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Jurisprudences

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Le point de vue des avocats

Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)

Avocat : SCP Célice, Texidor, Périer

République française au nom du peuple français

  • Cour de cassation
  • Chambre sociale
  • Audience publique 14 décembre 2022
  • N° de pourvoi: 21-15.439
  • Inédit
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CZ



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 14 décembre 2022




Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 1369 F-D

Pourvoi n° R 21-15.439




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022

La Fondation Perce Neige, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 21-15.439 contre l'arrêt rendu le 24 février 2021 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [H] [B], épouse [D], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Carillon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Fondation Perce Neige, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Carillon, conseiller référendaire rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 février 2021), Mme [B] a été engagée par la Fondation Perce Neige le 21 décembre 2005 en qualité d'aide-soignante.

2. Mise à pied à titre conservatoire le 15 février 2014, la salariée a été convoquée le 17 février 2014 à un entretien préalable au licenciement fixé le 28 février 2014.

3. Licenciée pour faute grave par lettre du 14 mars 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture et obtenir le paiement de diverses sommes.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement n'était pas causé par une faute grave et se trouvait sans cause réelle et sérieuse, de le condamner à verser à la salariée diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis, d'indemnité de licenciement et au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'ordonner le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage payées au salarié licencié dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, alors :

« 1°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, y compris pendant la durée du préavis ; que constitue une faute grave le fait pour une salariée, travaillant dans un centre médico-social d'accueil de personnes dépendantes, de faire preuve de maltraitance à l'égard d'une personne dépendante ; qu'une telle faute grave est d'autant plus caractérisée en raison de la particulière vulnérabilité des personnes handicapées et dépendantes accueillies dans de tels centres ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que Madame [D] a commis un faute en n'étant pas intervenue en dépit de l'appel de nuit d'une résidente handicapée pour qu'elle vienne l'assister, ce qui a contraint cette dernière à se glisser hors de son lit pour uriner par terre sur le sol de sa chambre, et ce qui n'a été découvert que le lendemain matin à 9 h par une aide médico psychologique se rendant dans la chambre de la patiente, dans laquelle Madame [D] ne s'est jamais rendue alors qu'elle était de garde de nuit ; que ce comportement fautif constaté par l'arrêt correspond à un acte de maltraitance ; qu'en écartant néanmoins la faute grave de la salariée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige et les articles L. 311-2 et L.311-3 du code de l'action sociale et des familles ;

2°/ qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que l'absence de réponse de la salariée à l'appel d'une patiente handicapée, alors qu'elle était de garde de nuit, a eu pour ''conséquence de contraindre une résidente à uriner par terre'', ce qui caractérise juridiquement un acte de maltraitance constitutive d'une faute grave ; qu'en retenant néanmoins que madame [M], aide médico psychologique, qui a attesté s'être rendue dans la chambre de la résidente pour faire sa toilette à 9 heures et a constaté la flaque d'urine, ''n'a toutefois pas établi de fiche sur cet incident le jour même'', qu' ''elle ne fait aucune référence dans son attestation à une odeur d'urine dans la chambre'', qu' ''il n'est pas justifié que les résidentes ont une horloge dans leurs chambre, leur permettant de vérifier l'heure et d'autre part n'ont pas la nuit leurs téléphones portables à portée de main'', que ''ce n'est que dans l'attestation de Mme [E], chef de service, établie le 20 février 2014, que celle-ci déclare que madame [X], suite à un entretien le 18 février, lui a dit avoir appelé pendant une heure'', qu' ''il est très difficile, même pour une personne bénéficiant de toutes ses facultés mentales d'évaluer le temps qui s'écoule pendant la nuit'', ''qu'il ressort du témoignage de M. [S], chef de service de la maison Perce Neige jusqu'en janvier 2014, que la maladie neurologique dégénérative de madame [X], ne lui permettait pas d'attendre une heure avant d'aller uriner'', que ''il n'est donc pas justifié de ce que les appels tant de madame [X] (?) ont duré plus de quelques minutes'' et que ''en l'état de la configuration des lieux, du fait qu'une seul aide-soignante est présente sur un étage la nuit, de l'absence de sonnettes, du fait que l'heure de l'incident qui s'est déroulé dans la nuit du 11 au 12 février 2014 est indéterminée et qu'il n'est pas démontré que les appels des résidentes ont duré plus de quelques minutes, les faits reprochés à la salariée, savoir ne pas avoir répondu à ces appels, ce qui a eu pour seule conséquence de contraindre une résidente à uriner par terre, ne sont pas suffisants pour caractériser une cause sérieuse de licenciement'', cependant que ces constatations n'étaient pas de nature à écarter la faute grave caractérisée par le comportement fautif de La salariée constaté par l'arrêt, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et a ainsi violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, après avoir constaté que la lettre de licenciement reprochait à la salariée de ne pas avoir répondu, dans la nuit du 11 au 12 février 2014, à l'appel d'une résidente ayant besoin d'aller aux toilettes, celle-ci, en l'absence d'intervention, s'étant alors glissée sur le bord de son lit pour uriner par terre, a d'abord relevé que la présence d'un aide soignant de nuit, par étage, dans la structure était insuffisante pour s'occuper des 35 résidents en internat, vu les autres tâches confiées et alors même que certaines interventions auprès des malades nécessitaient d'être deux, ce qui impliquait de délaisser la surveillance de l'étage pendant de longues minutes voire une heure.
6. Elle a ensuite constaté que l'établissement, malgré les demandes de résidents, de leur famille et du personnel, n'était pas doté de dispositifs d'alerte de nuit, alors que des résidents ne pouvaient pas parler et donc appeler de l'aide en cas d'urgence et a relevé que la responsabilité d'organiser le service, de doter les résidents et soignants de matériel suffisant et adapté, de confier au personnel des tâches compatibles entre elles et de prévoir du personnel en nombre suffisant, incombait à l'employeur et non au personnel.
7. Elle a enfin retenu que la salariée avait alerté à plusieurs reprises sa direction sur l'organisation et les dispositifs en place, de même que d'autres de ses collègues, et que les manquements invoqués à l'appui du licenciement, constituant en effet des négligences graves et une mise en danger des résidents, ne lui étaient donc pas imputables, l'employeur n'ayant pas pris les mesures nécessaires en termes d'organisation, de matériel et de personnel la nuit, pour respecter ses obligations de sécurité et de prudence imposées dans ce type d'établissement, exposant ainsi les résidents à un risque immédiat de blessures.
8. De ces constatations, elle a pu déduire que les faits invoqués par l'employeur ne rendaient pas impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise et, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail, a décidé qu'ils ne pouvaient être une cause réelle et sérieuse de licenciement.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Fondation Perce Neige aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Fondation Perce Neige.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.




MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Fondation Perce Neige.
La Fondation PERCE NEIGE fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame [D] n'était pas causé par une faute grave et se trouvait sans cause réelle et sérieuse, de l'AVOIR condamnée à verser à Madame [D] les sommes de 15.000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 3.556,96 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis en brut, 355,69 € à titre de congés payés sur préavis en brut, 7.336,23 € d'indemnité de licenciement en brut et 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'AVOIR ordonné le remboursement aux organismes concernés des indemnités de chômage payées au salarié licencié dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
1°/ ALORS QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, y compris pendant la durée du préavis ; que constitue une faute grave le fait pour une salariée, travaillant dans un centre médico-social d'accueil de personnes dépendantes, de faire preuve de maltraitance à l'égard d'une personne dépendante ; qu'une telle faute grave est d'autant plus caractérisée en raison de la particulière vulnérabilité des personnes handicapées et dépendantes accueillies dans de tels centres ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que Madame [D] a commis un faute en n'étant pas intervenue en dépit de l'appel de nuit d'une résidente handicapée pour qu'elle vienne l'assister, ce qui a contraint cette dernière à se glisser hors de son lit pour uriner par terre sur le sol de sa chambre, et ce qui n'a été découvert que le lendemain matin à 9 h par une aide médico psychologique se rendant dans la chambre de la patiente, dans laquelle Madame [D] ne s'est jamais rendue alors qu'elle était de garde de nuit ; que ce comportement fautif constaté par l'arrêt correspond à un acte de maltraitance ; qu'en écartant néanmoins la faute grave de la salariée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations et a ainsi violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, ensemble les articles L. 1235-1 et L. 1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige et les articles L. 311-2 et L.311-3 du code de l'action sociale et des familles ;
2°/ ALORS QU'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que l'absence de réponse de Madame [D] à l'appel d'une patiente handicapée, alors qu'elle était de garde de nuit, a eu pour « conséquence de contraindre une résidente à uriner par terre » (arrêt p. 11 § 5), ce qui caractérise juridiquement un acte de maltraitance constitutive d'une faute grave ; qu'en retenant néanmoins que madame [M], aide médico psychologique, qui a attesté s'être rendue dans la chambre de madame [X] pour faire sa toilette à 9 heures et a constaté la flaque d'urine, « n'a toutefois pas établi de fiche sur cet incident le jour même », qu' « elle ne fait aucune référence dans son attestation à une odeur d'urine dans la chambre », qu' « il n'est pas justifié que les résidentes ont une horloge dans leurs chambre, leur permettant de vérifier l'heure et d'autre part n'ont pas la nuit leurs téléphones portables à portée de main », que « ce n'est que dans l'attestation de Mme [E], chef de service, établie le 20 février 2014, que celle-ci déclare que madame [X], suite à un entretien le 18 février, lui a dit avoir appelé pendant une heure », qu' « il est très difficile, même pour une personne bénéficiant de toutes ses facultés mentales d'évaluer le temps qui s'écoule pendant la nuit », « qu'il ressort du témoignage de M. [S], chef de service de la maison Perce Neige jusqu'en janvier 2014, que la maladie neurologique dégénérative de madame [X], ne lui permettait pas d'attendre une heure avant d'aller uriner », que « il n'est donc pas justifié de ce que les appels tant de madame [X] (?) ont duré plus de quelques minutes » et que « en l'état de la configuration des lieux, du fait qu'une seul aide-soignante est présente sur un étage la nuit, de l'absence de sonnettes, du fait que l'heure de l'incident qui s'est déroulé dans la nuit du 11 au 12 février 2014 est indéterminée et qu'il n'est pas démontré que les appels des résidentes ont duré plus de quelques minutes, les faits reprochés à Mme [D], savoir ne pas avoir répondu à ces appels, ce qui a eu pour seule conséquence de contraindre une résidente à uriner par terre, ne sont pas suffisants pour caractériser une cause sérieuse de licenciement » (arrêt p. 10 et 11), cependant que ces constatations n'étaient pas de nature à écarter la faute grave caractérisée par le comportement fautif de Madame [D] constaté par l'arrêt, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et a ainsi violé les articles L. 1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail, ensemble les articles L. 1235-1 et L.1235-3 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige et L. 311-2 et L.311-3 du code de l'action sociale et des familles.

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier du mercredi 14 décembre 2022


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