Jurisprudences
Le point de vue des avocats
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat : SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés
République française au nom du peuple français
- Cour de cassation
- Chambre sociale
- Audience publique 13 avril 2023
- N° de pourvoi: 21-21.210
- Inédit
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 avril 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 387 F-D
Pourvoi n° P 21-21.210
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2023
Mme [O] [N], domiciliée [Adresse 4], a formé le pourvoi n° P 21-21.210 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2021 par la cour d'appel de Dijon (chambre sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Pascal Leclercq, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Transports Bonnicel,
2°/ à l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de Chalon-sur-Saône, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ à la société Transports Bonnicel, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de Mme [N], après débats en l'audience publique du 2 mars 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué ( Dijon, 24 juin 2021), Mme [N] a été engagée en qualité d'accompagnatrice scolaire par la société Danh tourisme, le 6 septembre 2010, par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel. Le 31 août 2016, son contrat de travail a été transféré à la société Transports Bonnicel (la société), nouvel attributaire du marché de transport scolaire.
2. La convention collective applicable est la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950.
3. Le 13 avril 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps complet ainsi que des rappels de salaire.
4. La société a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 11 octobre 2019, la société Pascal Leclercq étant désignée en qualité de liquidatrice.
5. L'UNEDIC, délégation AGS CGEA de Chalon-sur-Saône, est intervenue à l'instance.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes en requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps plein et en fixation de sa créance de rappels de salaires et de congés payés corrélative au passif de la liquidation judiciaire de son employeur, alors « que la contradiction de motifs équivaut à l'absence de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé, à titre liminaire, que le contrat de travail de la salariée n'était pas un contrat de travail intermittent mais un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel " pour accompagnement scolaire " ; que, pour rejeter la demande de requalification en contrat de travail à temps plein, la cour d'appel a cependant mis en oeuvre le régime de la requalification du contrat de travail intermittent, en considérant que "la salariée était cependant suffisamment informée par le contrat de l'alternance entre les périodes travaillées et les périodes non travaillées qu'elle était en mesure de déterminer. Elle n'est donc pas fondée à invoquer l'existence d'une présomption irréfragable de temps plein." et qu' "En fixant la durée hebdomadaire du travail et en limitant le travail aux semaines de périodes scolaires, telles qu'elles doivent résulter du calendrier scolaire national fixé par arrêté ministériel, le contrat permettait de déterminer la durée annuelle minimale du travail simplement en multipliant la durée hebdomadaire de 15 heures stipulée par le nombre de semaines scolaires correspondant concrètement à l'année considérée" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.
8. Pour débouter la salariée de sa demande en requalification de son contrat en contrat à temps complet, l'arrêt, après avoir relevé que l'employeur n'avait pas prétendu que le contrat de travail était un contrat de travail intermittent et que le CGEA n'en demandait, ni dans les motifs ni dans le dispositif de ses conclusions, la requalification en contrat de travail intermittent, retient que le contrat de travail de la salariée est clairement un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel « pour accompagnatrice scolaire ».
9. Il constate que le contrat distingue les périodes scolaires des périodes non scolaires, énonce que les périodes de travail et les périodes de vacances scolaires sont définies pour une période de trois années par le calendrier scolaire national arrêté pour trois années par le ministre chargé de l'éducation conformément à l'article L. 521-1 du code de l'éducation et que le contrat de travail ne pouvait donc pas à l'avance préciser ce calendrier dont la fixation ne dépendait pas de la volonté de l'employeur et du salarié. Il conclut que la salariée était cependant suffisamment informée par le contrat de l'alternance entre les périodes travaillées et les périodes non travaillées qu'elle était en mesure de déterminer.
10. Il ajoute que ni l'employeur ni le CGEA ne justifient de la communication à la salariée des annexes au contrat destinées à adapter l'organisation du travail aux évolutions du calendrier scolaire. Il en déduit que le contrat est présumé à temps plein, l'employeur pouvant cependant rapporter la preuve de la durée exacte de travail convenue, que la salariée n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler et qu'elle n'était pas tenue de se tenir constamment à la disposition de son employeur.
11. Il relève encore qu'en fixant la durée hebdomadaire du travail et en limitant le travail aux semaines de période scolaire, telles qu'elles devaient résulter du calendrier scolaire national fixé par arrêté ministériel, le contrat permettait de déterminer la durée annuelle minimale du travail simplement en multipliant la durée hebdomadaire de 15 heures stipulée par le nombre de semaines scolaires correspondant concrètement à l'année considérée.
12. En statuant ainsi, en appliquant à un contrat de travail qu'elle avait qualifié de contrat à temps partiel, des règles qui n'ont vocation à s'appliquer qu'à un contrat de travail intermittent, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Et sur le second moyen
Enoncé du moyen
13. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en fixation de sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société au titre du rappel de taux, alors « que si le treizième mois fait partie des éléments de rémunération à prendre en compte dans la comparaison avec le salaire minimum conventionnel, en l'absence de disposition conventionnelle contraire, son montant ne doit être pris en compte que pour le mois où il a été effectivement versé ; qu'en l'espèce, pour considérer que Mme [N] avait été remplie de ses droits en 2015, la cour d'appel a relevé que : L'employeur a appliqué le taux de 9,8022 euros de janvier à septembre 2015. Alors que Mme [N] était parvenue à une ancienneté de cinq ans le 6 septembre 2015, elle aurait dû bénéficier dès cette dernière date du nouveau taux de 9,9944 euros que l'employeur n'a appliqué qu'à partir d'octobre. La différence s'élève à 10,09 euros, outre congés payés afférents. Cependant une prime de 13ème mois de 520,54 euros a été versée en décembre 2015 : constituant une prime ou une gratification de caractère annuel, cette prime ne doit être prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion, soit, à raison de dix mois de travail (juillet et août 2015 ayant été des périodes non travaillées), soit 52,05 euros pour le mois de septembre" ; qu'en réintégrant ainsi le prorata de la prime de treizième mois, dans le salaire du mois de septembre 2015, pour procéder à la comparaison avec le salaire minimum mensuel, alors pourtant, qu'en l'absence de disposition conventionnelle contraire, son montant ne doit être pris en compte que pour le mois où il a été effectivement versé, la cour d'appel a violé l'article 12 de l'accord du 16 juin 1961 relatif aux ouvriers - annexe I de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 12 de l'accord du 16 juin 1961 relatif aux ouvriers - annexe I de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950 :
14. Selon ce texte, pour l'application de la rémunération effective des ouvriers des transports, la rémunération à prendre en considération comprend l'ensemble des éléments de rémunération assujettis aux cotisations sociales et auxquels le salarié a droit du fait de son activité professionnelle pendant le mois considéré, quelles que soient la date et les modalités de leur paiement. Il en résulte que, si une prime fait partie des éléments de rémunération à prendre en compte dans la comparaison avec la rémunération effective, en l'absence de disposition conventionnelle contraire, son montant ne doit être pris en compte que pour le mois où il a été effectivement versé.
15. Pour débouter la salariée de sa demande formée au titre du rappel de taux pour l'année 2015, l'arrêt constate, d'abord, que la rémunération minimale garantie n'a ensuite été réévaluée que par l'avenant n° 105 du 10 mars 2015 relatif à l'annexe I « Ouvriers » qui a prévu les taux suivants à compter du 1er janvier 2015 : minimum mensuel à taux plein de 1 486,70 euros après deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, soit le taux horaire de 9,8022 euros et minimum de 1 515,85 euros après 5 ans d'ancienneté dans l'entreprise, soit le taux horaire arrondi de 9,9944 euros, que l'employeur a appliqué le taux de 9,8022 euros de janvier à septembre 2015.
16. L'arrêt relève, ensuite que, alors que la salariée était parvenue à une ancienneté de cinq ans le 6 septembre 2015, elle aurait dû bénéficier dès cette dernière date du nouveau taux de 9,9944 euros que l'employeur n'a appliqué qu'à partir d'octobre, que la différence s'élève à 10,09 euros, outre congés payés afférents.
17. L'arrêt retient que, cependant, une prime de treizième mois de 520,54 euros a été versée en décembre 2015, que, constituant une prime ou gratification de caractère annuel, elle doit être prise en compte dans la limite d'un montant calculé à due proportion, à raison de dix mois de travail (juillet et août 2015 ayant été des périodes non travaillées), soit 52,05 euros pour le mois de septembre. Il en déduit que la salariée a ainsi bénéficié du minimum garanti pour toute l'année 2015.
18. En statuant ainsi, alors qu'en l'absence de dispositions conventionnelles contraires, le treizième mois devait être pris en compte dans la détermination du salaire minimum pour le mois où il avait été effectivement versé, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
19. Le second moyen ne formulant aucune critique contre les motifs de l'arrêt fondant la décision de débouter la salariée de sa demande en fixation d'une créance de rappel de taux au titre des années 2014 et 2016, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition de l'arrêt qui n'est pas dans un lien de dépendance nécessaire avec les dispositions de l'arrêt critiquées par ce moyen.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme [N] de ses demandes en requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps complet, en fixation, au passif de la liquidation judiciaire de la société Transports Bonnicel, de sa créance de rappels de salaire et de congés payés corrélative et de sa créance de rappel de taux pour l'année 2015, mais aussi de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il la condamne aux dépens d'appel, l'arrêt rendu le 24 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ;
Condamne la société Pascal Leclercq, prise en qualité de liquidatrice judiciaire de la société Transports Bonnicel, et l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de Chalon-sur-Saône, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Pascal Leclercq, ès qualités, et l'UNEDIC, délégation AGS CGEA de Chalon-sur-Saône, à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
Dossier complet et clair