n’aura même pas besoin de s’expliquer pour obtenir gain de cause.

La cour de cassation a ouvert une porte permettant de contourner dans certains cas cette absence de preuve en se fondant sur l’article L 4121-1 du code du travail qui impose à l’employeur d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs et il doit prendre notamment des mesures de prévention des risques professionnels.

Dans son arrêt du 27 novembre 2019, n° 18-10.551, la Chambre sociale de la cour de cassation examine la situation d’une salariée qui n’arrive pas à prouver les faits de harcèlement moral qu’elle a subis et demande des dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité par son employeur.

La haute Cour rappelle que l'obligation de prévention des risques professionnels est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.

La cour d’appel avait jugé qu'aucun agissement répété de harcèlement moral n'étant établi, il ne peut être reproché à l'employeur de ne pas avoir diligenté une enquête et par là-même d'avoir manqué à son obligation de sécurité.

La cour de Cassation casse cette décision en jugeant que l’absence d’enquête par l’employeur suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral constitue une violation de son obligation de prévention du risque professionnel que constitue le harcèlement moral et que la salariée doit bénéficier de dommages et intérêts.   

Solution d’autant plus intéressante que l’employeur affirmait avoir diligenté une enquête interne mais pas une enquête contradictoire c’est-à-dire en présence de la salariée qui se prétend victime de harcèlement par sa supérieure hiérarchique.

L’employeur destinataire d’une dénonciation de faits de harcèlement aura tout intérêt à organiser une enquête contradictoire et d’en justifier par un document signé par la prétendue victime, le prétendu auteur du harcèlement et les personnes entendues pour prouver ainsi qu’il a satisfait à l’obligation de prévention des risques professionnels, sous peine de s’exposer à une condamnation à des dommages et intérêts.

Le salarié qui se heurte à la difficulté de réunir des preuves de harcèlement pourra se contenter de soutenir que l’employeur n’a pas diligenté d’enquête contradictoire et faute pour l’employeur de prouver qu’une telle enquête s’est tenue, l’employeur sera condamné à indemniser le salarié.