La loi 3DS allonge la durée de l'expérience d'encadrement, élargit le champ de la compétence de la commission départementale de conciliation (CDC) et règle le cas des loyers des colocations à baux multiples.

 

La loi 3DS du 21 février 2022 apporte quelques retouches à l’encadrement des loyers mis en place à l’article 140 de la loi ELAN (L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 140, mod. par L. n° 2022-217, 21 févr. 2022, art. 85) notamment afin de permettre son plein déploiement dans les zones concernées et de pouvoir mieux analyser ses effets sur le marché.
 
La loi ELAN du 23 novembre 2018 a réformé le dispositif d’encadrement des loyers qui avait été initialement mis en place par la loi ALUR du 24 mars 2014. Dans sa version ELAN, le dispositif est expérimental et n’est appliqué que dans les zones où et marché locatif est tendu, à condition que  soit validée la candidature qui pouvait être déposée par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière d'habitat, la commune de Paris, les établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, la métropole de Lyon et la métropole d'Aix-Marseille-Provence.
 
Actuellement, l’encadrement des loyers a été mis en place sur les territoires suivants :

- Paris, depuis le 1er juillet 2019 (en application de l’arrêté préfectoral du 28 mai 2019) ;
- Lille, Hellemmes et Lomme depuis le 1er mars 2020 (en application de l’arrêté préfectoral du 30 janvier 2020) ;
- Aubervilliers, La Courneuve, Épinay-sur-Seine, L’Île-Saint-Denis, Pierrefitte-sur-Seine, Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine, Stains et Villetaneuse (EPCI « Plaine commune », en Seine?Saint?Denis, depuis le 1er juin 2021 (en application de l’arrêté préfectoral du 1er avril 2021) ;
- Lyon et Villeurbanne depuis le 1er novembre 2021 (en application de l’arrêté préfectoral du 29 septembre 2021) ;
- Bagnolet, Bobigny, Bondy, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin, Romainville (EPCI « Est ensemble », en Seine-Saint-Denis) depuis le 1er décembre 2021 (en application de l’arrêté préfectoral du 3 novembre 2021) ;
- Montpellier, à compter du 1er juillet 2022 (D. n° 2021-1144 du 2 septembre 2021) ;
- Bordeaux, à partir de 2022 (D. n° 2021-1145 du 2 septembre 2021).

3 ans de plus pour expérimenter l'encadrement des loyers, 2 ans de plus pour déposer une candidature
La durée initiale de l’expérimentation était de 5 ans et devait prendre fin le 24 novembre 2023. Cependant, compte tenu des délais nécessaires pour que les plafonds de loyer puissent être respectés par les contrats de location (candidature, approbation du périmètre par décret, transmission des loyers par un OLL agréé, fixation des loyers de référence et période COVID), le législateur a choisi de l’allonger de 3 ans, reportant sa date d’expiration au 24 novembre 2026.
 
Deux années de plus sont laissées aux collectivités qui le peuvent (v. ci-dessus) pour déposer une candidature leur permettant d’appliquer l’encadrement des loyers. Alors qu’elles n’avaient que jusqu’au 24 novembre 2020, les difficultés dues à la crise sanitaire pour le renouvellement des conseils municipaux et la volonté d’expérimenter le plus largement possible le procédé justifient le report de la date butoir au 24 novembre 2022.
 
L’étude d’impact de la loi 3DS relève que les premiers effets opérationnels n’ont pu être observés avant 2021, date d’entrée en vigueur des premiers arrêtés de fixation des loyers de référence.
 
Ces prolongations laisseront du temps au gouvernement pour observer et évaluer l’effet des mesures sur le marché. Le rapport gouvernemental devra être remis au Parlement au plus tard le 24 mai 2026 (au lieu du 24 mai 2023).
Un même plafond pour les baux uniques ou les colocations à baux multiples.
 
Dans sa version ALUR, l’article 8-1 de la loi du 6 juillet 1989 consacré à la colocation à baux multiple a pris soin d’indiquer que montant de la somme des loyers perçus de l'ensemble des colocataires ne peut être supérieur au montant du loyer applicable au logement dans le cadre d’un bail unique, y compris lorsque l’encadrement des loyers s’appliquait.
 
Le changement de fondement législatif de l’encadrement des loyers par la loi ELAN n’a pas été retranscrit dans l’article 8-1 (art. 17 de loi de 1989 sous l’empire de la loi ALUR, article 140 de la loi ELAN ensuite). Cette lacune pouvait permettre à des bailleurs trop gourmands de consentir des colocations à baux multiples pour des loyers « dont la somme excéderait le loyer de référence majoré » (Étude d’impact ; Rapp. AN, 4721). La nouvelle rédaction de l'article 140 par la loi 3DS prévoit, de façon générale, qu'en cas de colocation le montant de la somme des loyers perçus de l'ensemble des colocataires ne peut être supérieur au montant du loyer applicable en application de l'encadrement des loyers.
 

Compétence de la CDC pour l’action en diminution du loyer lors de la mise en location 

Les commissions départementales de conciliation (CDC) comprennent des représentants des bailleurs et des locataires en nombre égal. Elles ont pour objet d’amener bailleurs et locataires à trouver une solution amiable pour les litiges que la loi soumet à sa compétence. L’article 20 de loi du 6 juillet 1989 leur permet par exemple d’être saisies sur des litiges portant sur la décence du logement, le loyer, le dépôt de garantie, les congés, etc.
 
A l’époque de la loi ALUR, les articles visés par l’article 20 étaient notamment ceux consacrés à l’encadrement des loyers. Le transfert de ce mécanisme hors de la loi de 1989 l’a fait échapper à la compétence des CDC.
 
L’article 140 de la loi ELAN a toutefois prévu le rôle des CDC en matière d’encadrement des loyers mais de façon moins générale. La commission doit être saisie par le locataire qui conteste le montant du complément de loyer (s’il a été choisi d’en pratiquer un) (L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 140, III, B). Elle peut également être sollicitée, à l’occasion du renouvellement du bail, pour une réévaluation ou une diminution du loyer (L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 140, VI).
 
La loi 3DS rend les CDC compétentes pour connaître de l’action en diminution du loyer qui peut être engagée par le preneur lors de la mise en location du logement (L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 140, III, A, mod. par L. n° 2022-217, 21 févr. 2022, art. 85, 3°, a).
 
L’article 25-11 de la loi du 6 juillet 1989 relatif à la compétence de les CDC pour les locations en meublé à usage de résidence principale par sa formulation générale, quasiment sans référence textuelle, permettait déjà la saisine des CDC dans une telle situation.
 
Locations vides et locations meublées sont ainsi soumises au même régime sur ce point.
 

Délégation du pouvoir de sanctionner les infractions à l'encadrement des loyers 

Pour permettre aux collectivités ayant choisi de mettre en place l’encadrement des loyers sur leur territoire d’aller jusqu’au bout de sa mise en ½uvre, la loi 3DS leur permet d’obtenir une délégation du pouvoir de sanctionner les infractions au dispositif que pourraient contenir les baux conclus (L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 140, VII, in fine, créé par L. n° 2022-217, 21 févr. 2022, art. 85, 4°).
 
Sur délégation du représentant de l’État, les présidents des EPCI compétents en matière d’habitat, le maire de Paris, les présidents des établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris, le président de la métropole de Lyon ou le président de la métropole d’Aix-Marseille-Provence pourront faire respecter l’application du loyer de référence.
L’arrêté de délégation précisera ses modalités et sa durée. Le représentant de l’État dans le département pourra mettre fin de sa propre initiative ou à la demande des bénéficiaires.
 
Les collectivités délégataires, informé d’une infraction, pourront donc mettre en demeure le bailleur de mettre le contrat en conformité et de procéder à la restitution des loyers trop-perçus. Si la mise en demeure reste infructueuse, elles pourront prononcer une amende dont le montant ne pourra excéder 5 000 ¤ pour une personne physique et 15 000 ¤ pour une personne morale (L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, art. 140, VII, al. 2).