Quels faits peuvent être considérés comme du harcèlement moral au travail ? Comment les reconnaître ? 

Au travers d'exemples concrets, nous vous aidons à déterminer ce qui peut constituer un harcèlement moral afin de ne pas le confondre avec la pression inhérente à votre activité professionnelle.

Attention : une telle confusion pourrait vous exposer, en cas de dénonciation abusive, à des sanctions.

Voici des faits dont le juge a considéré qu'ils constituaient des faits de harcèlement moral.

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1. Dénigrement et brimade

En l'espèce, le salarié avait fait l'objet de brimades et de dénigrements (notamment de quolibets) de la part d'une collaboratrice, qui l'avait privé de ses responsabilités. Ces agissements avaient gravement altéré son état de santé, et provoqué son inaptitude. 

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La Cour de cassation a retenu la réalité d'actes répétés et injustifiés caractérisant une violence morale et psychologique de nature à nuire au salarié pour caractériser, dans cette affaire, une faute imputable à l'employeur constitutive d'un harcèlement moral (3).

2. Critique injustifiée

En l'espèce, le supérieur hiérarchique de la salariée s'était livré, de manière répétée et dans des termes humiliants, à une critique de l'activité de cette dernière, en présence d'autres salariés (4).

3. Humiliation 

En l'espèce, un supérieur hiérarchique avait tenu, à l'égard du salarié concerné, des propos blessants et humiliants de manière répétée (5).

4. Mesures vexatoires

Le salarié avait fait l'objet de multiples mesures vexatoires, telles que :

  • l'envoi de notes contenant des remarques péjoratives assénées sur un ton péremptoire propre à le discréditer ;
  • des reproches sur son "incapacité professionnelle et psychologique" et sa présence "nuisible et inutile" ;
  • le retrait des clés de son bureau ;
  • sa mise à l'écart du comité directeur ;
  • la diminution du taux horaire de sa rémunération.

La Cour de cassation a retenu que ces faits ne pouvaient pas être justifiés par l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur (6).

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5. Discrédit

Le fait qu'un salarié fasse l'objet de brimades de façon répétée, et qu'il soit empêché d'exercer pleinement ses fonctions de chef d'équipe, qu'il ait été discrédité vis-à-vis de ses collègues de travail, qu'il se soit retrouvé dans une situation financière difficile, que sa santé physique et mentale s'en soit trouvée altérée au point qu'il ait été contraint, à la suite de ses faits, d'interrompre l'exercice de son activité, compromettant ainsi son avenir professionnel, est constitutif d'un harcèlement moral  (7).

6. Agressivité et propos dénigrants

Le comportement agressif du supérieur hiérarchique à l'égard d'une salariée soignée pour dépression, traduisant une volonté de restreindre ses fonctions du salarié au sein de l'entreprise, constitue des faits de harcèlement moral (8).

Dans une autre affaire, la Cour de cassation a relevé que le comportement autoritaire d'un supérieur hiérarchique dans le milieu de la cuisine, qui claquait des doigts et criait, et les propos qu'il tenait ("comment on peut engager des bons à rien comme cela" et "si vous ne savez pas porter, vous n'avez qu'à pas prendre des métiers d'homme"), excédaient les limites du pouvoir de direction de l'employeur (9).

7. Tâche dépassant ses capacités

Confier au salarié de manière habituelle une tâche dépassant ses capacités (en l'espèce, le port de charges lourdes de plus de 17 kilogrammes), mettant en jeu sa santé, peut être assimilé à du harcèlement moral (10)

8. Mise au placard 

En l'espèce, la salariée avait été installée dans un local exigu, dépourvu de chauffage décent et d'outils de travail, et ses collègues avaient reçu l'ordre de ne plus lui parler. Son employeur avait par ailleurs mis en doute son équilibre psychologique et avait eu un comportement excessivement autoritaire à son égard (11).

Dans le même sens, il a été reconnu que le fait de s'opposer à ce qu'un salarié reprenne ses fonctions après un transfert d'entreprise et de l'obliger unilatéralement à prendre ses congés afin de l'écarter de ses fonctions était constitutif de harcèlement moral (12).

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9. Privation d'outils de travail professionnels

Sont constitutives de faits de harcèlement moral les injures à caractère racial et l'absence de bureau, d'ordinateur et de téléphone au retour d'un congé maternité (13).

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Il en est de même de la salariée subissant 4 avertissements dont aucun n'est fondé (14).

11. Situation de "bore-out" (ennui au travail)

Un arrêt rendu par une Cour d'appel a retenu le bore-out (ennui au travail) comme constitutif de harcèlement moral (15).

En l'espèce, le salarié avait été mis à l'écart, sans se voir confier de réelles tâches correspondant à sa qualification et à ses fonctions contractuelles. Il avait été affecté à des travaux subalternes relevant de fonctions d'homme à tout faire ou de concierge privé au service des dirigeants de l'entreprise.

Le manque d'activité et l'ennui du salarié avait entraîné une dégradation de ses conditions de travail, de son avenir professionnel et de sa santé

12. Pression disciplinaire

Constituent des faits de harcèlement moral les nombreuses convocations à des entretiens préalables dans le cadre de 4 procédures disciplinaires dont 2 sont restées sans suite pendant une période de fragilité du salarié et une inaptitude liée à son état dépressif résultant de la dégradation de ses conditions de travail  (16).

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Comment prouver que l'on est harcelé au travail ? Que faire ?

Le salarié (ou le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation) doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement pour disposer de moyens d'action à la fois devant le Conseil de prud'hommes (17).

En revanche, dénoncer à tort des faits de harcèlement moral peut avoir de lourdes conséquences aussi bien pour vous que pour la personne faisant l'objet de telles accusations.

Dénonciation de harcèlement moral : la jurisprudence a évolué !

Pour mémoire, la loi prévoit qu'aucun salarié ne peut être sanctionné pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral, ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Toute rupture de contrat intervenue en méconnaissance de ces dispositions est nulle

Initialement, la Cour de cassation considérait que pour bénéficier de cette protection contre le licenciement, le salarié devait avoir qualifié lui-même les faits qu'il dénonçait de "harcèlement moral" (18).

Tel n'est désormais plus le cas : la Cour de cassation a en effet revu sa position et estimé, en avril 2023, que le salarié qui dénonce des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, peu important qu'il n'ait pas qualifié lesdits faits de harcèlement moral lors de leur dénonciation, sauf mauvaise foi (19).

Concernant la mauvaise foi, la Cour précise que celle-ci peut résulter que de la connaissance, par le salarié, de la fausseté des faits qu'il dénonce.

Notez que, selon la notice de l'arrêt (20), ce principe ne s'applique néanmoins qu'à la condition que l'employeur n'ait pu légitimement ignorer, à la lecture de l'écrit adressé par le salarié ayant motivé son licenciement, que celui-ci dénonçait bien des agissements de harcèlement.

 Références :
(1) Cass. Soc., 24 juin 2009, n°07-43994
(2) Cass. Soc., 8 juillet 2009, n°08-41638
(3) Cass. Soc., 12 juin 2014, n°13-13951
(4) Cass. Soc., 26 mars 2013, n°11-27996
(5) Cass. Crim., 6 février 2007, n°06-82601
(6) Cass. Soc., 24 juin 2009, n°07-45208
(7) Cass. Crim., 19 juin 2018, n°17-82649
(8) Cass. Soc., 7 janvier 2015, n°13-17602
(9) Cass. Soc., 29 juin 2005, n°03-44055
(10) Cass. Soc., 12 juin 2019, n°17-13636
(11) Cass. Crim., 16 février 2010, n°09-84013
(12) Cass. Soc., 22 mars 2007, n°04-48308
(13) CA Paris, 2 juin 2020, n°18/05421
(14) Cass. Soc., 18 mars 2014, n°13-11174
(15) Article L1154-1 du Code du travail
(16) Cass. Soc., 13 septembre 2017, n°15-23045
(17) Cass. Soc., 19 avril 2023, n°21-21053
(18) Notice au rapport relative à l'arrêt du 19 avril 2023 Pourvoi n°21-21053 - Chambre Sociale - Cour de cassation