Quelles sont les autorisations requises afin de changer la destination de son bien immobilier ? Deux distinctions devront être opérées : Autorisation administrative (mairie) ou autorisation privée (copropriété) ; Immeuble ou Lot de copropriété.

 

 

Changement de destination d’un immeuble

En droit de l’urbanisme, le changement de destination d’un immeuble nécessite le dépôt d’une déclaration préalable de travaux ou d’un permis de construire en cas de modification de la structure, de la façade, de l’emprise au sol ou de la surface de plancher.


En droit de la copropriété, le changement de destination d’un immeuble nécessite l’accord des copropriétaires à l’unanimité.


Changement de destination / d’affectation d’un lot

En droit de l’urbanisme, si le changement de destination d’un lot de copropriété ne change pas la destination de l’immeuble, celui-ci ne sera pas soumis à une autorisation d’urbanisme, sauf dans les cas suivants (articles L.631-7 à L.631-9 du code de la construction et de l’habitation) :

• Dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne ;
• Dans les communes de plus de 200 000 habitants.


En droit de la copropriété, il est possible de changer l'usage de son lot sans avoir à recueillir l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires à condition de respecter :

1. La destination de l'immeuble fixée par le réglement de copropriété ;
2. Les droits des copropriétaires.

En effet, l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, dispose que :


« I.- Chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble. »

Le copropriétaire doit donc, indépendamment des règles d’urbanisme et de construction, s’assurer que l’affectation projetée ne porte atteinte à aucun des deux éléments suscités (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 juin 2017, 16-13.280, Inédit).

Ce principe est régulièrement rappelé par la Cour de cassation, qui n’hésite pas à contrôler les motivations des juges du fond qui apprécient in concreto la conformité du changement d’usage à la destination de l’immeuble et aux droits des autres copropriétaires. C’est notamment ainsi que dans un arrêt du 11 décembre 2012 (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 décembre 2012, 11-25.339, Inédit) la Cour de cassation a, au visa des articles 8 et 9 de la loi du 10 juillet 1965, cassé l’arrêt d’une Cour d’appel qui avait refusé la transformation d’un local qualifié dans le réglement de copropriété de garage en magasin de vente d’articles de sport au motif qu’elle n’avait pas constaté en quoi un tel changement était contraire aux droits des autres copropriétaires ou à la destination de l’immeuble.

Dès lors :

• Soit le changement d’usage ne porte pas atteinte à la destination de l’immeuble et aux droits des copropriétaires et dans ce cas, la liberté du copropriétaire sur son lot (prévue par l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965) prime sur le caractère contractuel du règlement de copropriété (prévu parl’article 8 de la loi du 10 juillet 1965), le copropriétaire pouvant modifier sans autorisation de l’assemblée générale l’usage des parties privatives de son lot ;

• Soit la transformation porte atteinte à la destination de l’immeuble ou aux droits des copropriétaires et dans ce cas, elle est impossible sans autorisation de l’assemblée générale prise à l’unanimité.

Toutefois, afin d’être pleinement exhaustif, il y a lieu de s’attarder sur plusieurs difficultés pouvant intervenir.

1. La première difficulté réside dans l’existence éventuelle de clauses restrictives contenues dans le règlement de copropriété.

En effet, l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que :

« I. - Un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l'administration des parties communes. Il énumère, s'il y a lieu, les parties communes spéciales et celles à jouissance privative.
Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation.
»

Par une lecture a contrario de ce texte, on comprend aisément que le règlement de copropriété peut imposer des restrictions aux droits des copropriétaires et que ces restrictions s’imposent si elles sont justifiées par la destination de l’immeuble.

Ainsi, lorsqu’une clause du règlement de copropriété interdit l’usage de certaines activités dans les parties privatives d’un lot (c’est souvent le cas pour les activités de restauration, cours de musique, cours de danse, commerce de poissonnerie…) ou impose une activité déterminée, c’est une restriction pour le copropriétaire qui envisage une modification de l’usage de son lot. Ce sera alors le juge qui, en cas de litige, appréciera la validité de la clause au regard de la destination de l’immeuble. S’il considère la clause comme justifiée par la destination de l‘immeuble, elle s’imposera au copropriétaire sans aucune dérogation possible.

C’est ainsi qu’a été jugée licite, car justifiée par la destination de l’immeuble, la clause d’un règlement de copropriété imposant que les lots à usage commercial de l’immeuble soient utilisés pour des commerces de luxe (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 13 novembre 2013, 12-24.446, Inédit).

Cette clause restrictive était en l’espèce justifiée par la destination de l’immeuble qui était un immeuble luxueux, situé dans un quartier d’habitation cossu, tandis que l’activité envisagée s’apparentait à de la restauration rapide.

Ainsi, la jurisprudence confirme la possibilité pour un règlement de copropriété d’imposer à un lot un usage déterminé et de limiter contractuellement les droits des copropriétaires sur leur lot si cette restriction est jugée conforme à la destination de l’immeuble, conformément aux articles 8 et 9 de la loi de 1965. Dans ce cas, aucun changement ne sera possible en dehors d’une autorisation préalable de l’assemblée générale à l’unanimité de tous les copropriétaires, malgré l’obtention d’une autorisation d’urbanisme.

En revanche, les clauses généralistes qui interdisent les activités bruyantes, insalubres ou exhalant de mauvaises odeurs, fréquentes dans les immeubles à destination mixte, habitation et commercial, ne peuvent pas, selon la jurisprudence, justifier par anticipation l’exclusion d’une activité donnée, comme notamment celle de restauration, au seul motif qu’elle serait susceptible de créer ce type de nuisance. Le refus de changement d’usage du lot ne peut se fonder sur des nuisances hypothétiquesou supposées dans la mesure où le règlement de copropriété n’interdit pas expressément l’activité envisagée (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 octobre 2014, 13-20.585, Inédit).

En conséquence, la jurisprudence a tendance à privilégier la liberté individuelle du copropriétaire lorsque le règlement de copropriété ne prohibe pas expressément et nominativement un type d’activité. Mais il s’agit d’une liberté conditionnelle soumise au respect de la destination de l’immeuble et des droits des autres copropriétaires.

Mais qu’en est-il lorsque la destination de l’immeuble n’est pas expressément mentionnée dans le règlement de copropriété ?

En effet, lorsque la destination de l’immeuble n’est pas expressément contractualisée, elle ne constitue qu’une notion de fait, aussi relative que variable.

Or, une telle subjectivité de la notion peut être facteur d’insécurité juridique pour le copropriétaire. Comment peut-il être certain que la nouvelle activité envisagée sera conforme à la destination de l’immeuble ?

En réalité, l’appréciation de la destination de l’immeuble en copropriété et la conformité des changements d’usage relève de l’appréciation souveraine du juge.



2. La seconde difficulté réside dans la sauvegarde des droits des autres copropriétaires.

En effet, un changement d’usage, licite au regard de la destination de l’immeuble, peut être interdit parce qu’elle est de nature à entraîner des troubles anormales de voisinage et ainsi porter atteinte aux droits des autres copropriétaires. Ce sera le cas pour les activités génératrices de bruit, de vibrations ou d’odeurs gênantes. Sont dès lors particulièrement visés les bars, les restaurants, les cours de danse, de musique, les poissonneries…

La jurisprudence est constante en la matière ; même si le commerce incriminé n’est pas en lui-même contraire à la destination de l’immeuble, les troubles de voisinage que génère son activité doivent conduire le juge à prendre des mesures de nature à les faire cesser (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 29 février 2012, 10-28.618, Inédit).

3. La troisième difficulté qui peut se poser est de savoir si l’on doit solliciter ou non l’accord de l’assemblée générale.

Pour rappel, le copropriétaire n’a pas à solliciter un vote de l’assemblée :

• Si le changement d’affectation est autorisé par le règlement
(CA Paris 23e ch. A, 26 mars 2003, n°2002/16792, Sté CJC c/ Synd. copr. résid. Cagnes-Camargues)

OU

• Si le changement d’affectation ne porte atteinte ni à la destination de l’immeuble, ni aux droits des autres copropriétaires
(Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 20 janvier 2004, 02-17.120, Inédit)

Or, si le propriétaire le fait quand même, par précaution, il sera ensuite tenu par la décision de l’assemblée générale des copropriétaires, même si celle-ci lui est illégitimement défavorable.

L’adage selon lequel « le mieux est l’ennemi du bien » est ici circonstancié. En effet, le copropriétaire devra respecter la décision refusant le changement d’affectation de son lot, devenue définitive, quand bien même le refus essuyé serait injustifié au regard du règlement de copropriété ou porterait atteinte aux modalités de jouissance de ses parties privatives (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 octobre 2014, 13-20.585, Inédit ; Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 juin 2017, 16-16.566, Publié au bulletin).

Il n’est donc pas opportun de soumettre au vote de l’assemblée une autorisation qu’elle pourrait refuser à tort, obligeant alors le copropriétaire demandeur à un fastidieux parcours contentieux, en formant notamment un recours en nullité pour abus de majorité dans les conditions de l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965.

Or, une pareille action n’est pas sans risque pour le copropriétaire, puisque la preuve de l’abus lui incombe et ses critères de détermination sont strictement appréciés par la jurisprudence (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 17 décembre 2014, 13-25.134, Publié au bulletin).

En somme, le copropriétaire doit solliciter l’autorisation des autres copropriétaires lorsque :

• Le règlement de copropriété prévoie expressément que tout changement d’usage sera soumis à l’autorisation préalable de l’assemblée générale (une telle clause est licite si elle est justifiée au regard de la destination de l’immeuble (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 18 septembre 2013, 12-23.602, Inédit)).

• Le changement d’usage s’accompagne de travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble.


Sur ce dernier point, conformément à l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, l’assemblée générale n’a pas à se prononcer sur l’opportunité du changement d’usage qui relève de la liberté du copropriétaire. Elle devra uniquement vérifier que les travaux envisagés sont conformes à la destination de l’immeuble pour les autoriser.

Toutefois, il arrive en pratique que les copropriétaires consultés usent de leur pouvoir d’intervention afin de refuser les travaux pour indirectement s’opposer au changement d’usage.

Dans ce cas, le copropriétaire aura deux moyens d’action à sa disposition :

• Soit solliciter l’autorisation judiciaire de travaux sur le fondement de l’article 30 de la loi de 1965 ; action que la jurisprudence n’analyse pas comme une action en nullité et qui n’est donc pas soumise aux conditions de l’article 42 alinéa 2 notamment en matie?re de délai. L’action pourra être exercée pendant 10 ans à compter de la date de la résolution de refus ;

• Soit agir dans les conditions de l’article 42 alinéa 2 suscité en annulation de la résolution votée en assemblée générale sur le fondement de l’abus de majorité.
Toutefois, pour rappel, si le changement d’usage envisagé entraine un changement de destination de l’immeuble, les travaux nécessités par ce changement ne pourront être autorisés qu’à l’unanimité.