Jurisprudences
Le point de vue des avocats
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat : SCP Delamarre et Jehannin, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol
République française au nom du peuple français
- Cour de cassation
- Chambre sociale
- Audience publique 17 mai 2023
- N° de pourvoi: 21-17.315
- Inédit
SOC.
AF1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Cassation partielle
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 561 F-D
Pourvoi n° E 21-17.315
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MAI 2023
M. [N] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 21-17.315 contre l'arrêt rendu le 18 juin 2020 par la cour d'appel de Versailles (11e chambre), dans le litige l'opposant à la société PSA automobiles, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat de M. [Y], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société PSA automobiles, après débats en l'audience publique du 5 avril 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 juin 2020), par un contrat de travail à durée indéterminée du 27 juillet 1999, M. [Y] a été engagé en qualité d'agent professionnel de fabrication et affecté à l'usine d'[Localité 3] par la société Peugeot Citroën automobiles devenue la société PSA automobiles (la société).
2. Par avenant à son contrat de travail, il a été affecté sur le site de [Localité 4] à partir du 5 novembre 2007.
3. Par lettre du 12 juin 2012, le salarié a été licencié pour cause réelle et sérieuse en raison d'absences injustifiées.
4. Estimant avoir été licencié en raison de son état de santé, le salarié a saisi la juridiction prud'homale par requête du 29 juin 2019 et sollicité la reconnaissance de la nullité de son licenciement, sa réintégration au sein de l'entreprise ainsi que la condamnation de la société au paiement de diverses sommes.
Examen des moyens
Sur les deuxième moyen du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de déclarer prescrite son action en contestation du licenciement, alors « que lorsque l'action du salarié est fondée sur des faits allégués de discrimination, elle est soumise à la prescription quinquennale, quel que soit l'objet de sa demande ; qu'en conséquence, l'action tendant à faire annuler un licenciement en raison de son motif discriminatoire, et tendant à tirer les conséquences de cette annulation, est soumise à la prescription quinquennale ; qu'en retenant à l'inverse que ''l'action en nullité du licenciement fondée sur la discrimination subie par le salarié demeure soumise au délai d'action de deux ans'', la cour d'appel a violé l'article L. 1134-5 du code du travail par refus d'application, et l'article L. 1471-1, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, par fausse application. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1132-1, L. 1132-4, L. 1134-5 et L. 1471-1 du code du travail :
7. Selon l'article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Cette disposition n'est toutefois pas applicable aux actions exercées en application de l'article L. 1132-1 de ce code.
8. Il résulte des articles L. 1132-1, L. 1132-4 et L. 1134-5 du même code que l'action en reconnaissance de la nullité de la rupture d'un contrat de travail en raison d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination alléguée.
9. Pour déclarer la contestation du licenciement irrecevable comme étant prescrite, l'arrêt relève d'abord que le salarié a reçu notification de la lettre de licenciement le 18 juin 2012 et qu'il a formé sa demande d'aide juridictionnelle le 14 juin 2016, puis saisi la juridiction prud'homale le 29 juin 2016. Il retient ensuite que la prescription biennale prévue à l'article L. 1471-1 du code du travail n'écarte le délai de deux ans que pour les actions en réparation d'un préjudice résultant d'une discrimination et que, dans ces conditions, l'action en nullité du licenciement fondée sur la discrimination subie par le salarié demeure soumise au délai d'action de deux ans issu de l'article L. 1471-1, alinéa 1er, du code du travail.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déclarant prescrite l'action du salarié en contestation du licenciement entraîne la cassation du chef de dispositif le déboutant de sa demande indemnitaire au titre de la discrimination.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, la Cour :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable comme prescrite l'action en contestation du licenciement et en ce qu'il déboute M. [Y] de sa demande indemnitaire au titre de la discrimination, l'arrêt rendu le 18 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société PSA automobiles aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société PSA automobiles et la condamne à payer à M. [Y] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
Documents correspondants tout à fait à mes attentes.