Dans une décision en date du 21 avril 2021, le Conseil d’Etat considère que des captures d’écran anonymes constituent une preuve de l’impossibilité de prendre un rendez-vous en ligne sur le site d’une préfecture.

En l’espèce, le requérant était un ressortissant malien qui avait fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire et souhaitait obtenir un rendez-vous à la préfecture de la Seine-Saint-Denis afin d’obtenir un titre de séjour.

 

I. La nécessité du recours au juge

            Afin d’obtenir un titre de séjour le ressortissant étranger doit prendre rendez-vous avec le service des étrangers de sa préfecture. En principe le rendez-vous se prend sur internet, mais les plateformes numériques sont souvent surchargées si bien qu’il est en pratique compliqué d’obtenir un rendez-vous. Ainsi les requérants sont souvent contraints de recourir au juge des référés sur le fondement de l’article L 521-2 du Code de justice administrative.

            Le Conseil d’Etat rappelle que l’examen du dossier du ressortissant étranger souhaitant obtenir un titre de séjour est un devoir de l’autorité administrative et qu’en conséquence le recours au juge des référés est légitime.

 

II. Le problème posé par l’anonymat de la page internet de la préfecture

Cette décision constitue une précision sur la pratique du recours au juge des référés pour obtenir un rendez-vous en préfecture. Afin de prouver que le requérant ne peut pas prendre de rendez vous sur la plateforme en ligne de sa préfecture, il doit fournir au juge des captures d’écran attestant de tentatives vaines de connexion. Cependant comme le souligne le Conseil d’Etat « la page indiquant qu’il n’existe plus de plage horaire disponible est toujours anonyme, dès lors qu’elle apparaît avant même que l’étranger ait été en mesure d’enregistrer ses données personnelles ». Ainsi en pratique le requérant fait une capture d’écran de la page du site internet de la préfecture en ouvrant en arrière-plan une fenêtre de recherche internet laissant apparaître son nom et prénom. Cependant cette pratique reste officieuse et ne permet pas de garantir l’identité de l’étranger.

 

III. Une solution circonscrite aux circonstances de l’espèce ?

Dans cette décision le juge administratif fait apparaître le problème et le règle en faisant preuve de pragmatisme et de souplesse. Il prend en compte les circonstances de l’espèce : le requérant avait fourni 228 captures d’écran datées précisément par un système informatique de juin à octobre 2020.

La décision du Conseil d’Etat reste cependant floue : constitue-t-elle un revirement de jurisprudence ou le juge administratif admet-il l’anonymat des captures d’écran uniquement du fait de leur nombre très élevé ?

            En effet, le requérant a fournit des captures d’écran sur une période de plus de quatre mois, or habituellement le juge administratif exige uniquement des captures d’écran sur plusieurs semaines. L’admission de captures d’écran anonymes comme éléments de preuve semble être subordonnée à leur nombre très élevé.

Cependant dans une décision en date du 10 juin 2020 le Conseil d’Etat avait refusé d’admettre des captures d’écran anonymes comme élément de preuve. Cependant dans cette espèce le requérant « ne justifiait que de quatre captures d’écran datées du 13 au 18 septembre 2019 » ainsi, anonymes ou pas, il est fort probable que les captures d’écran auraient été insuffisantes.

 

 

Par Maître Fayçal Megherbi

avocat au Barreau de Paris