Pour de nombreux praticiens en droit de la famille, l’évaluation de la prestation compensatoire est un sujet central nécessitant des recherches et des calculs souvent fastidieux. 

Dans le cadre d’un processus collaboratif, l’évaluation de la prestation peut être l’occasion de de travailler ensemble pour objectiviser une question qui enkyste bien souvent la recherche d’une solution amiable.

Avocap Justice Amiable a choisi de promouvoir un outil d’intelligence artificielle, Case Law Analytics,  qui permet de résoudre les problèmes soulevés par cette évaluation.

Le cas pratique qui suit,  vise à expliquer l’intérêt pour le praticien de maîtriser

Le cas d’espèce est le suivant :

Monsieur K. , un dentiste âgé de 59 ans, résidant à Paris rue du Bac, marié depuis 30 ans avec une psychologue-comportementaliste de 57 ans. Ils n’ont pas signé de de contrat de mariage préalablement à leur union.

 

Ils ont eu trois enfants. Seule la dernière est encore étudiante et fait ses études à Montréal en physique nucléaire. Les deux autres sont autonomes. Ils ont acquis il y a 5 ans un appartement Rue du bac pour loger leur famille. Cet appartement est évalué à 1 500 000 euros.

Monsieur K. a hérité de sa tante un capital de 50 000 euros qu’il a placé en assurance vie auprès d’AXA avec un rendement de 1,97%.

Monsieur K. perçoit des revenus annuels de 180 000 euros.

Son épouse a repris tardivement des études de psychologue. Elle a arrêté de travailler durant 3 ans pour élever ses enfants. 

Elle perçoit 48 000 euros par an de son activité libérale de psychologue (forte suspicion de revenus occultes).

Ils sont tous deux en bonne santé. Monsieur K. percevra une retraite d’environ 8 000 euros tandis que son épouse percevra environ 1 500 euros.

Lors de l’audience de conciliation, Madame a obtenu un devoir de secours de 2 000 euros par mois. 

Madame K., dans le cadre du processus, indique qu’elle sollicite une prestation compensatoire de 400 000 euros. 

Nous avons tous l’habitude de travailler sur les méthodes d’évaluation habituelles : Pilote PC et les 3 ou 4 méthodes plus doctrinales habituellement utilisées par les praticiens du droit de la famille.  

Les résultats obtenus sont loin d’être satisfaisants et ne permettent pas de donner des indications suffisamment précises à mon client. Faire la moyenne de deux ou trois méthodes n’est absolument pas pertinent.

La recherche de jurisprudence à partir d’une base de données habituelle, est naturellement une démarche intéressante. Après une heure de recherche, j’ai trouvé trois cas approchants, qui donnent des montants encore une fois assez disparates.

Une nouvelle fois, ces indications ne me permettent pas de conclure de façon suffisamment argumentée.

Case Law Analytics permet de consulter un ensemble très riche de décisions passées, qui peuvent être filtrées de façon beaucoup plus précise que dans d’autres base de données, mais elle permet surtout de quantifier précisément l’aléa judiciaire en me présentant l’éventail des décisions qui sont susceptibles d’être rendues dans un dossier. 

En rentrant les paramètres de celui-ci (plus de trente critères sont pris en compte par l’outil), nous obtenons les indications suivantes : 

-       la jurisprudence associée me permet de trouver les cas similaires en pondérant de façon fine les divers critères : ainsi, je peux privilégier dans ma recherche les dossiers dans lesquels les âges des époux sont proches, ou plutôt ceux où dans lesquels le patrimoine à partager est similaire, voire la durée du mariage, etc..  

Ainsi, il est possible d’explorer de façon plus précise la Jurisprudence.   

Cela permet de s’appuyer sur le raisonnement du magistrat dans les décisions modélisées par CLA.

Dans ce cas précis, dans les dossiers proches des montants de prestation qui s’échelonnent entre 221 000 et 300 000 euros. Cela ne me permet pas donner au client une évaluation totalement objective du risque.

-       Grâce aux moteurs d’intelligence artificielle qui ont modélisé le raisonnement des magistrats de la juridiction compétente dans le cas d’espèce, nous obtenons une décision virtuelle. 

Concrètement, l’outil présente d’abord la probabilité d’une entrée en voie de condamnation, ce qui me permet d’indiquer aux clients de : 

- l’épouse a 97% de chances d’obtenir une prestation compensatoire ;

- ce qui joue le plus en faveur (en ordre décroissant) du versement d’une prestation sont les revenus de l’époux, sa retraite et le montant du devoir de secours ;

- ce qui a pesé pour ne pas accorder une prestation : la part chiffrée dans la liquidation (Madame récupérant un capital conséquent) et dans une moindre mesure ses revenus.

 

Ensuite, Case Law Analytics renseigne sur les montants les plus probables de la prestation que le conjoint devra verser.

 

En premier lieu qu’il y a une chance sur deux que la Prestation Compensatoire soit évaluée entre 240 et 280 000 euros.

 

Ensuite, nous obtenons des informations plus précises qui vont permettre aux parties de connaitre quelle somme devrait être provisionnée.

 

En l’espèce et dans le cas soumis : 

  • il y a 50% de probabilité pour que le montant alloué ne dépasse pas 275 000 ¤

-       il y a 60% de probabilité pour que le montant alloué ne dépasse pas 283 000 ¤

      il y a 70% de probabilité pour que le montant alloué ne dépasse pas 293 000 ¤

 

Enfin,  Case Law Analytics analyse les critères les plus déterminants pour la fixation du montant de la PC :

- les revenus de l’époux, qui ont pesé entre 50 et 90% sur le montant alloué, 

- dans une moindre mesure, la valeur de la communauté et la part de l’époux    

 

  dans la liquidation (entre 10 et 40%), 

- la durée du mariage pèse finalement assez peu au regard des autres critères.

 

L’utilisation d’un tel outil est novateur et surtout sans danger. 

L’Avocat reste en effet le technicien du Droit, celui capable de donner la qualification juridique à un fait. 

La plus-value par rapport aux méthodes habituelles (analyse de la jurisprudence, statistiques sur les décisions passées ou barèmes) est évidente.

Tout d’abord, l’outil interroge une juridiction donnée, et donne tous les scénarios possibles, pondérés par leur probabilité. On ne travaille pas à partir d’extraction de décisions ou de statistiques mais à partir de modèles, ce qui permet à l’avocat de conserver toute sa maîtrise et son savoir-faire. 

Par exemple, dans le dossier soumis, l’outil indique que dans 70% des cas, les magistrats ne condamneront pas à plus de 293 000 euros : c’est une indication précieuse. Mais le plus intéressant, c’est l’analyse des décisions rendues par les 30% de magistrats qui n’ont pas suivi le même raisonnement. Qu’est ce qui a pesé dans leur évaluation ? Pourquoi ont-ils estimé que la prestation devait être moindre ou plus importante ? Case Law Analytics me permet d’interroger chaque décision virtuelle et d’affiner ainsi mon analyse de l’évaluation de la prestation compensatoire.

 

Chaque avocat trouvera un bénéfice à travailler avec ces nouveaux outils et à prendre appui sur l’intelligence artificielle comme un nouvel espace au service des clients.

Le meilleur outil est celui qui allie la technologie et l’éthique, permettant à l’avocat de conserver toute sa place.

 

Le conseil et l’accompagnement des clients sont une priorité et un engagement quotidien au sein de l’AJA. 

Les praticiens du Droit ont donc tout intérêt à s’initier à ces nouvelles techniques aussi passionnantes qu’utiles qui permettent également de développer notre compétence à mettre en ½uvre les méthodes alternatives de règlement des différends.

 

 

Nathalie NAVON-SOUSSAN

 

Avocate au Barreau de Paris

 

Vice-Présidente de l’AJA