Jurisprudences
Le point de vue des avocats
Président : Mme Capitaine (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
République française au nom du peuple français
- Cour de cassation
- Chambre sociale
- Audience publique 13 avril 2023
- N° de pourvoi: 21-23.541
- Inédit
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 avril 2023
Cassation partielle
Mme CAPITAINE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 445 F-D
Pourvoi n° X 21-23.541
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2023
La société La Plage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 21-23.541 contre l'arrêt rendu le 15 juillet 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [E] [O], domicilié [Adresse 3],
2°/ à Pôle emploi, direction régionale Nouvelle-Aquitaine, dont le siège est [Adresse 2],
défendeurs à la cassation.
M. [O] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.
Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société La Plage, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [O], après débats en l'audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents Mme Capitaine, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, Mme Salomon, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 15 juillet 2021), M. [O] a été engagé en qualité de barman par la société La Plage à compter du 12 avril 2014.
2. Il a été déclaré inapte le 1er mars 2017 par le médecin du travail et a été licencié le 31 mars 2017 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale le 12 septembre 2017 pour obtenir paiement de diverses sommes au titre de la rupture et de l'exécution du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et de le condamner, en conséquence, à payer à ce dernier diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, et à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que l'avis d'inaptitude du médecin du travail exonère l'employeur de son obligation de recherche de reclassement lorsqu'il indique expressément soit que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé" soit que l'état du santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi" ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté qu'il ressortait de l'avis d'inaptitude, délivré lors de la seconde visite de reprise et après étude de poste, que M. [O] était déclaré inapte définitivement à son poste dans l'entreprise et que son état de santé actuel [faisait] obstacle à tout reclassement dans un emploi", a néanmoins, pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, énoncé que la société La Plage ne démontrait pas l'absence de poste disponible, en sorte que la recherche de reclassement n'était pas loyale et sérieuse, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que l'employeur était dispensé de toute recherche de reclassement, violant ainsi l'article L. 1226-2-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
6. Il résulte du premier de ces textes que lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient.
7. Selon le second, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
8. Il s'ensuit que, lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l'employeur n'est pas tenu de rechercher un reclassement.
9. Pour dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur ne démontre pas la réalité de l'absence de poste disponible, notamment par la production du registre unique du personnel, au sein de la société qui employait le salarié et au sein des trois sociétés appartenant au gérant de ladite société.
10. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé qu'aux termes de son avis du 1er mars 2017, le médecin du travail avait déclaré le salarié définitivement inapte à son poste dans l'entreprise et indiqué que l'état de santé actuel de celui-ci faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation des chefs de dispositif relatifs au licenciement et aux condamnations afférentes n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société La Plage aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit le licenciement de M. [O] sans cause réelle et sérieuse et condamne la société La Plage à payer à ce dernier les sommes de 2 693,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 269,31 euros à titre de congés payés afférents et 4 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 15 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;
Condamne M. [O] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
Dossier complet et clair