Le 03 mai 2022, le tribunal de Proximité d’AUBAGNE a exonéré une victime de FRANCE PAC ENVIRONNEMENT, fortement endettée, de devoir rembourser à CETELEM un crédit affecté à l’achat de panneaux solaires.

I. Exposé du litige

Le 23 septembre 2020, la société FRANCE PAC ENVIRONNEMENT (en faillite depuis septembre 2021) démarche une personne retraitée et veuve à son domicile. Elle la convainc de signer un contrat de vente portant sur la livraison et la pose d’un kit photovoltaïque en autoconsommation, pour la somme de 29.900¤.

Alors que la cliente est déjà endettée à plus de 33%, CETELEM lui accorde tout de même son concours financier !

Le 14 octobre 2020, FRANCE PAC ENVIRONNEMENT effectue les travaux et CETELEM lui règle son dû.

Or, l’installation s’avère ruineuse : la cliente ne jouit d’aucune économie sur ses factures…

Pire, elle est dans une situation financière critique, qui l’empêche de rembourser le crédit.

Elle n’a d’autre choix que de poursuivre le vendeur et le prêteur en annulation de la vente et du prêt, ce qu’elle obtient.

Nous passerons sous silence l’annulation de la vente, afin de s’attacher à la manière dont l’emprunteuse a pu prétendre à ne pas rembourser le crédit.

 

II. Annulation du crédit et exonération pour l'emprunteur de le rembourser

En premier lieu, le tribunal a relevé que le vendeur avait entrepris « une démarche intrusive de vente à domicile ».

En deuxième lieu, le tribunal a annulé le crédit, dans la mesure où il était lié à un contrat de vente nul.

En troisième lieu, le Tribunal a rappelé que si l’emprunteur doit rembourser le crédit au prêteur, cette règle reçoit exception en cas de faute préjudiciable de la banque, ce qui était le cas en l’espèce.

En effet, la souscription du crédit auprès de CETELEM à plus de 46% !!!

Pire, l’emprunteuse était décrite par son médecin traitant comme une personne « vulnérable », ainsi qu’ « un faible niveau scolaire, une grande innocence et un syndrome anxiodépressif ancien ».

Le fait que CETELEM ait contribué à l’endettement de sa cliente est source de préjudice pour cette dernière et suffit à l’exonérer de rembourser le prêt.

Outre que CETELEM est privé du remboursement du crédit, elle est condamnée à verser 500¤ de dommages et intérêts à sa cliente, ainsi que 3500¤ au titre de ses frais d’avocat.

Une belle décision démontrant qu’une injustice peut être réparée.

 

III.   Que retenir de cette affaire ?

« Telle Saturne dévorant ses enfants, la société de consommation, pour vendre plus et toujours plus, a inventé une sorte de potion magique : le crédit à la consommation. Mais la potion se révèle chaque année plus vénéneuse » (Luc BIHL, « Le surendettement : apparition d’un fléau social », in Gardaz (dir.), Le Surendettement des particuliers, Paris, Anthropos, 1997, p. 1).

Cette citation de 1997 est tout à fait à propos et démontre que le crédit à la consommation peut avoir pour contrepartie d’endetter davantage les consommateurs, que de les aider.

Aussi, la loi a prévu de protéger ces derniers.

En effet, l’article L. 312?14 du code de la consommation met à la charge du prêteur ou de son intermédiaire une obligation précontractuelle prenant la forme d’un devoir d’explication (à ne pas confondre avec le devoir de mise en garde, comme l’illustre le droit applicable au crédit immobilier, depuis l’ordonnance n° 2016?351 du 25 mars 2016, distinguant expressément entre le devoir d’explication (art. L. 313?11 du Code de la consommation) et le devoir de mise en garde (art. L. 313?12 du Code de la consommation). Il s’agit donc de deux obligations distinctes).

Ce devoir implique pour le prêteur de fournir à l’emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, en s’aidant pour ce faire des informations figurant dans la fiche qui doit lui avoir préalablement été remise (la FIPEN). Entre autres, le prêteur doit avertir l’emprunteur sur les caractéristiques essentielles du crédit proposé et sur les conséquences de celui-ci sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Cette obligation du prêteur est de permettre au client de prendre sa décision de contracter en connaissance de cause.

Lorsque le crédit est proposé sur le lieu de vente, le prêteur doit s’assurer à ce que les explications soient fournies à l’emprunteur sur place, de manière complète et appropriée, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges (art. L. 312?14, al. 2 du Code de la consommation). 

Plus précisément, lorsqu’un démarcheur se présente au domicile d’un consommateur, afin de lui proposer un achat à crédit, ce démarcheur doit obligatoirement avoir été formé par le prêteur, ce qui est naturellement de nature à renforcer la protection de l’emprunteur (article L. 314?25 du code de la consommation).

La violation par le prêteur emporte des sanctions pénales (une peine d’amende), mais aussi civiles, telle que la déchéance du droit aux intérêts du crédit, excepté dans la présente affaire.

En effet, dans la présente affaire, il était question d’un crédit affecté à une vente, l’ensemble ayant été conclu dans le cadre d’un démarchage à domicile. CETELEM avait mandaté FRANCE PAC ENVIRONNEMENT, le vendeur, pour faire signer au consommateur un crédit. Le vendeur avait donc reçu délégation du prêteur pour s’assurer de la solvabilité de l’acheteur. Le prêteur aurait néanmoins dû vérifier que ce dernier était suffisamment solvable pour rembourser le crédit, ce qu’il n’a pas fait, car après conclusion de ce dernier, le taux d’endettement de l’emprunteur était supérieur à 46%.

Cela signifie que, avant la conclusion du contrat de crédit, le taux d’endettement de l’acheteur était déjà supérieur à 33%.

Aussi, le prêteur a sciemment accordé un crédit à une personne insolvable et sans lui avoir signalé au préalable que le bon de commande conclu était nul, ce qui suffit causer un préjudice à cette dernière et à l’exonérer de rembourser le crédit.

Autrement dit, avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, censé l’empêcher de s’engager à la légère, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.