Pour la première fois, par un arrêt de l’assemblée plénière, la Cour de cassation reconnait la transcription sur les actes d’état civil français d’une filiation maternelle, pour des enfants conçus à l’étranger par un contrat de gestation pour autrui, grâce aux gamètes d’une tierce donneuse.

Jusqu’à présent, la Cour de cassation refusait la transcription en France d’actes de naissance étrangers d’enfants nés avec le recours d’une mère porteuse, au nom de l’ordre public international qui interdisait de faire produire effet à une convention de gestation pour autrui en France, même si la filiation avait été régulièrement établie à l’étranger dans un acte de naissance étranger. (Cour de cassation 1e chambre civile, 6 avril 2011, n°10-19053)

Ces refus se fondaient sur la prohibition du mécanisme de la gestation pour autrui en France au nom du principe d’ordre public de l’indisponibilité de l’état des personnes, et sur les règles de droit en matière de filiation, notamment celles selon lesquelles la filiation maternelle ne peut être établie qu’à l’égard de la femme qui accouche.

Ainsi, si la transcription de l’acte de naissance étranger pour le père d’intention qui était aussi le père biologique avec pu être acceptée en France, cette transcription était systématiquement refusée pour la mère d’intention, à savoir la mère qui n’avait pas porté l’enfant.

La mère d’intention ne pouvait alors que recourir aux modes d’établissements internes de la filiation, à savoir l’établissement de la filiation par la possession d’état ou par le mécanisme de l’adoption de l’enfant du conjoint, si le couple était marié.

 

Par cet arrêt pour la première fois :

1) La Cour de cassation reconnait un droit à la transcription de l’acte de naissance étranger sur les registres de l’état civil français, sans avoir à passer par d’autres modes d’établissement de la filiation ouverts par le droit français.

2) La Cour de cassation fait primer le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et celui du respect de la vie privée, sur les règles de droit interne, même d’ordre public.

 

La Cour de cassation va alors plus loin que les préconisations de la Cour européenne des droits de l’Homme, dans un avis du 10 avril 2019, (n°P16-2018-001), selon lesquelles les Etats doivent prévoir la possibilité pour un enfant, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant et le respect de sa vie privée, d’établir sa filiation avec sa mère d’intention sans considération qu’il est été conçu ou non avec ses gamètes, peu importe que l’établissement de cette filiation résulte de la transcription de l’acte de naissance étranger ou d’une méthode de droit interne, telle que l’adoption.

 

La Cour de cassation aurait donc pu se contenter de mettre en avant la possibilité pour la mère d’intention de recourir aux mécanismes d’établissement internes offerts par le droit français, afin de pouvoir continuer d’interdire la transcription en France d’un acte de naissance étranger d’un enfant conçu grâce à un mécanisme qui se heurte à l’ordre public.

Ainsi, même si le présent arrêt de la Cour de cassation se présente comme un « arrêt d’espèce », reconnaissant la transcription au regard de considérations du cas d’espèce, il n’en demeure pas moins qu’il aura inévitablement des répercussions en matière d’établissement de la filiation d’enfants nés d’une mère porteuse.

 

Cour de cassation du 4 octobre 2019 n°10-19053