Jurisprudences
Le point de vue des avocats
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
République française au nom du peuple français
- Cour de cassation
- Chambre sociale
- Audience publique 17 mai 2023
- N° de pourvoi: 22-60.024
- Inédit
SOC. / ELECT
CH9
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 mai 2023
Cassation partielle sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 563 F-D
Pourvoi n° Y 22-60.024
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 MAI 2023
La fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Y 22-60.024 contre le jugement rendu le 14 décembre 2021 par le tribunal judiciaire d'[Localité 7] (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Auchan hypermarché, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Auchan supermarché, société par actions simplifiée,
3°/ à la société My auchan, société par actions simplifiée,
4°/ à la société AMV Distribution, société par actions simplifiée,
5°/ à la société Safipar, société par actions simplifiée,
ayant toutes les quatre leur siège [Adresse 12],
6°/ à la société Juperic, société anonyme, dont le siège est [Adresse 11],
7°/ au syndicat [Adresse 9], dont le siège est [Adresse 1],
8°/ à M. [J] [F], domicilié [Adresse 2],
9°/ à M. [I] [Y], domicilié [Adresse 6],
10°/ à Mme [C] [M], domiciliée [Adresse 4],
11°/ à Mme [R] [W], domiciliée [Adresse 10],
défendeurs à la cassation.
Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bouvier, conseiller, après débats en l'audience publique du 5 avril 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bouvier, conseiller rapporteur, M. Rinuy, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Avignon, 14 décembre 2021), à la suite des élections organisées pour la mise en place du comité social et économique d'établissement de la zone de vie Auchan [Localité 7] (CSE), la fédération CGT des personnels du commerce, de la distribution et des services (la fédération CGT) a informé les sociétés Auchan hypermarché, Auchan supermarché, My Auchan, AMV Distribution, Safipar et Juperic, composant l'unité économique et sociale Auchan Retail exploitation, de la désignation par courrier du 3 février 2020 de M. [Y] en qualité de représentant syndical au comité social et économique et de M. [F] et Mme [Z] en qualité de délégués syndicaux. En raison de la démission de Mme [Z], la fédération CGT a informé le 16 février 2020 l'UES de la désignation de M. [Y] également en qualité de délégué syndical. A la suite d'un conflit opposant la fédération CGT et le syndicat [Adresse 9] (le syndicat), la fédération CGT a annulé, le 13 mars 2021, les désignations de MM. [F] et [Y] et a désigné Mme [M] en qualité de représentante syndicale au comité social et économique et Mme [W] en qualité de déléguée syndicale. Le 26 juillet 2021, le syndicat a de nouveau désigné M. [Y] en qualité de représentant syndical et délégué syndical et M. [F] en qualité de délégué syndical.
2. Le 12 août 2021, les sociétés composant l'UES ont assigné la fédération CGT et le syndicat, MM. [F] et [Y], Mmes [M] et [W] devant le tribunal judiciaire aux fins d'annulation, à titre principal, des désignations surnuméraires de MM. [Y] et [F] en qualité de délégués syndicaux et représentant syndical au comité social et économique, effectuées le 26 juillet 2021 par le syndicat et, à titre subsidiaire, les désignations surnuméraires de Mmes [M] et [W] faites le 16 mars 2021 par la Fédération CGT.
3. Le syndicat a sollicité, à titre reconventionnel, la validation des désignations de MM. [F] et [Y] effectuées les 3 février 2020 et 15 février 2020 par la fédération CGT, agissant par le biais du syndicat, et l'annulation des désignations surnuméraires de Mmes [M] et [W] effectuées le 16 mars 2021 par la fédération CGT à la suite du conflit qui l'a opposée au syndicat.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. La Fédération CGT fait grief au jugement de valider les désignations antérieures effectuées par le syndicat le 3 février 2020 et le 15 février 2020, alors « que le tribunal n'était saisi que de la question des désignations surnuméraires effectuées le 16 mars 2021 par la Fédération CGT et celles effectuées le 26 juillet 2021 par le syndicat ; qu'après avoir jugé, à bon droit, que le syndicat, dont le statut, à cette date, limitait son périmètre géographique au seul département 84, ne pouvait valablement effectuer les désignations du 26 juillet 2021, les mandats couvrant les départements du 84 et du 13 et retenu que l'analyse des statuts de la Fédération CGT et du syndicat, alors applicables, ne permettait pas de régler le conflit entre les désignations, le tribunal devait, en conséquence de ses constatations et en application d'une jurisprudence constante, juger que les désignations effectuées par la Fédération CGT le 16 mars 2021 étaient valables, car antérieures dans l'ordre chronologique et seules encore existantes au regard de l'annulation de celles effectuées le 26 juillet 2021 ; qu'en considérant que toutes les désignations en concurrence devaient être annulées au profit des désignations antérieures effectuées par le syndicat le 3 février 2020 et le 15 février 2021, le tribunal a violé l'article L. 2143-3 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 2143-3, L. 2143-8 et L. 2143-12 du code du travail :
5. En application de ces textes, une confédération syndicale et les organisations syndicales qui lui sont affiliées ne peuvent, sauf accord collectif plus favorable, désigner ensemble un nombre de délégués syndicaux supérieur à celui prévu par la loi.
6. Il en résulte, d'une part, que lorsqu'une organisation syndicale désigne un délégué syndical surnuméraire, cette désignation ouvre, à compter de la dernière désignation litigieuse ou de la décision prise par l'organisation syndicale pour mettre fin à cette situation, un nouveau délai de contestation de l'ensemble des désignations en cause, d'autre part, qu'il appartient alors aux syndicats de justifier des dispositions statutaires déterminant le syndicat ayant qualité pour procéder aux désignations des délégués syndicaux ou à leur remplacement, ou de la décision prise par l'organisation syndicale d'affiliation pour régler le conflit conformément aux dispositions statutaires prévues à cet effet. A défaut, par application de la règle chronologique, seule la désignation notifiée en premier lieu doit être validée.
7. Le jugement énonce, d'abord, que le syndicat, dont le statut limitait alors le champ d'intervention au département du [Localité 13], ne pouvait valablement effectuer les désignations du 26 juillet 2021 de délégués syndicaux et d'un représentant syndical au comité social et économique qui couvre les départements du [Localité 13] et des [Adresse 8]. Il retient, ensuite, qu'en l'absence de stipulations statutaires tant du syndicat que de la fédération CGT permettant de régler le conflit entre les désignations, il convient d'appliquer la règle chronologique et que les désignations des 3 février et 16 février 2020 de MM. [Y] et [F] seront validées et les désignations du 16 mars 2021 annulées comme étant surnuméraires.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la fédération CGT avait procédé le 13 mars 2021 à l'annulation des désignations de MM. [Y] et [F] des 3 février et 16 février 2020, de sorte que les désignations effectuées le 13 mars 2021 par la fédération CGT de Mmes [M] et [W] étaient les désignations antérieures et, en application de la règle chronologique, devaient être validées, le tribunal a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. La Cour de cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré recevables le recours et l'action des sociétés Auchan hypermarché, Auchan supermarché, My Auchan, AMV Distribution, Safipar et Juperic et en ce qu'il a annulé les désignations du 26 juillet 2021, notifiées le 29 juillet 2021 à la suite des élections comité social économique du 24 janvier 2020, de M. [J] [F] en qualité de délégué syndical d'établissement CGT au sein de l'établissement distinct Auchan zone de vie [Localité 7] et de M. [I] [Y] en sa qualité de délégué syndical d'établissement CGT au sein de l'établissement distinct Auchan zone de vie [Localité 7] et en sa qualité de représentant syndical d'établissement CGT au sein de l'établissement distinct Auchan zone de vie [Localité 7], le jugement rendu le 14 décembre 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire d'[Localité 7] ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT qu'à la suite des élections comité social et économique du 24 janvier 2020 sont valides les désignations du 16 janvier 2021 de :
* Mme [C] [M], en qualité de représentante syndicale d'établissement CGT au sein de l'établissement distinct Auchan zone de vie [Localité 7],
* Mme [R] [W] en qualité de déléguée syndicale d'établissement CGT au sein de l'établissement distinct Auchan zone de vie [Localité 7],
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées en première instance et devant la Cour de cassation ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.
Documents correspondants tout à fait à mes attentes.