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Jurisprudences

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Le point de vue des avocats

Président : Mme Leroy-Gissinger (conseiller doyen faisant fonction de président)

Avocat : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Nicolaý, de Lanouvelle

République française au nom du peuple français

  • Cour de cassation
  • Chambre civile 2
  • Audience publique 30 mars 2023
  • N° de pourvoi: 21-17.641
  • Inédit
LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 mars 2023




Cassation partielle


Mme LEROY-GISSINGER, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 334 F-D

Pourvoi n° J 21-17.641






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 MARS 2023

La société XL insurance company SE, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 2] (Irlande), venant aux droits de la société Axa corporate solutions assurance, a formé le pourvoi n° J 21-17.641 contre l'arrêt rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Corning, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La société Corning a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société XL Insurance Company SE, de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société Corning, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Isola, conseiller, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 février 2021), la société Corning a été assurée du 1er décembre 1993 au 30 novembre 1998 au titre de sa responsabilité civile auprès de la société UAP, aux droits de laquelle est venue la société Axa corporate solutions assurance, puis la société XL insurance company (l'assureur).

2. Entre septembre 2008 et avril 2013, la société Corning a transmis à la société de courtage Gras Savoye plusieurs déclarations de sinistre concernant des actions judiciaires engagées par des salariés et anciens salariés exposés à l'amiante. Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 septembre 2014, elle a renouvelé ces déclarations de sinistre auprès de l'assureur.

3. L'assureur lui ayant opposé un refus de garantie, elle l'a assigné devant un tribunal de grande instance le 15 juillet 2015.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen du pourvoi principal formé par l'assureur et les deuxième et troisième moyens du pourvoi incident formé par la société Corning

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

5. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer recevables comme non prescrites les demandes de la société Corning concernant MM. [A], [L], [I] et [V], de dire que sa garantie au titre du contrat d'assurance n° 6 719 269 B est due pour la dette de responsabilité de la société Corning. et les accessoires tels que les frais et dépens auxquels il est ou sera condamné à l'égard de MM. [A], [L], [I], [V], et en conséquence de le condamner à verser à la société Corning à titre provisionnel la somme de 381 800 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance, et à payer à la société Corning à titre provisionnel la somme de 106 608,16 euros au titre des frais et honoraires, et de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que le courtier d'assurance est le mandataire de l'assuré, non de l'assureur, sauf à ce que soit établie l'existence d'un mandat donné par l'assureur au courtier pour le représenter ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans préciser les éléments de fait permettant de caractériser le mandat qui aurait lié la société Gras Savoye à la société Axa corporate solutions assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1998 du code civil, ensemble l'article L. 114-2 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 114-2 du code des assurances :

6. Selon ce texte, l'interruption de la prescription de l'action peut résulter de l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée par l'assuré à l'assureur ou au mandataire de ce dernier en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.

7. Pour déclarer recevables, car non prescrites, les demandes concernant MM. [A], [L], [I] et [V], l'arrêt énonce que la société Corning a adressé au courtier Gras Savoye, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception, des déclarations de sinistre le 12 septembre 2011 faisant état du recours de M. [A], le 3 octobre 2012 faisant état des recours de MM. [L] et [I] et le 15 avril 2013 faisant état du recours de M. [V]. Il ajoute que par courriel récapitulatif du 11 septembre 2014, le courtier a informé l'assurée que la société Axa estimait ne pas devoir sa garantie, l'action en faute inexcusable étant postérieure à la résiliation du contrat, de sorte qu'il ne peut être contesté que l'assureur a bien eu connaissance de l'ensemble des déclarations de sinistre. Il en déduit que, conformément aux dispositions de l'article L. 114-2 du code des assurances, un nouveau délai de prescription a commencé à courir à compter de la date de chacune des déclarations de sinistre et que, l'assureur reconnaissant que la lettre recommandée qui lui a été adressée par la société Corning le 25 septembre 2014 pour l'ensemble des sinistres est susceptible d'avoir interrompu la prescription, cette dernière lettre a fait courir un nouveau délai pour les prescriptions qui n'étaient pas encore acquises.

8. En se déterminant ainsi, sans caractériser l'existence contestée d'un mandat donné par l'assureur au courtier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le premier moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

9. La société Corning fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable comme prescrite son action concernant MM. [H], [M], [F], [U] et [Z], alors « que les arrêts qui ne sont pas motivés sont déclarés nuls, et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en jugeant prescrites les demandes de garantie des actions engagées par plusieurs salariés sans analyser les lettres interruptives de prescription citées dans les conclusions de la société Corning, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision, et a violé en conséquence l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

10. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

11. Pour déclarer prescrites les demandes concernant MM. [H], [M], [F], [U] et [Z], l'arrêt, après avoir retenu que la société Corning a adressé au courtier Gras Savoye, par lettres recommandées avec demande d'avis de réception, des déclarations de sinistre le 2 septembre 2008 faisant état des recours de MM. [H] et [M], le 19 mars 2009 faisant état du recours de M. [F], le 17 août 2010 faisant état du recours de M. [U] et le 20 mai 2011 faisant état du recours de M. [Z], énonce que, par courriel du 1er décembre 2008 pour la première déclaration de sinistre, le courtier a informé l'assurée que la société Axa estimait ne pas devoir sa garantie, l'action en faute inexcusable étant postérieure à la résiliation du contrat.

12. Il en déduit, par motifs propres et adoptés, que ces lettres ont interrompu la prescription qui a recommencé à courir à compter de chacune de ces dates, de sorte que, concernant MM. [H] et [M], l'action est prescrite depuis le 2 septembre 2010 ; qu'en ce qui concerne M. [F], l'action est prescrite depuis le 19 mars 2011 ; que concernant M. [U], l'action est prescrite depuis le 17 août 2012 ; qu'en ce qui concerne M. [Z], elle est prescrite depuis le 20 mai 2013.

13. En statuant ainsi, alors qu'il résulte des conclusions d'appel de la société Corning, ainsi que du bordereau de communication de pièces annexé, que cette dernière produisait en outre aux débats des lettres postérieures aux déclarations de sinistre et susceptibles d'avoir interrompu la prescription des demandes concernant ces salariés, la cour d'appel, qui n'a pas examiné, même sommairement, ces pièces, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt rejetant la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de garantie concernant MM. [A], [L], [I] et [V] entraîne par voie de conséquence la cassation des dispositions relatives à la garantie demandée pour ces quatre salariés ainsi qu'à la capitalisation des intérêts, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

15. Le deuxième moyen du pourvoi principal ne développe aucune critique sur le bien-fondé de la garantie concernant MM. [G], [R], [C], [B], [X] et [Y], de sorte que la cassation prononcée est sans incidence sur les chefs de dispositif relatifs à la garantie des sommes dues à ces six salariés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables, comme prescrites, les demandes de la société Corning concernant MM. [H], [M], [F], [U] et [Z], déclare recevables comme non prescrites les demandes de la société Corning concernant MM. [A], [L], [I] et [V], dit que la garantie de la société Axa corporate solutions venant aux droits de l'UAP au titre du contrat d'assurance n° 6 719 269 B est due pour la dette de responsabilité de la société Corning et les accessoires tels que les frais et dépens auxquels elle est ou sera condamnée à l'égard de MM. [A], [L], [I] et [V], condamne la société Axa corporate solutions à verser à la société Corning à titre provisionnel la somme de 381 800 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la décision, condamne la société Axa corporate solutions à verser à la société Corning à titre provisionnel la somme de 106 608,16 euros au titre des frais et honoraires et ordonne la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, l'arrêt rendu le 23 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-trois.

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris du jeudi 30 mars 2023


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