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Jurisprudences

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Le point de vue des avocats

Président : M. Bonnal (président)

Avocat : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

République française au nom du peuple français

  • Cour de cassation
  • Chambre criminelle
  • Audience publique 22 mars 2023
  • N° de pourvoi: 21-86.326
  • Inédit
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° S 21-86.326 F-D

N° 00347


MAS2
22 MARS 2023


CASSATION PARTIELLE


M. BONNAL président,








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 MARS 2023



M. [N] [R] et l'administration des douanes, partie poursuivante, ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 6 octobre 2021, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 20 mars 2019, n° 17-85.664), a condamné, le premier, pour transfert non déclaré de fonds et blanchiment douanier, à dix-huit mois d'emprisonnement, et une amende douanière de 61 150 euros, M. [S] [Z], pour transfert non déclaré de fonds, importation en contrebande et blanchiment douanier, à dix-huit mois d'emprisonnement, deux amendes douanières de 61 150 euros et 900 euros, et a ordonné une mesure de confiscation.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Wyon, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'administration des douanes et des droits indirects, et les conclusions de Mme Chauvelot, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 15 février 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Wyon, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Contrôlés par les agents des douanes alors qu'ils circulaient en véhicule sur l'autoroute A22, MM. [S] [Z] et [N] [R] ont été découverts en possession d'une somme en numéraires s'élevant à 122 300 euros. Ont également été découverts des produits anabolisants, dont M. [Z] a reconnu la propriété.

3. MM. [Z] et [R] ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel pour transfert non déclaré de fonds et blanchiment douanier, M. [Z] l'étant également pour importation en contrebande.

4. Par jugement du 24 avril 2017, le tribunal correctionnel les a déclarés coupables des infractions reprochées, les a condamnés chacun à un an d'emprisonnement, à la confiscation au profit des douanes de la somme de 122 300 euros et, à titre de peine complémentaire, à la confiscation de l'ensemble des scellés. Sur l'action douanière, le tribunal les a condamnés solidairement à une amende douanière de 122 300 euros en application de l'article 415 du même code des douanes et de 61 150 euros en application de l'article 465 du même code. Le tribunal a en outre condamné M. [Z] à une amende douanière d'un montant de 900 euros en application de l'article 414 de ce code.

5. Sur appels des prévenus et du ministère public, la cour d'appel de Douai a relaxé les prévenus du chef de blanchiment douanier, confirmé leur culpabilité pour le surplus de la prévention, et prononcé des amendes douanières ainsi que des mesures de confiscation.

6. Le procureur général près ladite cour d'appel a formé un pourvoi en cassation contre cette décision, et, par arrêt du 20 mars 2019, la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé cet arrêt en ses seules dispositions ayant relaxé M. [R] et M. [Z] du chef du blanchiment douanier et ayant statué sur les peines. La chambre criminelle a renvoyé l'affaire, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.

Déchéance du pourvoi formé par M. [R]

7. M. [R] n'a pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par son avocat, un mémoire exposant ses moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de le déclarer déchu de son pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.

Examen du moyen proposé pour l'administration des douanes

Énoncé du moyen

8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a infirmé le jugement déféré sur la peine d'amende douanière de 122 300 euros à laquelle MM. [Z] et [R] avaient été solidairement condamnés en répression des faits de blanchiment douanier dont ils avaient été reconnus coupables, alors :

« 1°/ qu'en considérant que Messieurs [Z] et [R] ne devaient pas être condamnés solidairement au paiement d'une amende douanière de 122 300 euros en répression du délit de blanchiment douanier dont ils ont été reconnus coupables, aux motifs que leur situation matérielle, familiale et sociale n'était pas de nature à envisager d'autres peines que les peines d'emprisonnement de 18 mois prononcées à leur encontre et qu'il convenait de tenir compte de leurs ressources, quand le prononcé d'une amende douanière, qui est fixée en considération de la valeur des marchandises de fraude, ne dépend pas de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, ni du niveau de ses ressources, la cour d'appel a violé les articles 369 et 415 du code des douanes ;

2°/ qu'en considérant que Messieurs [Z] et [R] ne devaient pas être condamnés solidairement au paiement d'une amende douanière de 122 300 euros en répression du délit de blanchiment douanier dont ils ont été reconnus coupables, aux motifs qu'ils étaient d'ores et déjà condamnés, chacun, à une peine d'emprisonnement de 18 mois en répression de ce délit, quand le prononcé d'une amende douanière peut se cumuler avec le prononcé d'une peine d'emprisonnement en répression d'une même infraction douanière, la cour d'appel a violé l'article 415 du code des douanes ;

3°/ qu'en considérant que Messieurs [Z] et [R] ne devaient pas être condamnés solidairement au paiement d'une amende douanière de 122 300 euros en répression du délit de blanchiment douanier dont ils ont été reconnus coupables, aux motifs que la somme de 122 300 euros illégalement transportée avait d'ores et déjà été saisie, quand la saisie de sommes fraudées, ordonnée par les agents douaniers à la suite de la constatation d'une infraction douanière, ne fait aucunement obstacle au prononcé, par le juge répressif, d'une amende douanière correspondant au montant de ces sommes fraudées, la cour d'appel a violé les articles 323, § 2, et 415 du code des douanes ;

4°/ qu'en considérant que Messieurs [Z] et [R] ne devaient pas être condamnés solidairement au paiement d'une amende douanière de 122 300 euros en répression du délit de blanchiment douanier dont ils ont été reconnus coupables, aux motifs qu'ils étaient d'ores et déjà solidairement condamnés au paiement d'une amende douanière en répression du délit de transfert non déclaré de capitaux retenu à leur encontre, quand un prévenu reconnu coupable de plusieurs infractions douanières en concours peut être condamné au paiement cumulé d'autant d'amendes douanières qu'il y a d'infractions, la cour d'appel a violé les articles 415 et 465 du code des douanes et l'article L.152-4 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 415 et 369 du code des douanes :

9. Selon le premier de ces textes, sont punis notamment d'une amende comprise entre une et cinq fois la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction ceux qui auront, par exportation, importation, transfert ou compensation, procédé ou tenté de procéder à une opération financière entre la France et l'étranger portant sur des fonds qu'ils savaient provenir, directement ou indirectement, d'un délit prévu au code des douanes ou d'une infraction à la législation sur les substances ou plantes vénéneuses classées comme stupéfiants.

10. Il se déduit du second que, d'une part, le juge qui prononce une amende fiscale n'est pas tenu de prendre en considération la situation personnelle, familiale et sociale du contrevenant pour en déterminer le montant, d'autre part, s'il peut réduire le montant de cette amende, eu égard à l'ampleur et à la gravité de l'infraction commise, ainsi qu'à la personnalité de son auteur, il ne saurait en dispenser totalement ce dernier.

11. Pour infirmer le jugement qui avait prononcé contre les prévenus une amende douanière en application de l'article 415 du code des douanes et dire n'y avoir lieu à prononcer une telle amende, l'arrêt attaqué énonce que la somme de 122 300 euros illégalement transportée est déjà saisie, qu'une peine d'emprisonnement est prononcée de ce chef, et qu'il y a lieu de tenir compte des ressources de chacun des deux prévenus.

12. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

13. En effet, d'une part, si elle peut réduire l'amende douanière même à un montant symbolique, la cour d'appel ne peut écarter le prononcé de celle-ci.

14. D'autre part, n'étant pas tenus de prendre en considération la situation personnelle, familiale et sociale des prévenus pour fixer le montant de cette amende, les juges ne pouvaient se fonder sur leur situation financière.

15. La cassation est par conséquent encourue.

Portée et conséquences de la cassation

16. Il résulte des motifs de l'arrêt attaqué que les peines prononcées en répression du délit blanchiment douanier ont été déterminées en tenant compte de ce qu'il n'était pas infligé d'amende douanière aux prévenus.

17. En conséquence, la cassation à intervenir concernera l'ensemble des peines et sanctions douanières prononcées à l'encontre de MM. [Z] et [R] en répression de ce délit.

18. Les autres dispositions seront maintenues, dès lors que les amendes douanières et les mesures de confiscation prononcées en répression des délits de transfert de capitaux sans déclaration et d'importation en contrebande n'encourent pas la censure.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Sur le pourvoi de M. [R] :

CONSTATE la déchéance du pourvoi ;

Sur les pourvois de l'administration des douanes :

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Douai, en date du 6 octobre 2021, mais en ses seules dispositions ayant condamné MM. [Z] et [R] à dix-huit mois d'emprisonnement et ayant ordonné la confiscation de la somme de 122 300 euros, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Douai, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;




ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Douai et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mars deux mille vingt-trois.

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai du mercredi 22 mars 2023


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