La procédure de sauvegarde, tout comme la procédure de redressement judiciaire prévoient des outils juridiques qui vont :
- figer la dette de l’entreprise en difficultés ;
- paralyser l’action des créanciers de l’entreprise en difficultés ;
- permettre de résilier les contrats en cours dont l’entreprise en difficultés n’a plus besoin.
L’ensemble de ces mesures permettent le traitement curatif de l’entreprise et s’appliquent durant la période d’observation d’une durée de six mois, renouvelable une fois, soit au total douze mois (1).
📌 Il sera précisé que les outils juridiques permettant le traitement curatif de l’entreprise en sauvegarde sont les mêmes, que ceux prévus pour la procédure de redressement judiciaire.
Il est précisé que le Code de commerce utilise le terme de « débiteur » s’agissant d’une entreprise en procédure collective.
La note sera donc articulée, autour des outils juridiques, qui président au traitement curatif de l’entreprise en difficultés, soit en premier lieu, ceux qui figent la dette de l’entreprise, puis dans un second temps, ceux qui paralysent l’action des créanciers de l’entreprise, et enfin, ceux qui vont permettre de résilier les contrats en cours dont l’entreprise n’a plus besoin.
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Outils juridiques qui permettent de figer la dette de l’entreprise en difficultés
💡Synthèse : Durant toute la période d’observation, l’entreprise en procédure collective a interdiction de payer toutes les dettes nées antérieurement au jugement d’ouverture et pour les dettes nées postérieurement, elles ne paient que celles, dont elle est à l’origine et qui présentent un intérêt pour l’entreprise (créances bénéficiant du privilège de paiement), et cela permet de figer la dette qui « gangrenait » l’entreprise en difficultés avant le jugement d’ouverture.
L’article L622-7 du Code de commerce dispose en effet que (2) : deux types de dettes sont interdites de paiement :
- interdiction de payer une dette antérieure : le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes.
📌 Définition du paiement par compensation : la compensation est un mode de règlement entre deux personnes, qui ont entre elles des créances et des dettes réciproques. La compensation consistera à imputer la dette de l’une des parties sur la créance de l’autre partie et inversement, ce qui permet d’éteindre totalement les deux dettes, ou à tout le moins de les réduire.
📌 Définition des créances connexes : les créances connexes sont des créances issues d’un même lien de droit, comme par exemple le même contrat.
- interdiction de payer une dette postérieure, sauf si elle bénéficie du privilège de paiement : le jugement emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, sauf si elles bénéficient du privilège de paiement.
📌 Définition d’une créance postérieure bénéficiant du privilège de paiement (3) :
- une créance postérieure au jugement ;
- née régulièrement (dans le respect des pouvoirs entre le chef d’entreprise et l’administrateur judiciaire ;
- pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur.
Nota : ces interdictions de paiement ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires.
💰 Sanction liée à un paiement d’une dette antérieure ou postérieure ne bénéficiant pas du privilège de paiement : tout paiement passé en violation de cette interdiction est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter du paiement interdit. Concrètement, un paiement interdit qui est annulé oblige le créancier à rembourser, ce qu’il n’aurait jamais dû percevoir.
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Outils juridiques qui paralysent l’action des créanciers de l’entreprise en difficulté
💡 Synthèse : À compter du jugement d’ouverture, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture ou est née postérieurement, mais où l’entreprise en difficulté n’est pas à l’origine et ne présente pas un intérêt pour l’entreprise, ne peuvent pas :
- intenter une action judiciaire afin de recouvrer cette créance ;
- ne peuvent plus intenter de mesures d’exécution forcée et cela concerne les créanciers disposant déjà d’un titre exécutoire contre l’entreprise ;
- ne peuvent plus prendre des inscriptions contre l’entreprise ;
- la dette ne produit plus intérêts, pénalités et majorations ;
- et cela permet de paralyser l’action des créanciers durant la période d’observation.
Interdiction des actions judiciaires pour défaut de paiement
L’article L622-21 du Code de commerce dispose (4) : le jugement d'ouverture interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance est, soit antérieure au jugement, soit postérieure et ne bénéficiant pas du privilège de paiement et tendant :
- à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
- à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
📌 Définition résolution de contrat : la résolution du contrat est encourue lorsque l’une des parties n’exécute pas ses obligations et que le manquement est considéré comme suffisamment grave afin de justifier la rupture du contrat. La résolution entraîne la rupture du contrat aux torts de la partie qui n’a pas exécuté ses obligations.
Interdiction des mesures d’exécution forcée pour défaut de paiement
L’article L622-21 du Code de Commerce dispose (4) : le jugement arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part des créanciers, dont la créance est, soit antérieure au jugement, soit postérieure et ne bénéficiant pas du privilège de paiement.
📌 Définition d‘une mesure d’exécution forcée : une mesure d’exécution forcée consiste pour un créancier qui a obtenu un titre exécutoire contre son débiteur (jugement ou contrainte d’un organisme de sécurité sociale) à transmettre ce titre exécutoire à un Commissaire de justice afin qu’il oblige par des voies de droits (saisies) le débiteur à exécuter.
Interdiction de prendre des inscriptions ayant pour support un défaut de paiement
L’article L622-30 du Code de commerce dispose (5) : les hypothèques, gages, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d'ouverture.
📌 Définition d’une inscription : une inscription est une garantie prise par un créancier sur son débiteur afin de pouvoir être payé prioritairement par rapport à tous les autres créanciers.
Arrêt du cours des intérêts
L’article L622-28 du Code de commerce dispose (6). Le jugement d'ouverture arrête :
- le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations ;
- à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus.
Nota : les cautions « personnes physiques » uniquement peuvent se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts.
📌 Définition contrat de cautionnement : le contrat de cautionnement est le contrat par au terme duquel la caution s'oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.
Outils juridiques permettant la résiliation des contrats en cours
💡Synthèse : Le Code de commerce met en place des procédures rapides permettant de se « débarrasser » rapidement de tous les contrats en cours, durant la période d’observation et dont l’entreprise en difficultés estime ne plus avoir besoin.
📌 Définition d’un contrat cours : un contrat en cours est un contrat qui continue à s’exécuter au moment de l’ouverture de la procédure de sauvegarde (contrat de bail commercial, contrats de locations, contrats d’abonnements,…).
Qui prend la décision de poursuivre le contrat en cours ou de le résilier (deux cas de figure)
Procédure de poursuite des contrats en cours en cas de désignation d’un administrateur judiciaire : l'administrateur et quelle que soit sa mission a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours (7).
Procédure de poursuite des contrats en cours, faute d’administrateur judiciaire : l’entreprise exerce, après avis conforme du mandataire judiciaire (l’avis conforme implique que le mandataire judiciaire soit d’accord), la faculté ouverte à l'administrateur de poursuivre des contrats en cours et de demander la résiliation du bail (8). En cas de désaccord, entre l’entreprise en procédure collective et le mandataire judiciaire, le juge-commissaire est saisi afin de trancher le litige.
Procédures de résiliation des contrats en cours
La Code de Commerce établit une distinction s’agissant des contrats à résilier :
- entre le bail commercial qui bénéficie de deux procédures spécifiques ;
- et tous les autres contrats, à l’exception du bail commercial, qui bénéficient de trois procédures spécifiques.
Il existe trois cas de rupture des contrats en cours, pour tous les contrats, sauf le contrat de bail commercial :
1. Procédure de mise en demeure d’avoir à prendre position quant à la continuation du contrat ; le contrat en cours est résilié de plein droit :
- après une mise en demeure (lettre recommandée avec accusé de réception) de prendre partie sur la poursuite du contrat
- adressée par le cocontractant
- à l'administrateur judiciaire (ou au chef d’entreprise lorsqu’il n’y a pas d’administrateur)
- et restée plus d'un mois sans réponse (le silence de l’Administrateur Judiciaire équivaut à un refus de poursuivre le contrat).
Allongement ou raccourcissement du délai d'un mois : avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur (ou au chef d’entreprise faute d’administrateur) un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer.
2. Absence de paiement avec l’accord de l’administrateur ou du chef d’entreprise faute d’administrateur et d’accord de la part du cocontractant de poursuivre le contrat :
Le contrat en cours est résilié de plein droit, à défaut de paiement effectué par l’entreprise débitrice et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles (cas où l’administrateur ne peut pas poursuivre le contrat et demande donc au chef d’entreprise de ne pas honorer le contrat et faute d’administrateur le chef d’entreprise avec l’accord du mandataire judiciaire devra prendre la décision de ne pas payer).
3. Procédure de résiliation du contrat dans l’intérêt de l’entreprise sur demande de l’administrateur ou de l’entreprise faute d’administrateur :
A la demande de l'administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si :
- elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et
- ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant (la résiliation du contrat ne doit pas mettre le cocontractant de l’entreprise en procédure collective lui-même en difficultés).
Nota : ces dispositions ne concernent pas les contrats de travail qui sont rompus conformément aux dispositions du Code du travail, sans que la procédure collective ait la moindre incidence.
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Procédures spécifiques pour le bail commercial :
📌 Définition bail commercial : Le bail commercial est un contrat de location portant sur un local dans lequel est exercée par le locataire une activité commerciale, industrielle ou artisanale.
Il existe deux procédures spécifiques permettant la résiliation du contrat de bail commercial :
1. L’administrateur ou l’entreprise avec l’accord du mandataire judiciaire en l’absence d’administrateur judiciaire ne veulent pas poursuivre l’exécution du contrat (9) :
Le bail commercial est résilié au jour où le bailleur est informé de la décision de l'administrateur ou du chef d’entreprise faute d’administrateur de ne pas continuer le bail (la décision de rompre le contrat adressée au bailleur peut être formalisée par tous moyens).
2. Procédure judiciaire de résiliation pour défaut de paiement de loyers postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective (9) :
Le bail commercial peut être résilié :
- lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail (devant le Tribunal judiciaire qui est le juge naturel des litiges en matière de bail commercial)
- pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation « postérieure » au jugement d'ouverture,
- le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement d’ouverture de la procédure.
Nota : le bailleur ne peut mettre en demeure l’administrateur judiciaire ou l’entreprise de prendre position quant à la continuation du contrat de bail commercial.
Références :
(1) Article L621-3 du Code de commerce
(2) Article L622-7 du Code de commerce
(3) Article L622-17 du Code de commerce
(4) Article L622-21 du Code de commerce
(5) Article L622-30 du Code de commerce
(6) Article L622-28 du Code de commerce
(7) Article L622-13 du Code de commerce
(8) Article L627-2 du Code de commerce
(9) Article L622-14 du Code du commerce


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