💡 Définition d'une procédure collective : une procédure collective est « une procédure judiciaire », qui permet « le traitement curatif » des difficultés d’une entreprise, qui compromettent sa continuité et par là même, dont la survie est menacée.

Il existe trois procédures collectives, prises dans l’ordre de gravité des difficultés d’une entreprise :

  1. la procédure de sauvegarde ;
  2. la procédure de redressement judiciaire ;
  3. la procédure de liquidation judiciaire.

Il est précisé que le Code de commerce utilise le terme de « débiteur » s’agissant d’une entreprise en procédure collective.

Cette note sera articulée autour, d’une part, des conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde, d’autre part, du formalisme de la saisine du Tribunal et enfin, de la procédure devant le Tribunal

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Les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde

Principe de la procédure de sauvegarde

La procédure de sauvegarde est une procédure judiciaire :

  • qui permet le traitement curatif d’une entreprise ;
  • qui n’est pas en cessation des paiements ;
  • et dont l’objectif est la poursuite de l’activité de l’entreprise.

📌 Nota : la procédure de sauvegarde est basée sur l’accord du chef d’entreprise.

Règlementation applicable à la procédure de sauvegarde : articles L620-1 à L628-8 du Code de commerce et articles R600-1 à R695-4 du Code de commerce

Conditions économiques d’ouverture de la procédure de sauvegarde

Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte (1) :

  • sur demande d'un débiteur mentionné à l'article L620-2 du Code de commerce qui, (la procédure de sauvegarde n’est ouverte, que si l’entreprise le demande, on ne peut l’y placer de force)
  • sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter (à partir du moment où l’entreprise n’est pas en cessation des paiements, n’importe quelle difficulté peut justifier la sauvegarde, pour autant qu’elle n’arrive pas à les surmonter).  

Bénéficiaires de la procédure de sauvegarde

La procédure de sauvegarde est applicable à (2) :

  • toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale (les commerçants et les artisans) ;
  • à tout agriculteur, (également les pêcheurs professionnels) ;
  • à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (cela concerne essentiellement les professions dites libérales) ;
  • ainsi qu'à toute personne morale de droit privé (toutes les associations et les sociétés, qu’elles soient civiles ou commerciales).

Compétence d’attribution du tribunal

Le Tribunal compétent est le tribunal de commerce si le débiteur exerce une activité commerciale ou artisanale et également pour les sociétés commerciales. Le tribunal judiciaire est compétent dans les autres cas, soit pour les agriculteurs et assimilés, les professions dites « libérales », les associations et les sociétés civiles (3).

💡 Définition de la compétence d’attribution du tribunal : la compétence d’attribution va permettre de savoir quel tribunal (de commerce ou judiciaire) sera compétent afin de juger une affaire.

📌 Nota : dans les deux départements d’Alsace et celui de la Moselle, il n’y a pas de Tribunal de commerce, le Tribunal judiciaire, pris en sa chambre commerciale fait fonction de Tribunal de commerce. La procédure est identique devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire, que devant le Tribunal de commerce.

Compétence territoriale du tribunal

Le tribunal territorialement compétent pour connaître de la procédure de sauvegarde est celui dans le ressort duquel le débiteur, personne morale, a son siège ou le débiteur, personne physique, a déclaré l'adresse de son entreprise ou de son activité. A défaut de siège en territoire français, le tribunal compétent est celui dans le ressort duquel le débiteur a le centre principal de ses intérêts en France (4).

Toutefois, en cas de changement de siège de la personne morale dans les six mois ayant précédé la saisine du tribunal, le tribunal dans le ressort duquel se trouvait le siège initial demeure seul compétent. Ce délai court à compter de l'inscription modificative au registre du commerce et des sociétés du siège initial.

📌 Nota : le tribunal compétent est le tribunal du lieu du siège social du débiteur sollicitant l’ouverture de la procédure de sauvegarde.

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Formalisme de la saisine du tribunal

Le tribunal est saisi par voie de requête (5).

💡 Définition d’une requête : la requête est le document écrit déposé ou adressé au tribunal permettant sa saisine.

Auteur de la demande et destinataire de la requête

La demande d'ouverture de la procédure de sauvegarde est déposée par le représentant légal de la personne morale ou par le débiteur personne physique au greffe du tribunal compétent.

📌 Nota : la requête peut être rédigée par un avocat, mais elle doit en outre, être signée par le représentant légal de l’entreprise personne physique ou morale demandant l’ouverture de la procédure de sauvegarde. La requête est par la suite déposée ou adressée par voie postale au greffe du tribunal compétent.

Contenu de la demande

Le chef d’entreprise rédige ou fait rédiger par son conseil « une requête » qui expose :

  • la nature des difficultés qu'il rencontre et
  • les raisons pour lesquelles il n'est pas en mesure de les surmonter.

Attention : les difficultés de l’entreprise ne peuvent conduire à la placer en état de cessation des paiements, ce qui exclurait la possibilité de l’ouverture de la procédure de sauvegarde.

Inventaire des biens de l’entreprise

La requête précise si le chef d’entreprise s'engage à établir l'inventaire des biens de l’entreprise, ainsi que le délai nécessaire à l'établissement de celui-ci ou s'il demande la désignation par le tribunal d'une personne chargée de réaliser l'inventaire, soit un commissaire de justice.

📌 Nota : lorsque la procédure de sauvegarde est ouverte, plusieurs formalités doivent être accomplies rapidement après l’ouverture de la procédure collective et notamment la réalisation d’un inventaire des biens de l’entreprise, qui est réalisé par le chef d’entreprise s’il le souhaite ou à défaut par un commissaire de justice désigné par le tribunal.

Documents qui doivent être joints à l’appui de la requête

A cette demande sont jointes (outre les comptes annuels du dernier exercice, en général les tribunaux exigent la présentation du bilan et compte de résultat sur les trois derniers exercices) les pièces ci-après :

  • le numéro unique d'identification (un extrait K Bis et ou du Registre national des entreprises d’une durée de validité en principe de moins de 8 jours) ;
  • une situation de trésorerie (extraits bancaires de l’entreprise sur plusieurs mois qui vont permettre au tribunal d’apprécier le fonctionnement du ou des comptes bancaires de l’entreprise, tant s’agissant des entrées, que des sorties) ;
  • un compte de résultat prévisionnel (le compte de résultat prévisionnel va permettre de savoir le niveau de résultat escompté de l’entreprise à la fin de l’exercice en cours) ;
  • le nombre des salariés employés à la date de la demande et le montant du chiffre d'affaires ;
  • l'état chiffré des créances (la liste de ce qui est dû à l’entreprise et cela constitue les créances clients) et des dettes (la liste de ce que doit l’entreprise et cela constitue le passif de l’entreprise) avec l'indication selon le cas, du nom ou de la dénomination et du domicile ou siège des créanciers ainsi que, par créancier ou débiteur ;
  • l'état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan (la liste des garanties données par l’entreprise à ses créanciers, gage, nantissement, hypothèque et cela permet de mesurer le degré de confiance de l’entreprise en difficultés au regard de ses créanciers) ;
  • l'inventaire sommaire des biens du débiteur (l’entreprise doit chiffrer ce qui lui appartient, soit le stock, le matériel et l’outillage) ;
  • le nom et l'adresse des représentants de la délégation du personnel du Comité Social et Economique (CSE) habilités à être entendus par le tribunal s'ils ont déjà été désignés (si l’entreprise dispose d’un CSE ou d’une représentation du personnel, un des membres du CSE ou des représentants du personnel sera obligatoirement convoqué lors de l’audience d’ouverture de la procédure de sauvegarde).

📌 Nota : l’ensemble des documents demandés va permettre au tribunal de connaître l’état des difficultés de l’entreprise et notamment si l’entreprise n’est pas déjà en cessation des paiements, ce qui exclurait la possibilité d’ouvrir la procédure de sauvegarde.

La procédure devant le Tribunal

Procédure d’ouverture de la procédure

Le tribunal statue sur l'ouverture de la procédure, après avoir entendu ou dûment appelé « en chambre du conseil » (6) :

  • le débiteur (le représentant légal de l’entreprise personne physique ou morale) et
  • les représentants du CSE ou de la délégation du personnel s’il y en a.

💡 Définition « chambre du conseil » : lorsque le tribunal statue en chambre du conseil, cela implique que les débats dans le tribunal ne sont pas publics, seules les parties concernées par l’affaire peuvent rester dans la salle d’audience.

Le tribunal peut rendre 3 décisions possibles 

1. Le tribunal rejette la demande en estimant que l’entreprise est déjà en cessation des paiements ou alors qu’elle n’a pas de problème (ce qui est assez rare).

📌 Nota : à ce stade de la procédure, le tribunal ne peut convertir la requête en ouverture de sauvegarde en une autre procédure, telle le redressement ou la liquidation judiciaire. Dès lors, soit les conditions de l’ouverture de la procédure de sauvegarde sont réunies, et la procédure de sauvegarde sera ouverte, soit elles ne le sont pas, l’entreprise se trouvant déjà en cessation des paiements et la requête en sauvegarde sera rejetée.

2. Le tribunal ouvre une procédure de sauvegarde

3. Le tribunal a un doute quant à la situation de l’entreprise et va ordonner une mission de juge enquêteur.

Possibilité de commettre un juge enquêteur avant de rendre une décision

Le tribunal peut, avant de statuer définitivement, commettre un juge pour recueillir tous renseignements sur la situation financière, économique et sociale de l'entreprise.

Le juge enquêteur peut se faire assister de tout expert de son choix, qui est en général un mandataire judiciaire ou un administrateur judiciaire.

Nomination du juge enquêteur

Le juge enquêteur est un des juges de la composition du tribunal qui a examiné la demande de sauvegarde de l’entreprise.

Mission du juge enquêteur

Le juge enquêteur assisté d’un expert (souvent un mandataire judiciaire) a pour mission de déterminer la nature et l’étendue exacte des difficultés de l’entreprise et notamment vérifier que celle-ci n’est pas déjà en état de cessation des paiements. Le juge enquêteur assisté de l’expert va pouvoir convoquer le chef d’entreprise à son cabinet, se rendre au siège de l’entreprise, interroger l’expert comptable ou le commissaire aux comptes, interroger le CSE, la banque, les administrations ou les commissaires de justice territorialement compétents. 

Rapport du Juge enquêteur

Une fois la mission du juge enquêteur, assisté de l’expert, terminée, un rapport d’enquête est rendu, de manière à ce que le tribunal puisse être éclairé sur la situation de l’entreprise qui a formé une demande de procédure de sauvegarde (7).

Décisions du tribunal à l’issue de la procédure de juge enquêteur

Deux solutions possibles :

  • le tribunal rejette la demande en estimant que l’entreprise est déjà en cessation de paiement ou alors qu’elle n’a pas de problème (ce qui est assez rare) ;
  • le tribunal ouvre une procédure de sauvegarde.
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Conclusion :

La procédure de sauvegarde relève du premier degré des procédures collectives, elle est dite « incitative », en ce que l’entreprise ne sera placée en sauvegarde, que si elle le demande, encore convient-il qu’elle ne se trouve pas déjà en cessation des paiements, ce qui constitue le point d’ancrage de la procédure de sauvegarde.

📌 Nota : la procédure conduisant la mise en redressement ou liquidation judiciaire d’une entreprise est sensiblement identique à la procédure permettant l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, si ce n’est que, s’agissant d’une procédure de redressement ou liquidation judiciaire, l’entreprise se trouve en cessation des paiements.

Références :

(1) Article L620-1 du Code de commerce définissant les conditions d’ouverture de la procédure de sauvegarde
(2) Article L620-2 du Code de commerce définissant les bénéficiaires de la procédure de sauvegarde
(3) Article L621-2 du Code de commerce définissant la compétence d’attribution du Tribunal afin d’ouvrir la procédure de sauvegarde
(4) Article R600-1 du Code de commerce définissant la compétence territoriale du Tribunal afin d’ouvrir la procédure de sauvegarde
(5) Article R621-1 du Code de commerce définissant le formalisme de la requête permettant la saisine du Tribunal afin d’ouvrir la procédure de sauvegarde
(6) Article L621-1 du Code de commerce définissant la procédure devant le Tribunal afin d’ouvrir la procédure de sauvegarde
(7) Article R621-3 du Code de commerce traitant du rapport du Juge Enquêteur en cas de désignation par le Tribunal d’un Juge Enquêteur