Jurisprudences
Le point de vue des avocats
Président : M. Bonnal (président)
Avocat : SCP Waquet, Farge et Hazan
République française au nom du peuple français
- Cour de cassation
- Chambre criminelle
- Audience publique 25 janvier 2023
- N° de pourvoi: 22-83.132
- Inédit
N° R 22-83.132 F-D
N° 00091
ECF
25 JANVIER 2023
CASSATION PARTIELLE SANS RENVOI
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 25 JANVIER 2023
MM. [Z] [D] et [I] [P], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date du 4 mars 2022, qui a déclaré irrecevable la citation qu'ils ont fait délivrer des chefs de violences aggravées et de non-assistance à personne en danger.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire commun aux demandeurs a été produit.
Sur le rapport de M. Mallard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de MM. [Z] [D] et [I] [P], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Mallard, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. MM. [Z] [D] et [I] [P], parties civiles, ont délivré une citation directe à MM. [X] [F] et [U] [E], des chefs précités.
3. Par jugement du 21 novembre 2019, le tribunal correctionnel a fixé à 500 euros la somme à consigner par les parties civiles dans les deux mois, et a renvoyé l'affaire au 25 février 2020. Le même jugement énonce qu'une troisième personne, M. [M] [W], a participé aux faits, et a ordonné sa citation, par les parties civiles, pour l'audience du 17 décembre 2019, afin qu'il soit débattu de la fixation d'une consignation à verser par les parties civiles, en vue de la saisine de la juridiction pénale à son égard.
4. Par jugement du 17 décembre 2019, le tribunal correctionnel a fixé à 100 euros la consignation à verser par chacune des deux parties civiles avant le 20 janvier 2020, pour que le tribunal soit saisi à l'égard de M. [W].
5. La consignation de 500 euros a été versée le 18 décembre 2019, et celle de 200 euros le 23 janvier 2020.
6. Par jugement du 1er septembre 2020, le tribunal correctionnel a déclaré irrecevable l'action des parties civiles, au motif que la consignation fixée avait été versée après l'expiration du délai imparti.
7. Les parties civiles ont relevé appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur le moyen proposé pour les parties civiles
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement qui a constaté l'irrecevabilité de la citation directe, la consignation ayant été versée après la date limite fixée par le tribunal pour son dépôt, alors « que par un jugement avant dire droit du 21 novembre 2019 le tribunal correctionnel a fixé à 500 euros la consignation devant être acquittée par les parties civiles dans un délai de deux mois à compter du jugement, soit avant le 20 janvier 2020 ; que les parties civiles ont déposé le 18 décembre 2019 la consignation de 500 euros au régisseur ; qu'une seconde audience de consignation s'est déroulée le 17 décembre 2019, au cours de laquelle la présidente a indiqué oralement que la consignation serait fixée à 200 euros et devrait être versée dans les deux mois, à savoir le 17 février 2020 ; cependant le jugement du 17 décembre 2019 mentionnait un délai au 20 janvier 2020 pour consigner, contrairement à ces énonciations orales, a été expédié au conseil des parties civiles le vendredi 17 janvier 2020, la veille d'un week-end et un mois après l'audience ; que les parties civiles ont donc été informées tardivement de ce qu'elles ne disposaient finalement que de quelques jours pour consigner ; que la somme de 200 euros a été versée au régisseur le 23 janvier 2020 ; que les parties civiles ont fait valoir que compte tenu du retard pris dans l'expédition du jugement et de l'erreur matérielle dont il était entaché, elles n'ont pas été mises en mesure de régler, dans le délai imparti, le montant de la consignation, et ce, indépendamment de leur volonté ; qu'en déclarant irrecevable la citation directe des parties civiles, au motif que le délai de consignation n'avait pas été respecté, sans égard aux circonstances particulières de l'espèce, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, en violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme et des droits de la défense. »
Réponse de la Cour
9. En confirmant le jugement, en ce qu'il avait déclaré irrecevable l'action des parties civiles à l'égard de M. [W], la cour d'appel a fait l'exacte application des textes visés au moyen.
10. En effet, d'une part, la consignation fixée par le jugement du 17 décembre 2019 a été versée après l'expiration du délai imparti par cette décision.
11. D'autre part, l'indication de la date avant laquelle la consignation devait être versée, figurant au jugement, ne pouvait être contredite, en l'absence de recours en rectification d'erreur matérielle, par des notes d'audience, qui, au surplus, n'étaient pas visées par le président de la juridiction.
12. Le moyen doit donc être écarté.
Mais sur le moyen relevé d'office et mis dans le débat
Vu les articles 388 et 392-1 du code de procédure pénale :
13. Selon ces textes, le tribunal correctionnel est saisi des infractions de sa compétence par la citation directe délivrée par la partie civile qui doit, lorsque son action n'est pas jointe à celle du ministère public, déposer au greffe la consignation fixée par le tribunal. Celui-ci impartit le délai dans lequel ce versement doit intervenir, à peine de non-recevabilité de la citation directe.
14. En déclarant irrecevable la citation délivrée par les parties civiles à MM. [F] et [E], alors que la consignation fixée par le jugement du 21 novembre 2019 avait été réglée dans le délai imparti, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés.
15. La cassation est, dès lors, encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation interviendra sans renvoi, la cour d'appel étant saisie des infractions reprochées par les parties civiles à MM. [F] et [E], dont la comparution interviendra devant la cour d'appel, le cas échéant à l'initiative des parties civiles.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 4 mars 2022, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration d'irrecevabilité de l'action des parties civiles à l'égard de MM. [F] et [E] et aux condamnations prononcées à l'encontre des parties civiles à leur verser des indemnités sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, les dispositions de l'arrêt concernant M. [W] demeurant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT que, par l'effet du présent arrêt, la cour d'appel de Bordeaux est saisie des infractions poursuivies par les parties civiles à l'encontre de MM. [F] et [E] ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.
Le contenu est à jour et toutes les questions que je me pose sont traitées.