Comment bien rédiger son testament ? Dans quelles conditions peut-il être contesté ? Voyons ensemble les grands principes.

Le testament est un acte éminemment personnel. Pour faire un testament, il faut donc être sain d'esprit (C. civ., art. 901). Toutes les personnes peuvent disposer et recevoir par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables :

— le mineur âgé de moins de seize ans ne peut disposer de ses biens par testament (C. civ., art. 903) sauf par contrat de mariage avec le consentement des personnes désignées aux articles 148 et suivants du Code civil ;

— le mineur de plus de seize ans non émancipé ne peut disposer par testament qu'à concurrence de la moitié des biens dont la loi permet au majeur de disposer (C. civ., art. 904) ;

— pour être capable de recevoir par testament, il suffit d'être conçu à l'époque du décès du testateur (C. civ., art. 906) ;

— le mineur, quoique parvenu à l'âge de seize ans, ne pourra, même par testament, disposer au profit de son tuteur et, même devenu majeur ou émancipé, il ne pourra disposer au profit de celui qui aura été son tuteur, si le compte définitif de la tutelle n'a pas été préalablement rendu et apuré (sauf si le tuteur est ou était un ascendant du mineur ; C. civ., art. 907) ;

— les docteurs en médecine ou en chirurgie, les officiers de santé, les pharmaciens qui ont traité une personne pendant la maladie dont elle meurt ne pourront profiter (sauf exceptions prévues à l'article 909 du Code civil : dispositions rémunératoires à titre particulier ou lien de parenté) des dispositions qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de la maladie.

Il en va de même à l'égard du ministre du culte ;

— les testaments au profit des hospices, des pauvres d'une commune ou d'établissements d'utilité publique n'auront d'effet qu'après autorisation par décret (C. civ., art. 910).

S'agissant des majeurs concernés par une mesure de protection, pour l'essentiel, il faut retenir deux règles :

— d'une part, l'article 470 du Code civil dispose que la personne en curatelle peut librement tester, sauf application de l'article 901 du Code civil ;

— et d'autre part, l'article 476 du Code civil dispose que la personne en tutelle peut faire seule son testament après l'ouverture de la tutelle, sous la condition d'être autorisée par le juge ou le conseil de famille s'il a été constitué, à peine de nullité de l'acte. Le tuteur ne peut ni l'assister ni la représenter à cette occasion. Une fois rédigé, le testament peut être révoqué uniquement par le majeur en tutelle.

Par ailleurs, les bénéficiaires des dispositions testamentaires doivent être capables de recevoir à titre gratuit. Les membres des professions médicales et de la pharmacie, ainsi que les auxiliaires médicaux qui ont prodigué des soins à une personne pendant la maladie dont elle meurt ne peuvent pas, par exemple, profiter des dispositions testamentaires qu'elle aurait faites en leur faveur pendant le cours de celle-ci (C. civ., art. 909, al. 1er). Les ministres du culte se voient appliquer les mêmes règles (C. civ., art. 909, al. 3).

En application des dispositions de l'article 911 du Code civil, toute disposition au profit d'une personne incapable de recevoir à titre gratuit sera nulle, soit qu'on la déguise sous la forme d'un contrat onéreux, soit qu'on la fasse sous le nom de personnes interposées (les père, mère, enfants, descendants et époux de l'incapable sont réputés personnes interposées).

En revanche, si la loi n'a pas précisé l'incapacité de recevoir, le legs sera valable. Par exemple, une aide-ménagère, salariée d'une association, a la capacité de recevoir des legs par testament même si le contrat de travail et le règlement intérieur de l'association interdisent que des gratifications soient faites par les personnes aidées au profit des aidants (Cass. 1re civ., 25 sept. 2013, no 12-25.160).

Le testament doit revêtir la forme d'un écrit. Cette exigence est une condition de validité du testament.

La seule exception concerne la perte ou la destruction du testament par suite d'un cas fortuit ou d'une force majeure, mais c'est alors un problème épineux de preuve. Il résulte effectivement de la combinaison des articles 895 et 1348 du Code civil que le bénéficiaire d'un testament qui n'en détient qu'une copie doit rapporter la preuve que cette copie est une reproduction fidèle et durable d'un original qui a existé jusqu'au décès du testateur et n'a pas été détruit par lui, de sorte qu'il est la manifestation de ses dernières volontés : Cass. 1re civ., 13 déc. 2005, no 04-19.064, Bull. civ. I, no 503. S'agissant de la condition que la perte corresponde à un cas fortuit ou à une situation de force majeure, v., Cass. 1re civ., 12 nov. 2009, nos 08-17.791 et 08-18.898, RLDC 2010/67, no 3694.

 

Contestation du testament pour atteinte à la réserve héréditaire

La réserve héréditaire est la part des biens d'une succession dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers les plus proches du défunt, dits « héritiers réservataires », dès lors qu'ils sont appelés à la succession et qu'ils l'acceptent (C. civ. art. 912, al. 1).

La réserve trouve en pratique deux dimensions, selon l'angle sous lequel on la considère : la réserve globale, qui, du point de vue du de cujus, limite par avance l'efficacité de sa volonté de gratifier ; la réserve individuelle, fraction de la réserve globale dévolue à chaque héritier réservataire, à laquelle celui-ci accède seulement lorsqu'il vient effectivement à la succession.

La réserve héréditaire n'embrasse jamais la totalité des biens, de sorte qu'il subsiste toujours une autre fraction de la succession, dont la personne peut librement disposer par des libéralités : cet excédent, exactement complémentaire de la réserve, s'appelle la quotité disponible (C. civ. art. 912, al. 2).

Le défunt a pu consentir des libéralités soit par donation entre vifs, soit par testament ou donation au dernier vivant à son conjoint ; mais ces libéralités ne seront efficaces avec certitude que si leur montant n'excède pas la quotité disponible.

Ce n'est qu'après le décès du disposant qu'il est possible de déterminer si les libéralités faites par lui excèdent la quotité disponible de sa succession et sont par conséquent réductibles. En effet, c'est seulement à cette date que l'on peut :

-  connaître la qualité et le nombre d'héritiers réservataires laissés par le défunt ;

-  mesurer l'importance du patrimoine du défunt, donc le seuil à partir duquel les libéralités excèdent la quotité disponible et sont réductibles ;

-  déterminer parmi les libéralités consenties par le défunt lesquelles excèdent la quotité disponible et pour quelle fraction elles doivent être réduites afin que la réserve soit sauvegardée.

Lorsque la libéralité excessive a pour objet un usufruit ou une rente viagère, sa réduction a lieu à des conditions particulières.

Par ailleurs, si une atteinte à la réserve des enfants ne saurait en principe résulter d'un avantage matrimonial consenti par le défunt à son conjoint survivant, il en va différemment en présence d'enfants non communs, qui peuvent demander le retranchement de l'avantage excessif.

La loi confortant le respect des principes de la République instaure une obligation d'information renforcée pesant sur le notaire à l'égard des héritiers réservataires et un droit de prélèvement compensatoire au profit des enfants lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne prévoit aucun mécanisme réservataire les protégeant.

 

Contestation du testament pour insanité d’esprit

Pour faire une donation entre vifs ou un testament, « il faut être sain d'esprit » (C. civ. art. 901). À défaut, l'acte est nul, de nullité relative.

C'est en principe aux personnes qui invoquent l'insanité d'esprit qu'incombe la charge de la preuve de celle-ci. Ils doivent établir son existence au jour de la réalisation de l'acte. Toutefois, si l'insanité d'esprit du disposant était habituelle à l'époque de l'acte, la charge de la preuve est renversée et c'est à celui qui se prévaut de la validité de la donation ou du testament de démontrer que l'acte a été passé dans un intervalle de lucidité.

La preuve s'effectue par tous moyens, aussi bien extrinsèques (témoignages, expertises, etc.) qu'intrinsèques à l'acte. S'agissant en particulier des testaments olographes qui sont le plus souvent en cause, la preuve de l'insanité d'esprit résulte généralement d'un ensemble d'éléments : testateur affaibli par l'âge et/ou la maladie, incohérence des dispositions adoptées, style inhabituel à l'auteur, écriture désordonnée, etc.

La condamnation pénale du légataire pour abus de faiblesse sur le testateur durant une période couvrant la date de rédaction du testament peut également être un moyen d'établir l'insanité d'esprit. Ainsi, viole le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil le juge qui refuse d'annuler pour insanité d'esprit le testament rédigé au profit d'une femme étrangère à la famille et condamnée pénalement avec son époux pour abus de faiblesse sur la testatrice qui l'avait instituée légataire universelle, alors que les époux savaient l'intéressée particulièrement vulnérable.

La nullité pour insanité d'esprit peut faire double emploi avec celle prévue en faveur des majeurs protégés. Elle présente donc essentiellement un intérêt lorsque la libéralité est le fait d'un majeur qui n'est pas placé sous un régime de protection.

Le caractère sain d'esprit ou non du disposant est une question de fait, qui relève par conséquent de l'appréciation souveraine des juges du fond. Il n'y a en effet aucune définition légale de la sanité ou de l'insanité d'esprit. Cette dernière comprend toutes les variétés d'affections mentales par l'effet desquelles l'intelligence du disposant a été « obnubilée » ou sa faculté de discernement déréglée (en ce sens notamment, CA Paris 11-10-2007 n° 06/03493 ; CA Paris 17-4-2008 n° 07/07129).

En pratique, les tribunaux sont relativement réticents à admettre l'insanité d'esprit, trop facilement invoquée par les héritiers mécontents. Pour annuler un testament (ou, plus rarement, une donation), ils exigent sinon une altération durable et complète des facultés du disposant, du moins un trouble mental suffisamment important pour exclure une volonté consciente et éclairée au moment de l'acte. S'ils ne sont pas corroborés par d'autres éléments, le grand âge, la maladie, l'alcoolisme ou la mise ultérieure du disposant sous tutelle ne suffisent pas à faire prononcer la nullité du testament.

Ont été annulés pour insanité d'esprit du testateur :

-  le testament fait par une femme dont les fonctions cognitives et affectivo-émotionnelles étaient largement perturbées par un cancer, qui avait entraîné une grave dégradation de son état physique, et une profonde dépression (CA Paris 17-4-2008 n° 07/7129, 2e ch. B) ;

-  le testament établi par une femme sous curatelle de 89 ans, qui présentait des facteurs de suggestibilité et d'influençabilité manifestes dus en partie à son grand âge et qui s'était notamment laissé abuser par des tiers auxquels elle avait remis des sommes très importantes (CA Paris 26-9-2007 n° 07/1230, 2e ch. A) ;

-  le testament authentique établi trois mois avant son décès par un homme âgé et très malade, différents témoignages établissant qu'il présentait un état d'asthénie important et des périodes de confusion mentale et que, le jour même de l'établissement de son testament, il ne jouissait pas de ses pleines facultés intellectuelles et d'expression (CA Aix-en-Provence 9-5-2012 n° 11/07904).

Ont au contraire été jugés valables :

-  le testament authentique établi au profit de la femme qui s'occupait de lui par un homme atteint de la maladie d'Alzheimer, l'insanité d'esprit (non perçue par le notaire) n'étant pas caractérisée : des proches témoignaient du comportement normal du testateur à l'époque de l'établissement du testament, le médecin n'avait pas recommandé de mesure de protection judiciaire ou d'hospitalisation dans une structure spécialisée ni déconseillé la conduite automobile à l'intéressé (CA Bastia 1-2-2012 n° 10/00066) ;

-  le testament fait par un homme atteint de la maladie de Parkinson et placé sous curatelle, les pièces médicales versées au débat établissant que les facultés intellectuelles du testateur étaient peu altérées, ce dernier souffrant surtout de difficultés de mémorisation et d'évocation des informations récentes (CA Paris 7-3-2012 n° 11/06602 : Gaz. Pal. 14-3-2012 p. 21) ;

-  le testament et la donation établis par une femme atteinte de schizophrénie, la preuve de sa lucidité lors de l'établissement des actes ayant été apportée.

-  le testament fait par une femme soignée pour psychose maniacodépressive et qui avait fait plusieurs testaments différents au cours des neuf mois précédant son décès. La cour d'appel a estimé que si la maladie affectait l'humeur de la testatrice, elle n'était pas de nature à altérer son discernement, la rédaction de plusieurs testaments successifs dans un court intervalle de temps révélant simplement des hésitations sur la dévolution de ses biens (CA Toulouse 26-10-2010 n° 08/58, 1e ch. sect. 2 :  BPAT 1/11 inf. 40) ;

-  le testament rédigé par un homme atteint d'alcoolisme chronique et d'obésité morbide, au niveau intellectuel très limité (graphisme en lettres bâtonnées et orthographe phonétique), ces éléments ne prouvant pas que le testateur ait été privé de ses facultés mentales à la date d'établissement du testament (CA Chambéry 22-3-2011 n° 10/01246).

 

Contestation du testament pour vice de forme

L'inobservation des conditions de forme est sanctionnée par la nullité du testament (C. civ. art. 1001). Cette sanction concerne non seulement les manquements aux règles de forme communes à tous les testaments, mais également l'inobservation des règles de forme spécifiques à chaque catégorie de testaments.

Le testament ne peut être contesté qu'après le décès du testateur. L'action en nullité peut être exercée par celui censé recueillir les biens légués à la place du légataire (en pratique, les héritiers ou le légataire universel). Le délai de prescription de l'action est de 5 ans à compter du décès ou du jour où l'intéressé a connu l'existence du testament vicié (C. civ. art. 2224).

De son vivant, le testateur ne peut pas confirmer un testament irrégulier en la forme, et donc frappé de nullité (Cass. req. 5-2-1873 : DP 1873 I p. 435). S'il entend maintenir ses dernières volontés, il doit refaire un testament qui les reprend expressément, en respectant cette fois les règles de forme ; autrement dit, les dispositions du testament irrégulier qui ne seraient pas renouvelées dans un nouveau testament ne pourraient produire d'effet. Après le décès du testateur, ses héritiers peuvent en revanche confirmer, ratifier ou exécuter volontairement le testament irrégulier, renonçant ainsi à opposer au légataire les vices de forme qui l'affectent (Cass. req. 9-7-1873 : DP 1874 I p. 219). Ainsi, des héritiers qui ont donné leur accord à l'exécution d'un legs verbal doivent honorer leur engagement, leur obligation naturelle s'étant novée en obligation civile pour une illustration.

Lorsqu'un testament est annulé, les dispositions extrapatrimoniales qu'il est susceptible de contenir restent valables si leurs exigences propres de forme ont été respectées.

 

 

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026486093?init=true&page=1&query=11-20.702+&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007051168?init=true&page=1&query=02-16.985+&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007618425?init=true&page=1&query=97-21.544++&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026540468?init=true&page=1&query=11-20.442+&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007484359?init=true&page=1&query=02-18.363+&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032352703?init=true&page=1&query=15-17.039+&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007049110?init=true&page=1&query=01-14.031+&searchField=ALL&tab_selection=all