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Jurisprudences

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Le point de vue des avocats

Président : M. Bonnal (président)

Avocat : SCP Waquet, Farge et Hazan

République française au nom du peuple français

  • Cour de cassation
  • Chambre criminelle
  • Audience publique 25 janvier 2023
  • N° de pourvoi: 22-80.699
  • Inédit
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° W 22-80.699 F-D

N° 00090


ECF
25 JANVIER 2023


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JANVIER 2023



M. [H] [S] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Basse-Terre, chambre correctionnelle, en date du 21 décembre 2021, qui, pour infractions à la législation sur les stupéfiants et sur les armes, l'a condamné trois ans d'emprisonnement, quinze ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation et a ordonné une mesure de confiscation.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Brugère, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. [H] [S], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Brugère, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Le 23 mai 2021, une enquête préliminaire a été ouverte par la police judiciaire à la Guadeloupe, un renseignement anonyme ayant révélé que M. [H] [S] s'apprêtait à recevoir une livraison d'armes depuis l'île de la Dominique.

3. Sur autorisation du procureur de la République, les policiers ont utilisé à l'occasion de leur enquête des procédés de géolocalisation en temps réel, ainsi que des données de téléphonie qu'ils ont obtenues sur réquisitions judiciaires.

4. M. [S] a été interpellé, après la découverte d'armes et de stupéfiants.

5. Par jugement du 12 juillet 2021, le tribunal correctionnel a écarté les exceptions de nullité présentées devant lui, a déclaré le prévenu coupable d'infractions à la législation sur les stupéfiants et sur les armes, et l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement, ainsi qu'à l'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation pendant quinze ans. Le tribunal a ordonné la confiscation des scellés.

6. Le prévenu et le ministère public ont relevé appel de ce jugement.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité portant sur les procédés de géolocalisation des véhicules Seat et BMW, alors « que l'article 230-33 du code de procédure pénale exige que la décision écrite du procureur de la République autorisant le recours à une opération de géolocalisation en temps réel à l'insu de l'intéressé soit motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que l'opération est nécessaire pour les besoins de l'enquête ; que pour rejeter l'exception de nullité, l'arrêt relève « le magistrat du parquet y mentionne les éléments de fait justifiant sa nécessité soit le fait que M. [S] s'apprête, au vu des éléments recueillis par les enquêteurs, à réceptionner une livraison d'armes acheminée par voie maritime et le fait que l'intéressé est déjà connu de la justice pour des infractions dans lesquelles des armes ont été utilisées » ; que ces éléments ne mentionnent pas en quoi une mesure de géolocalisation en temps réel des véhicules utilisés est nécessaire pour les besoins de cette enquête et sont impropres à en justifier ; qu'en validant l'autorisation du procureur de la République, la chambre de l'instruction a violé les articles 230-33 du code de procédure pénale et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour

8. Pour rejeter les exceptions de nullité dirigées contre les mesures de géolocalisation de deux véhicules effectuées au cours de l'enquête, l'arrêt attaqué énonce qu'elles ont été autorisées par une décision écrite du procureur de la République. Il ajoute que cette autorisation indique les infractions sur lesquelles porte l'enquête, et contient les éléments de fait justifiant la nécessité de la mesure, précisant que M. [S] s'apprêtait à recevoir des armes, et qu'il est connu pour des infractions à l'occasion desquelles des armes ont été utilisées.

9. En l'état de ces motifs dénués d'insuffisance, la cour d'appel a justifié le recours à la géolocalisation, tant au regard de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme que de l'article 230-33 du code de procédure pénale.

10. Le moyen ne peut, dès lors, être accueilli.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité des réquisitions judiciaires, alors « que l'ingérence dans le droit au respect de la vie privée par des réquisitions adressées à un opérateur de téléphonie en application de l'article 77-1-1 du code de procédure pénale, permettant l'accès aux données de connexion et de localisation, exige un contrôle par une autorité extérieure au sens de l'arrêt H.K/Prokuratuur (CJUE, 2 mars 2021, C-746/18) ; que l'effectivité de ce contrôle, en l'espèce exercée a posteriori, suppose une autorisation écrite et motivée, laquelle faisait défaut ; qu'en jugeant que la seule mention au procès-verbal de l'autorisation du procureur de la République était suffisante pour valider ces réquisitions et l'ingérence qu'elles ont permises, la chambre de l'instruction a méconnu les exigences du droit au respect de la vie privée, telles que découlant des articles 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 7 de la Charte des droits fondamentaux et 15, § 1, de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l'article 52, § 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. »




Réponse de la Cour

12. Le requérant a eu la possibilité de soulever, devant les juges du fond, le moyen pris de la violation de l'article 15, § 1, de la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002, telle que modifiée par la directive 2009/136/CE du 25 novembre 2009, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l'article 52, § 1, de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne par la Cour de justice de l'Union européenne.

13. M. [S] n'a pas soulevé ce moyen devant les juges du fond.

14. En conséquence, le grief est irrecevable.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

15. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [S] coupable du délit d'acquisition non autorisée de stupéfiants, alors « que les délits relatifs au transport, à la détention, à l'offre, à la cession, à l'acquisition ou l'emploi illicites de stupéfiants, prévus et réprimés par le même article 222-37 du code pénal, constituent des infractions distinctes, dont la nature et les éléments constitutifs sont différents ; que l'arrêt est dépourvu de toute constatation propre à caractériser un achat de produits stupéfiants ; que l'arrêt se trouve dépourvu de base légale au regard article 222-37 du code pénal. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 485 du code de procédure pénale :

16. Selon ce texte, tout jugement de condamnation doit constater, à la charge du prévenu, l'existence de chacun des éléments constitutifs de chacune des infractions dont il le déclare coupable.

17. Pour déclarer le demandeur coupable d'acquisition, détention, offre ou cession sans autorisation de stupéfiants, la cour d'appel énonce que 6 kilogrammes de cannabis ont été découverts à son domicile, ainsi qu'une somme de 8 140 euros, qui provient de la vente de stupéfiants, activité confirmée par la possession de balances de précision, rangées avec la drogue.

18. En l'état de ces motifs qui ne caractérisent pas, à la charge du prévenu, le délit d'acquisition de stupéfiants dont il a été reconnu coupable, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.

19. La cassation est, dès lors, encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

20. Elle sera limitée aux seules dispositions de l'arrêt ayant déclaré le demandeur coupable d'acquisition de stupéfiants et aux peines qui lui ont été infligées.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Basse-Terre, en date du 21 décembre 2021, mais en ses seules dispositions ayant reconnu M. [S] coupable du délit d'acquisition de stupéfiants et relatives aux peines qui lui ont été infligées, toutes autres dispositions demeurant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Basse-Terre autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Basse-Terre, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.

Décision attaquée : Cour d'appel de Basse-Terre du mercredi 25 janvier 2023


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