Depuis quelques temps, la position des juridictions se précise en matière d'arnaque à la rénovation énergétique, comme le montre un arrêt de la Cour d'appel d'AGEN en date du 13 décembre 2022 rendu contre FORCE ENERGIE et CETELEM, un consommateur ayant pu échapper au remboursement de son crédit.

I. Rappel des faits

Suite à un démarchage à domicile, une personne commande le 1er juin 2016 à la société FORCE ENERGIE une installation de panneaux solaires photovoltaïques, ainsi que des travaux de rénovation et d'isolation de toiture pour un prix de 22 900 euros.

Cette acquisition s'effectue grâce à un emprunt souscrit auprès de la société CETELEM.

faute pour l'installation photovoltaïque d'avoir fonctionné et les travaux de rénovation d'avoir été suffisants, l'acquéreur refuse de payer le crédit, ce qui lui vaut la peine d'être fiché au FICP oar CETELEM (qui ne veut rien entendre).

Mais l'acquéreur ne se décourage pas et assigne FORCE ENERGIE et CETELEM devant le tribunal de CHOLET pour que l'ensemble des contrats soient annulés, ce qu'il obtient.

 

II.  Procédure

Par jugement du 27 juillet 2008, le tribunal de CHOLET :

  • prononce la résolution des contrats de vente et de crédit
  • condamne FORCE ENERGIE à reprendre son matériel et remettre la toiture de l'acquéreur en état
  • condamne CETELEM à déficher son client du FICP
  • condamne CETELEM à verser 1000¤ à l'emprunteur au titre de ses frais d'avocat

Manifestement mécontente, CETELEM interjette appel.

 

III.  Position inflexible de la cour d'appel d'Angers

A. 1ère faute de CETELEM : financer un devis nébuleux

Les juges d'appel cautionnent les premiers juges ayant relevé le caractère très imprécis du bon de commande, s'agissant des mentions relatives à l'isolation de la toiture, des murs extérieurs et à la rénovation de la toiture.

En effet, le bon de commande ne comporte absolument aucune précision sur les procédés utilisés ou sur la surface concernée.

Or, la banque aurait dû être attirée par ces caractéristiques manquantes et en avertir l'emprunteur, censé s'engager en connaissance de cause.

De fait, la banque a commis une première faute.

 

B. 2nde faute de CETELEM : financer une prestation inachevée

CETELEM a commis une seconde faute en réglant la société FORCE ENERGIE alors que l'installation n'était que partiellement réalisée.

Pour preuve, l'ordre de paiement remis à CETELEM était imprécis, et ne permettait pas de se convaincre que le vendeur avait intégralement exécuté ses devoirs.

En effet, ce document indique que les matériels sont livrés, mais n'atteste pas que l'installation photovoltaïque est branchée et produit de l'électricité.

D'ailleurs, ce n'est pas le cas, car jamais l'installation photovoltaïque n'a fonctionné, faute d'avoir été raccordée au réseau public par le vendeur...

Mieux encore, selon une attestation du maire de la commune, aucune déclaration attestant de l'achèvement et de la conformité des travaux ne lui a été notifiée, ce qui confirme que le vendeur n'a pas exécuté ses devoirs.

CETELEM a ainsi commis une faute en s'abstenant de vérifier de façon suffisamment sérieuse que l'installation livrée par la société FORCE ENERGIE fonctionnait conformément à la commande qu'elle avait acceptée de financer.

 

C. Préjudice de l'emprunteur l'exonérant de payer le crédit

Dès lors que l'installation destinée à produire de l'électricité ne fonctionne pas, il en résulte nécessairement un préjudice pour l'acquéreur-emprunteur, suffisant pour priver totalement CETELEM de sa demande en remboursement du crédit, en ce compris les intérêts.

 

IV. Brève leçon sur cette affaire

En droit, un emprunteur ne commence à rembourser un crédit que si, et seulement si, le vendeur a exécuté à 100% ses obligations convenues dans le bon de commande.

D'ailleurs, la Cour de cassation a acté cette règle dans un ARRÊT DE PRINCIPE :

« Les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de l’exécution de la prestation de services qui doit être complète, hors le cas d’une prestation de services à exécution successive, et que commet une faute qui le prive de la possibilité de se prévaloir, à l’égard de l’emprunteur, des effets de la résolution du contrat de prêt, conséquence de celle du contrat principal, le prêteur qui délivre les fonds au vendeur sans s’assurer que celui-ci a exécuté son obligation » (Civ. 1ère16 janvier 2013, n°12-13.022).

La règle peut paraître élémentaire, mais manifestement elle est incomprise ou bafouée insciemment par des professionnels du milieu bancaire...

Me Grégory ROULAND - avocat au Barreau de PARIS