Jurisprudences
Le point de vue des avocats
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy
République française au nom du peuple français
- Cour de cassation
- Chambre sociale
- Audience publique 13 avril 2023
- N° de pourvoi: 21-10.571
- Inédit
SOC.
BD4
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 avril 2023
Cassation partielle
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 470 F-D
Pourvoi n° Z 21-10.571
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2023
M. [D] [Y], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 21-10.571 contre l'arrêt rendu le 4 novembre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 9), dans le litige l'opposant à la société Benteler automotive, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La société Benteler automotive a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [Y], de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Benteler automotive, après débats en l'audience publique du 15 mars 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 novembre 2020), M. [Y] a été engagé en qualité de technicien qualifié le 29 novembre 2011 par la société Benteler automotive, avec un statut assimilé cadre, au niveau 5, coefficient 335 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie du 13 mars 1972.
2. Licencié le 23 novembre 2015, il a saisi la juridiction prud'homale le 10 mai 2016 de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal du salarié
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail, des temps de pause et impossibilité de prise effective des congés et pour travail dissimulé, et de rappel de salaire outre les congés payés afférents, alors « que peuvent conclure une convention de forfait en heures sur l'année les salariés qui disposent d'une certaine autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps sans être occupés selon un horaire collectif, de telle sorte que leur horaire de travail effectif ne peut être déterminé qu'a posteriori ; qu'en retenant que la convention de forfait annuel en heures était licite quand elle relevait que le salarié ''devait respecter les plages fixes minimales de 9 à 12 heures et de 14 à 16 heures'' conformément à son contrat de travail qui stipulait que ''[le salarié] suivra l'horaire collectif appliqué dans l'entreprise. D'une manière générale, [il] est tenu de se conformer aux horaires en vigueur dans l'entreprise et aux aménagements de travail prévus au sein de son service en sorte que, soumis à un horaire collectif, le salarié n'était pas autonome dans l'organisation de son emploi du temps, peu important qu'il soit également ''amené à travailler à domicile'', la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations en violation de l'accord d'entreprise du 12 août 2002, de l'article 13.1 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du temps de travail dans la métallurgie et de l'article 2 de l'accord national du 29 janvier 2000 portant révision des classifications dans la métallurgie, ensemble l'article L. 3121-56 du code du travail dans sa rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 3121-42 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, 13.1 de l'accord national du 28 juillet 1998 sur l'organisation du temps de travail dans la métallurgie, dans sa rédaction issue de son avenant du 29 janvier 2000, et l'accord d'entreprise du 12 août 2002 :
5. Selon le premier de ces textes, peuvent conclure une convention de forfait en heures sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail applicable aux conventions individuelles de forfait fixée par l'accord collectif, les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, et les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps.
6. Aux termes du deuxième, la formule du forfait en heures sur l'année peut être convenue avec les catégories suivantes de salariés : - salariés ayant la qualité de cadre, au sens des conventions et accords collectifs de branche de la métallurgie, affectés à des fonctions techniques, administratives ou commerciales, qui ne sont pas occupés selon l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés et qui, pour l'accomplissement de l'horaire de travail auquel ils sont soumis, disposent, en application de leur contrat de travail, d'une certaine autonomie définie par la liberté qui leur est reconnue dans l'organisation de leur emploi du temps par rapport aux horaires de fonctionnement des équipes, services ou ateliers, et/ou des équipements auxquels ils sont affectés, de telle sorte que leur horaire de travail effectif ne puisse être déterminé qu'a posteriori ; - salariés itinérants n'ayant pas la qualité de cadre, à condition qu'ils disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités découlant de leur contrat de travail, de telle sorte que leur horaire de travail effectif ne puisse être déterminé qu'a posteriori.
7. Pour débouter le salarié de sa contestation de la licéité de sa convention de forfait annuel en heures, l'arrêt relève qu'une telle convention n'instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l'horaire collectif fixé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction. Il constate que le contrat de travail du salarié stipule que « conformément à l'accord d'entreprise sur la réduction et l'aménagement du temps de travail de Benteler automotive du 12 août 2002 applicable au 1er septembre 2002, M. [Y] est soumis au forfait annuel de 1927 heures travaillées, qu'il suivra l'horaire collectif appliqué dans l'entreprise, que d'une manière générale, M. [Y] est tenu de se conformer aux horaires en vigueur dans l'entreprise et aux aménagements de travail prévu au sein de son service ».
8. Il ajoute que le salarié reconnaît dans ses conclusions qu'il devait respecter les plages fixes minimales de 9 heures à 12 heures et de 14 à 16 heures et qu'il était amené à travailler à domicile, ce qui démontre l'autonomie dont il bénéficiait.
9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié n'était pas de ceux dont l'horaire de travail effectif ne peut être déterminé qu'a posteriori et ne remplissait pas la condition conventionnelle d'autonomie, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [Y] de sa contestation de la validité de la convention individuelle de forfait annuel en heures, de sa demande subséquente en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaires, outre les congés payés afférents, et de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et des temps de pause, pour impossibilité de prise effective des congés et pour travail dissimulé, l'arrêt rendu le 4 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Benteler automotive aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Benteler automotive et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-trois.
Dossier complet et clair