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Jurisprudences

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Le point de vue des avocats

Président : M. Bonnal (président)

Avocat : SCP Célice, Texidor, Périer

République française au nom du peuple français

  • Cour de cassation
  • Chambre criminelle
  • Audience publique 14 mars 2023
  • N° de pourvoi: 22-87.330 22-87.331
  • Inédit
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° E 22-87.331 F-D
D 22-87.330

N° 00447


SL2
14 MARS 2023


CASSATION SANS RENVOI


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 14 MARS 2023



M. [M] [B] a formé des pourvois :

- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 9 novembre 2022, qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de complicité d'homicide volontaire en bande organisée et association de malfaiteurs, a constaté l'existence d'une circonstance imprévisible et insurmontable et renvoyé les débats à une date ultérieure ;

- contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de ladite cour d'appel, en date du 17 novembre 2022, qui, dans la même information, a prolongé sa détention provisoire après infirmation de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention refusant cette prolongation et le plaçant sous contrôle judiciaire.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Des mémoires ont été produits.

Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [M] [B], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Labrousse, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte des arrêts attaqués et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. Suite à la découverte, dans la nuit du 9 au 10 décembre 2018, du corps de [U] [X] dans un véhicule incendié, une information a été ouverte.

3. M. [M] [B] a été mis en examen des chefs précités le 23 avril 2021 et placé en détention provisoire.

4. Le 3 octobre 2022, le juge d'instruction a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de prolongation de la détention provisoire de l'intéressé.

5. Par ordonnance du 19 octobre 2022, le juge des libertés et de la détention a dit n'y avoir lieu à prolongation de la détention provisoire, et a ordonné la mise en liberté sous contrôle judiciaire de M. [B] à l'expiration du mandat de dépôt initial.

6. Le ministère public a interjeté appel de cette décision le 20 octobre suivant et a adressé à l'intéressé, détenu pour autre cause, un avis d'audience mentionnant qu'il comparaîtrait le 9 novembre 2022 en visioconférence.

7. Le jour de l'audience, la chambre de l'instruction a été informée par courriel du greffe du centre pénitentiaire que l'intéressé avait été placé en garde à vue ce même jour, dans une procédure distincte.

Examen de la recevabilité du pourvoi formé contre l'arrêt du 9 novembre 2022

8. Le pourvoi contre un arrêt ayant statué sur l'existence d'une circonstance insurmontable au sens de l'article 194 du code de procédure pénale est recevable.


Examen des moyens

Sur le moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt du 9 novembre 2022, pris en sa première branche

9. Le grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le moyen unique du pourvoi formé contre l'arrêt du 9 novembre 2022, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a dit qu'il existait une circonstance imprévisible et insurmontable et a ordonné le renvoi de l'affaire à l'audience du 16 novembre suivant, alors :

« 2°/ d'autre part que quand bien même on retiendrait, pour les seuls besoins de la discussion, que la Chambre de l'instruction disposait bien d'un délai initial de vingt jours pour statuer sur l'appel du ministère public, il demeure que seule une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, mettant obstacle au jugement de l'affaire dans le délai légal a pour effet de permettre aux juges de renvoyer l'affaire au-delà du délai légal de l'article 194 du Code de procédure pénale ; qu'en retenant, pour ordonner le renvoi de l'affaire au 16 novembre 2022, soit postérieurement à l'expiration des délais légaux, que « le service de l'audiencement a été informé par un courriel adressé ce jour à 11H38 par le greffe du centre pénitentiaire du Pontet que [M] [B] était "parti en garde à vue avec la police de [Localité 1]" et que « le courriel ne précise pas quelle unité ou service a placé l'intéressé en garde à vue ce qui ne permet pas d'organiser sa comparution, éventuellement en visio-conférence, dans le temps de l'audience », quand ces motifs sont impropres à caractériser des circonstances imprévisibles et insurmontables, extérieures au service de la justice, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 194, 199, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

3°/ enfin que quand bien même on retiendrait, pour les seuls besoins de la discussion, que la Chambre de l'instruction disposait bien d'un délai initial de vingt jours pour statuer sur l'appel du ministère public, il demeure que l'existence d'une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, ayant rendu impossible la comparution personnelle du mis en examen a pour seul effet de permettre aux juges de statuer en l'absence de celui-ci ; que seule une circonstance imprévisible et insurmontable, extérieure au service de la justice, mettant obstacle au jugement de l'affaire dans le délai légal a pour effet de permettre à la Chambre de l'instruction de renvoyer l'affaire au-delà du délai légal de l'article 194 du Code de procédure pénale ; qu'en retenant, pour ordonner le renvoi de l'affaire au 16 novembre 2022, soit postérieurement à l'expiration des délais légaux, que « le service de l'audiencement a été informé par un courriel adressé ce jour à 11H38 par le greffe du centre pénitentiaire du Pontet que [M] [B] était "parti en garde à vue avec la police de [Localité 1]" » et que « le courriel ne précise pas quelle unité ou service a placé l'intéressé en garde à vue ce qui ne permet pas d'organiser sa comparution, éventuellement en visio-conférence, dans le temps de l'audience », quand ces circonstances, fussent-elles même imprévisibles et insurmontables, ont seulement rendu impossible la comparution personnelle du mis en examen, de sorte que les juges n'avaient pas été privés de la possibilité de juger l'affaire dans le délai légal, la Chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 5 de la Convention européenne des droits de l'Homme, 194, 199, 591 et 593 du Code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 194 et 199 du code de procédure pénale :

11. Il se déduit de ces textes qu'en cas d'appel par le ministère public d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention refusant la prolongation de la détention provisoire de la personne mise en examen et ordonnant sa mise en liberté à l'échéance du mandat de dépôt, la chambre de l'instruction doit se prononcer dans les plus brefs délais et au plus tard dans les vingt jours de l'appel, la comparution personnelle de l'intéressé étant de droit, faute de quoi celui-ci est mis en liberté d'office, sauf si des vérifications concernant sa demande ont été ordonnées ou si des circonstances imprévisibles et insurmontables mettent obstacle au jugement de l'affaire dans ce délai.

12. Pour ordonner le renvoi à l'audience du 16 novembre 2022, l'arrêt attaqué énonce que le service de l'audiencement a été prévenu le matin de l'audience à 11 heures 38 du placement en garde à vue de M. [B] le même jour par « la police de Marseille » et que, faute de précision sur le service ou l'unité concernée, il n'est pas possible, durant le temps de l'audience, d'organiser la comparution de l'intéressé par visioconférence.

13. Les juges ajoutent que, dans ces conditions, le placement en garde à vue de M. [B] s'analyse en une circonstance imprévisible et insurmontable étrangère au service public de la justice au sens de l'article 194 précité, qui justifie que la décision le concernant ne soit pas rendue dans le délai prescrit.

14. En statuant ainsi, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

15. En effet, à supposer même que la garde à vue de M. [B] ait constitué une circonstance imprévisible et insurmontable ne permettant pas la comparution de celui-ci, elle ne mettait pas obstacle au jugement de l'affaire, la chambre de l'instruction, dont la décision ne pouvait être différée, étant tenue de statuer hors la présence de l'intéressé.

16. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.

Portée et conséquences de la cassation

17. La cassation de l'arrêt du 9 novembre 2022 entraînera par voie de conséquence celle de l'arrêt du 17 novembre 2022.

18. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 9 novembre 2022 ;

CASSE et ANNULE par voie de conséquence, l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 17 novembre 2022 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONSTATE que M. [M] [B] est détenu sans titre, dans le cadre de la présente procédure, depuis le 9 novembre 2022 ;

ORDONNE la mise en liberté de M. [M] [B] s'il n'est détenu pour autre cause ;

CONSTATE que son placement sous contrôle judiciaire, tel qu'ordonné par le juge des libertés et de la détention le 19 octobre 2022, reprend ses effets ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze mars deux mille vingt-trois.

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-En-Provence du mardi 14 mars 2023


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