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Jurisprudences

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Le point de vue des avocats

Président : M. Vigneau (président)

Avocat : SCP Doumic-Seiller, SCP Melka-Prigent-Drusch

République française au nom du peuple français

  • Cour de cassation
  • Chambre commerciale
  • Audience publique 20 septembre 2023
  • N° de pourvoi: 22-14.771
  • Inédit
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 septembre 2023




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 601 F-D

Pourvoi n° K 22-14.771

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [S].
Admission au bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 février 2022.






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 SEPTEMBRE 2023

M. [K] [S], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 22-14.771 contre l'arrêt rendu le 28 juillet 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Banque CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. [S], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Banque CIC Ouest, après débats en l'audience publique du 20 juin 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 28 juillet 2021), par un acte du 20 décembre 2013, la société Banque CIC Ouest (la banque) a consenti à la société France collection (la société) un prêt d'un montant de 40 500 euros, en garantie duquel M. [S] s'est rendu caution à hauteur de 14 580 euros.

2. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné M. [S] en exécution de son engagement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. M. [S] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir déclarer la banque déchue de son droit aux intérêts et, en conséquence, d'assortir la condamnation de 13 613,23 euros des intérêts au taux de 3,3 % à compter du 8 décembre 2016 jusqu'à complet paiement dans la limite de 14 580 euros, alors :

« 1°/ qu'il appartient aux établissements de crédit et aux sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne
morale, de justifier de l'accomplissement des formalités légalement prévues ; que la seule production de la copie de lettres d'information ne suffit pas à justifier de leur envoi ; que, pour juger que la banque avait satisfait à son obligation d'information annuelle à l'égard de M. [S], la cour d'appel a relevé qu'elle produisait aux débats des copies des lettres adressées les 24 février 2014 et 20 février 2015 aux cautions ; qu'en se fondant ainsi sur la copie de lettres d'information, insusceptibles d'établir leur envoi, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ;

2°/ qu'il appartient aux établissements de crédit et aux sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, de justifier de l'accomplissement des formalités légalement prévues ; que la production de procès-verbaux d'huissier de justice attestant de l'envoi par une banque de lettres d'information en nombre ne suffit pas à justifier l'envoi d'une lettre d'information en particulier à une caution déterminée ; que, pour juger que la banque avait satisfait à son obligation d'information annuelle à l'égard de M. [S], la cour d'appel a relevé qu'elle produisait aux débats des procès-verbaux d'huissier de justice attestant de l'envoi d'environ cinquante mille courriers d'information chaque année ; qu'en statuant ainsi, quand ces procès-verbaux, à défaut d'individualiser le destinataire de chaque lettre, ne permettaient pas de faire la preuve de l'envoi de lettres d'information à M. [S], la cour d'appel a violé l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, alors applicable :

5. Selon ce texte, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Le défaut d'accomplissement de cette formalité emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information.

6. Pour rejeter la demande de la caution de voir la banque déchue de son droit aux intérêts au taux conventionnel, l'arrêt retient que la copie des lettres d'information adressées les 24 février 2014 et 20 février 2015 aux cautions et les procès-verbaux d'huissier de justice datés de février 2009, février 2010 et mars 2011 attestant de l'envoi de courriers en nombre, produits aux débats par la banque, rapportent la preuve d'un envoi satisfaisant aux exigences de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier.

7. En statuant ainsi, alors, d'une part, que les procès-verbaux d'huissier de justice datés de février 2009, février 2010 et mars 2011 ne pouvaient suffire à justifier de l'envoi de lettres d'information à M. [S] en 2009, 2010 et 2011, faute pour la banque de produire une copie de ces lettres, d'autre part, que la seule production de la copie des lettres d'information datées des 24 février 2014 et 20 février 2015 ne suffisait pas à justifier de leur envoi, en l'absence de procès-verbaux d'huissier de justice corroborant l'envoi de telles lettres aux cautions par la banque en 2014 et 2015, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. M. [S] fait le même grief à l'arrêt, alors « que les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition d'un cautionnement par une personne physique ou une personne morale, doivent se conformer aux prescriptions de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier jusqu'à l'extinction de la dette garantie ; qu'en condamnant M. [S] à payer à la banque la somme de 13 613,23 euros assortie des intérêts au taux de 3,3 % à compter du 8 décembre 2016 et jusqu'à complet paiement, sans constater que la banque s'était conformée à son obligation d'information annuelle au-delà de l'année 2015, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

9. La banque conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est irrecevable, comme nouveau et mélangé de fait et de droit.

10. Cependant, dans ses conclusions d'appel, M. [S], après avoir rappelé les termes de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, a soutenu que cette disposition vaut, jusqu'à l'extinction de la dette garantie, ajoutant que la banque n'avait pas justifié avoir effectivement réalisé chaque année cette obligation d'information et que, faute d'informer la caution, elle encourait la déchéance des intérêts échus pour chaque période annuelle passée sans information.

11. Le moyen est donc recevable.


Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, alors applicable :

12. Il résulte de ce texte que la banque est tenue de fournir à la caution l'information prévue par la loi jusqu'à extinction de la dette garantie par le cautionnement.

13. Pour rejeter la demande de la caution de voir la banque déchue de son droit aux intérêts au taux conventionnel, l'arrêt statue par les motifs précités.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la banque s'était conformée à son obligation d'information annuelle de la caution au delà de l'année 2015 et jusqu'à extinction de la dette garantie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

15. En application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif rejetant la demande de M. [S] tendant à voir déclarer la banque déchue de son droit aux intérêts au taux conventionnel entraîne l'annulation, par voie de conséquence, de celle qui le condamne à payer à la banque la somme de 13 613,23 euros, assortie des intérêts au taux de 3,3 % à compter du 8 décembre 2016 jusqu'à complet paiement et dans la limite de 14 580 euros, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il rejette la demande de M. [S], fondée sur l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, tendant à voir la société Banque CIC Ouest déchue de son droit aux intérêts au taux conventionnel et le condamne au paiement de la somme de 13 613,23 euros, outre les intérêts postérieurs au taux de 3,3 % à compter du 8 décembre 2016 jusqu'à complet paiement dans la limite de 14 580 euros, l'arrêt rendu le 28 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne la société Banque CIC Ouest aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Banque CIC Ouest à payer à la SCP Melka-Prigent-Drusch la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille vingt-trois.

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux du mercredi 20 septembre 2023


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