💡Définition de l’indivision : l’indivision relève de la situation juridique où, un bien mobilier ou immobilier appartient à plusieurs propriétaires. Chaque indivisaire a les mêmes droits sur le bien, que tous les autres, ce qui implique que chaque indivisaire peut prétendre à la propriété de la totalité du bien, et ce, quant à l’exercice de ses prérogatives de propriétaire.

📌 Exemple : dans une indivision composée de deux indivisaires, chaque indivisaire peut prétendre à la propriété de la totalité du bien en indivision et ainsi exercer ses droits de propriété sur la totalité du bien, même si au jour du partage, sauf exception, le bien sera partagé en deux, soit la moitié pour chaque indivisaire.

Les décisions dans le cadre d’une indivision légale doivent être prises à l’unanimité des indivisaires, sauf exceptions et cela constituera le sens de la note ci-après.

Cette note traitant de l’indivision légale, va nous permettre, dans un premier temps, de définir les conditions permettant la mise en place de l’indivision légale et, dans un second temps, d’examiner le régime des décisions prises au sein de l’indivision légale.

Conditions de la mise en place d’une indivision

A la différence de « l’indivision conventionnelle » qui résulte d’un choix, marqué par un processus contractuel entre les futurs indivisaires, l’indivision légale se met en place obligatoirement par la seule volonté de la loi, lorsque certains critères légaux sont remplis, et ce, indépendamment de la volonté des indivisaires, qui ne sont pas consultés et à qui nul accord n’est demandé.

L’indivision légale relève donc d’un régime qui se met en place automatiquement et obligatoirement, lorsqu’il existe une situation de fait, où plusieurs personnes se retrouvent propriétaires du même bien, sans qu’il soit possible d’individualiser les droits des différents propriétaires au sein dudit bien.

L’indivision légale s’applique à deux situations :

  • le décès d’une personne que l’on nomme le DE CUJUS, qui implique l’ouverture de sa succession. En cas de décès d’une personne, les héritiers deviennent en effet propriétaires indivisaires de l’ensemble du patrimoine du DE CUJUS, en vertu d’une indivision légale, et ce, jusqu’à ce que le partage de la succession soit opéré ;
  • la liquidation du régime matrimonial, ce qui correspond au prononcé du divorce d’un couple, où au jour du divorce qui est devenu définitif, chaque ex époux devient propriétaire indivisaire de l’ensemble des biens ayant constitué la communauté.
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Il est à noter que dans les deux cas, soit en cas de « succession » ou de « liquidation du régime matrimonial », plusieurs personnes, et donc au moins deux, vont devenir propriétaires du même bien et seront donc indivisaires, sans qu’ils aient eu à accomplir la moindre démarche juridique.

Le régime de l’indivision légale est donc un régime « d’urgence », qui permet de faire rattacher automatiquement et sans démarche préalable, les droits de propriété à au moins deux propriétaires, et ce, jusqu’à ce que ladite propriété soit partagée entre les indivisaires.

L’indivision légale, ainsi qu’il a été indiqué relève d’un régime d’urgence, qui par un mécanisme juridique instantané, et indépendant de la volonté des indivisaires va faire rattacher la propriété d’un bien ou d’un ensemble de biens d’une personne ou d’une communauté à au moins deux autres.

Ainsi,

  • avant le divorce d’un couple, un ensemble de biens faisaient partie intégrantes de la communauté ;
  • au jour du divorce, les deux ex membres de la communauté seront propriétaires indivisaires des biens ayant constitué la communauté, et le tout, sans aucune formalité juridique et encore moins expression de volonté (sauf la volonté de divorcer).  

Ainsi,

  • avant le décès d’une personne, un ensemble de biens faisait partie de son patrimoine ;
  • à son décès les biens ayant fait partie du patrimoine du DE CUJUS seront transmis à ses héritiers qui deviendront propriétaires indivisaires, sous la réserve que lesdits héritiers acceptent la succession.

📌 Nota : voilà le sens de l’indivision légale, à savoir, gérer une situation transitoire, qui n’a nullement été voulue par les parties, et ce, afin d’éviter une rupture dans les droits de propriété relatifs à un bien donné.  

L’indivision légale est un régime précaire, ce qui ressort de l’Article 815 du Code Civil (1) : "Nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu'il n'y ait été sursis par jugement ou convention".

L’article 815 du Code Civil répond à l’objectif de l’indivision légale, à savoir un régime d’urgence, transitoire qui n’a pas vocation à durer dans le temps.

Dans une indivision légale, qui rappelons une nouvelle fois le concept, chaque indivisaire est propriétaire de la totalité du bien et dispose de ce fait des mêmes droits sur le bien, en concurrence avec les autres indivisaires, ce qui a pour conséquence, que toutes les décisions dans une indivision doivent être prises à l’unanimité.

Néanmoins, le Code Civil est venu aménager la règle de l’unanimité, afin de tenir compte d’une particularité, à savoir, que le régime de l’indivision légale, censé ne durer que le temps du partage, a parfois tendance à durer dans le temps.

Régime des décisions prises par les indivisaires au sein de l’indivision légale

Le régime de l’indivision légale, s’agissant des prises de décisions des indivisaires prévoit en réalité deux situations :

  • soit, mise en place d’une convention de gestion entre les indivisaires ;
  • soit, l’absence de convention de gestion entre les indivisaires, et application des majorités organisées par le Code Civil, en fonction de l’importance de la décision à prendre, soit les actes conservatoires, les actes de gestion et les actes de disposition.

Mise en place d’une convention de gestion entre les indivisaires

Les indivisaires peuvent conclure une convention de gestion Article 815-1 du Code Civil (2) : "Les indivisaires peuvent passer des conventions relatives à l'exercice de leurs droits indivis, conformément aux articles 1873-1 à 1873-18 du Code Civil".

L’article 815-1 du Code Civil permet l’aménagement conventionnel dans une indivision légale, d’un régime de gestion des biens, basé sur l’existence d’un contrat négocié entre les indivisaires, et où, il sera organisé sur une période déterminée ou indéterminée le mode de gestion desdits biens.

L’article 815-1 permet donc aux indivisaires, au titre d’une indivision légale d’organiser par le biais d’un contrat, la gestion des biens indivis. Le contrat ainsi décrit est librement aménagé entre les parties, au travers de leurs volontés, la loi leur laissant une large marge de manoeuvre. L’article 815-1 du Code Civil permet en réalité d’aménager une indivision conventionnelle à partir d’une indivision légale.

Absence de convention de gestion entre les indivisaires

Les actes conservatoires

Les actes conservatoires peuvent être passés par un seul indivisaire Article 815-2 (3) : "Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis même si elles ne présentent pas un caractère d'urgence.

Il peut employer à cet effet les fonds de l'indivision détenus par lui et il est réputé en avoir la libre disposition à l'égard des tiers.

A défaut de fonds de l'indivision, il peut obliger ses coïndivisaires à faire avec lui les dépenses nécessaires.

Lorsque des biens indivis sont grevés d'un usufruit, ces pouvoirs sont opposables à l'usufruitier dans la mesure où celui-ci est tenu des réparations".

L’article 815-2 donne pouvoir à un seul des indivisaires afin de prendre une décision concernant l’indivision, sans que les autres indivisaires aient besoin de donner leur accord, mais cela ne concerne que les actes conservatoires.

Il est rappelé qu’un acte conservatoire a pour but d’éviter la perte du bien et donc sa disparition, ce qui explique que pouvoir est donné à un seul indivisaire de prendre une décision seule, dans un tel cas de figure.

Les actes conservatoires par essence, qui peuvent être pris par un seul indivisaire concernent l’assurance du bien (immeuble ou véhicule) et toutes les réparations d’urgence du bien, soit les réparations qui ne peuvent attendre, sans quoi l’existence même du bien serait menacée, mais également :

- la demande de liquidation d’une astreinte (4),

- délivrer un commandement de quitter les lieux dans le cadre d’une procédure d’expulsion (5),

- délivrer un commandement visant la clause résolutoire dans un bail commercial (6),

- action en revendication de la propriété indivise (7),

- action en expulsion d’un tiers se prétendant propriétaire du bien indivis (8), 

et d’une manière générale, tous les actes urgents de procédure et dont l’objectif est de préserver les droits de l’indivision.

Les actes d’administration

Les actes d’administration doivent recueillir une majorité des 2/3  Article 815-3 (9) : "Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité :

1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ;

2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ;

3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ;

4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal.

Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers (...)."

L’article 815-3 donne pouvoir à un collectif d’indivisaires composant les 2/3 de l’indivision, afin de prendre une décision concernant l’indivision, sans que tous les autres indivisaires à l’unanimité aient besoin de donner leur accord, mais cela ne concerne que les actes d’administration.

Il est rappelé qu’un acte d’administration ou de gestion permet de gérer le bien, dans sa gestion courante, afin de le valoriser dans sa configuration économique d’origine.

Les actes d’administration par essence, qui peuvent être pris par plusieurs indivisaires constituant la majorité des 2/3 de l’indivision concernent tous les travaux courants du bien, à l’exception des travaux de structure qui peuvent être considérés comme des actes de disposition, la conclusion ou le renouvellement de baux à usage d’habitation ou à usage professionnel et toutes les actions judiciaires relatives aux baux dans son ensemble, qui ont pour objet l’action en résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers, en recouvrement de loyers, en cessation des manquements du locataire.

Les actes de disposition

Les actes de dispositions obligent à l’unanimité Article 815-3 : " (...) Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°.

Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux".

L’article 815-3 impose l’unanimité des indivisaires, afin de prendre une décision relative à un acte de disposition.

Il est rappelé qu’un acte de disposition, qui constitue un acte important sur le plan juridique permet de faire rentrer ou sortir un bien d’un patrimoine, ce qui traduit un acte translatif de propriété.

Les actes de disposition par essence, qui impliquent l’unanimité concernent l’achat ou la vente du bien indivis, sauf les meubles lorsqu’il s’agit de payer les dettes de l’indivision, la conclusion ou le renouvellement de baux commerciaux et ruraux, les gros travaux portant sur la structure du bien, la constitution d’une hypothèque sur le bien indivis.

Conclusion

En l’absence de convention de gestion intervenue entre les indivisaires, les décisions sont prises au sein de l’indivision légale à raison de :

  • par un seul indivisaire pour les actes dits « conservatoires » ;
  • à la majorité des 2/3 des indivisaires pour les actes d’administration ou de gestion ;
  • à l’unanimité des indivisaires pour les actes de disposition.

Références :

(1) Article 815 du Code civil
(2) Article 815-1 du Code civil
(3) Article 815-2 du Code civil
(4) Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 28 mai 2020, n° 19-14156
(5) Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 novembre 2017, n° 16-23173
(6) Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 9 juillet 2014, n° 13-21463
(7) Civ. 3e, 24 octobre 2019, F-P+B+I, n° 18-20068
(8) Cour de cassation, civile 3, 17 avril 1991, n° 89-15898
(9) Article 815-3 du Code civil