Statuant sur le fondement de l’article L.521-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administrative de limoges s’est prononcé sur les clôtures automatiques des demandes d’autorisation de travail introduites depuis la plateforme numérique dédiée. Avant de décider de suspendre l’exécution de la décision litigieuse, le juge des référés s’est prononcé sur la compétence du tribunal administratif. La question de la compétence va au-delà de la seule compétence de la juridiction mais elle concerne le problème d’identifier l’autorité administrative contre qui il faut contester. Toutefois, beaucoup des questions soulevées par le requérant ne sont pas traitées alors qu’il s’agissait d’une bonne occasion pour traiter ces questions notamment la non prise en compte du contentieux des autorisations de travail dans la circulaire du 1er avril 2021.

A. La question de la compétence pour les recours contre le contentieux des autorisations de travail déposées via la plateforme du ministère de l’intérieur

Dans un premier temps, il s’agissait pour le juge administratif de statuer sur sa compétence. En se fondant sur l’article L.312-10 du Code de justice administrative, le juge a retenu sa compétence qui correspond au lieu d’exécution du contrat de travail contrairement à ce que soutenait le préfet de l’Indre qui estimait que la juridiction compétente est celle de lieu de la demande de titre de séjour.

Par ailleurs, la question de l’autorité administrative défenderesse a été implicitement résolue. En effet, il ressort de la gestion de la plateforme, à première vue, que les contestations contre le contentieux des autorisations de travail doivent être dirigées contre le Ministre de l’intérieur. En effet, la demande est faite sur un site géré par les services du ministère de l’intérieur. Les correspondances sont également gérées par ces mêmes services. 

Ainsi, il peut être évident que les recours soient dirigés contre le Ministre de l’intérieur. 

Cependant, le nouvel article R.52221-17 du code du travail attribue la compétence pour la délivrance des autorisations de travail au préfet sans préciser davantage de quel préfet il s’agit. Toutefois, compte tenu des règles de compétences classiques, le préfet compétent est celui du département dans lequel l'établissement employeur a son siège ou le particulier employeur sa résidence. Par voie de conséquence, la juridiction compétente est celle du lieu du défendeur. C’est ce qui a été rappelé notamment par le juge des référés qui a rejeté la demande du préfet tendant à constater l’irrecevabilité de la requête du requérant au motif que la compétence serait attribuée au tribunal du lieu de résidence du demandeur.

Cette règle de compétence n’est pas facile à déterminer depuis la création de la plateforme de main d’½uvre étrangère (MOE). En effet, une des conséquences de cette réorganisation est que l'instruction des demandes d'autorisation de travail relève, non plus du service de MOE de la Direccte, service déconcentré du ministère du travail, mais de six plateformes interrégionales créées sous l'égide du ministère de l'intérieur. Une plateforme spécifique est dédiée à l'instruction des demandes pour les travailleurs saisonniers.

Il s’agit de :

  • Nanterre
  • Bobigny
  • Clermont-Ferrand
  • Béthune
  • Guyane
  • Avignon

La plateforme d’Avignon gère exclusivement les demandes d’autorisation de travail pour les travailleurs saisonniers.

Après la mise en place de ses plateformes, des Convention de délégation de gestion en matière de main d'½uvre étrangère (Plateformes MOE) entre les préfectures gestionnaires et non-gestionnaires de la plateforme.

Ces conventions ont entrainé un chamboulement qui est venu se rajouter sur les difficultés liées à la détermination de l’autorité défenderesse dans le nouveau contentieux des autorisations de travail.

 

B. Le rappel de la condition classique d’urgence en matière de référé

L’ordonnance du juge des référés a dans un premier temps caractérisé l’urgence pour le requérant d’obtenir la suspension de l’autorité administrative sans attendre le jugement sur le fond.

Le juge a, dans un premier temps, rappelé la jurisprudence classique relative à l’urgence qui remplit « lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. »

En l’espèce, le juge a constaté la situation de précarité dans laquelle se trouvait le demandeur à la suite du refus de délivrance de l’autorisation de travail. En effet, l’employeur du demandeur avait suspendu son contrat de travail, sa seule source de revenus. Le juge a également soulevé l’encapacité de demandeur de s’acquitter de son loyer du fait de la décision de refus de délivrance d’une autorisation de travail qui l’empêche de poursuivre son contrat de travail.

Il en découle, que l’étranger qui se voit refuser une autorisation de travail et qui souhaite saisir le juge des référés peut, en cas de perte d’emploi ou de suspension de son contrat, invoquer la précarité dans laquelle il risque de se trouver à cause de ce refus. Il faudra toutefois, justifier que la privation de l’emploi à cause de du refus d’autorisation de travail entraine un appauvrissement. Dans tous les cas, l’urgence doit être caractérisée.

 

C. Le rappel de l’obligation d’instruire les demandes d’autorisation de travail complètes

En troisième lieu, le juge des référés a rappelé que l’administration est tenue d’instruire les demandes d’autorisation de travail complètes sauf si elles présentent un caractère abusif ou dilatoire.

L’employeur du demandeur avait reçu plusieurs demandes de complément de dossier, auxquelles il avait répondu. 

L’accès à la plateforme après le dépôt du dossier est très restreint : Une fois le dossier déposé, seuls les services du ministère de l’Intérieur peuvent en autoriser l’accès à l’occasion d’une demande de complément de dossier, d’autre part, il n’est pas possible d’ajouter des pièces complémentaires dans la demande : Seules les pièces demandées sont enregistrées.

Il est donc impératif d’avoir immédiatement toutes les pièces nécessaires au dépôt de la demande, à défaut de quoi, la demande ne sera plus accessible par la suite pour déposer le reste du dossier. 

Par ailleurs, lorsqu’une demande de complément de dossier est adressée à l’employeur, ce dernier a seulement 14 jours pour envoyer le complément demandé, à défaut de quoi la demande sera clôturée.

Toutefois, l’administration ne peut invoquer l’absence de diligences pendant un mois pour constater la clôture automatique d’une demande d’autorisation de travail dans la mesure où l’administré ne peut plus avoir accès à son dossier après soumission.

  

Commentaire rédigé par M. NGOM pour le Cabinet TSARANAZY