Qu'est-ce que le droit de retrait du salarié, selon le Code du travail ? Définition

Le droit de retrait comme solution pour le salarié en cas de danger grave et imminent

Dans le secteur privé, le droit de retrait consiste en la possibilité, pour le travailleur salarié, de se retirer d'une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (1).

💡À savoir : exercer son droit de retrait n'implique pas nécessairement de quitter son lieu de travail. En outre, le salarié qui a exercé sont droit de retrait est censé rester à la disposition de son employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

... ou d'apparence de danger grave et imminent

Le Code du travail n'exige pas que la gravité et l'imminence du danger soient réels et effectifs pour que l'exercice du droit de retrait soit justifié : le salarié conserve ainsi une certaine latitude d'appréciation et un certain droit à l'erreur, dans la limite du raisonnable (2).

En cas de litige, il appartient au Conseil de prud'hommes d'apprécier le caractère raisonnable ou non de la crainte invoquée par le salarié, en considération de différents critères, comme l'âge du salarié, son état de santé, sa qualification ou son expérience professionnelle, etc.

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Comment le salarié peut-il exercer son droit de retrait ? Quelles sont les conditions à remplir ?

En exerçant d'abord son droit d'alerte...

Selon les termes de la loi, le travailleur qui entend exercer son droit de retrait doit alerter immédiatement son employeur (1):

  1. de la situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ;
  2. ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.

... avant de se retirer de son poste de travail, sans formalité particulière

Le Code du travail n'impose pas de formalisme particulier au salarié pour alerter son employeur du danger constaté, et l'informer de l'exercice de son droit de retrait.

Cette information peut donc être faite à l'oral comme à l'écrit. L'exercice du droit de retrait du salarié peut aussi être implicite.

  Selon les dispositions légales applicables néanmoins, tout salarié est en droit de se retirer d'une situation de travail qu'il estime dangereuse sans avoir à demander l'accord de l'employeur sous réserve que son retrait soit exercé de telle manière qu'il ne puisse pas créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent (3).

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À noter :

L'exercice du droit de retrait par tout salarié ne peut pas être subordonné :
- au respect d'une procédure écrite prévue par le règlement intérieur ;
- à la saisine du CSE, s'il existe, afin que celui-ci déclenche la procédure d'alerte.

💡À savoir : le représentant du personnel au comité social et économique de l'entreprise (CSE d'entreprise) qui constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, doit en alerter immédiatement l'employeur (4).

Lorsque l'alerte est donnée par le CSE, elle suppose (5) :

  • que l'avis de ce dernier soit consigné par écrit dans des conditions définies par la loi. Cet avis doit indiquer plusieurs éléments, comme les postes de travail concernés par la cause du danger constaté, la nature de celui-ci, etc. ;
  • que l'employeur procède immédiatement à une enquête avec le représentant du CSE qui lui a signalé le danger et prenne les dispositions nécessaires pour y remédier.

🔍 À lire également : Rôle du CSE en cas d'accident du travail : pouvoir d'enquête ?

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Dans quelles situations le salarié peut-il exercer son droit de retrait (exposition à des températures extrêmes, défaut de protection individuelle, etc.)  ?

L'existence d'une situation "à risques" inhabituelle

La faculté conférée au salarié de se retirer de son poste de travail doit être entendue comme un recours exceptionnel face à une menace de danger grave et imminent susceptible de se réaliser brusquement et dans un délai rapproché.

Le danger peut, selon les cas, émaner de divers éléments, notamment :

  • d'une machine
  • d'une ambiance de travail ;
  • d'un processus de fabrication ;
  • d'un certain climat ou de certaines températures ;
  • etc.

🔍 À lire sur ce point : Droit de retrait en cas de fortes chaleur/canicule : quelles sont vos options, en tant que salarié ? et  À partir de quelle température fait-il trop froid pour travailler ?

💡À savoir : le danger ne trouve pas nécessairement son origine dans un motif étranger à la personne du salarié : il peut résulter de circonstances propres au salarié (comme une allergie sévère à un produit spécifique).

Néanmoins, pour être justifié, le danger doit obligatoirement se situer au-delà du risque habituel relatif à l'exercice d'un travail.

📌 Ne peuvent par exemple suffire à justifier l'exercice de son droit de retrait par le salarié :

  • un poste de travail reconnu comme présentant un risque particulier pour la sécurité des travailleurs ;
  • l'exposition à la pénibilité ou à un risque professionnel recensé dans le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP).

🔍 À lire également : Pénibilité au travail & exposition aux risques professionnels : le rôle du C2P

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Bon à savoir :

Le travailleur est aussi tenu d'alerter immédiatement l'employeur s'il estime, de bonne foi, que les produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre par l'établissement font peser un risque grave sur la santé publique ou l'environnement (6). Pour plus de détails, consultez notre dossier complet !

Exemples de situations ayant justifié l'exercice du droit de retrait du salarié 

Le juge a déjà pu considérer que certaines situations constituaient une situation de danger grave et imminent justifiant l'exercice de leur droit de retrait par les salariés.

📌 En voici quelques exemples :

  • l’absence de mesure de protection contre la chute des salariés devant effectuer des tâches de chantier aux premier et troisième étage d’un immeuble (7) ;
  • la mutation d’un agent de surveillance sur un poste le mettant en contact avec des animaux et des produits chimiques, lesquels lui provoquaient de graves problèmes d’allergie (8).

Tout dépend de l'appréciation des faits par le juge. Pour plus d'exemples, consultez notre dossier dédié !

Une situation de harcèlement peut-elle justifier l'exercice de son droit de retrait par le salarié ?

Il est difficile de répondre à cette question de manière tranchée, puisqu'on ne parle de "harcèlement moral" que dans le cas où les faits fautifs sont répétés (9) (et donc, non soudains). 

Néanmoins, la Cour de cassation a déjà pu juger que l'exercice de leur droit de retrait par des salariés en raison de la possible réintégration, dans l'entreprise, de leur supérieur hiérarchique, qu'ils accusaient de faits de harcèlement moral, rendait impossible cette réintégration (10).

En cas de divergences de point de vue concernant le danger dénoncé, quelles sont les obligations de l'employeur ?

1re étape : réunion du CSE 

Une fois l'employeur alerté, en cas de divergence sur la réalité du danger dénoncé par le salarié ou sur la façon de le faire cesser, le CSE doit être réuni d'urgence, dans un délai qui ne peut pas excéder 24 heures (11).

L'employeur doit aussi parallèlement informer immédiatement de la situation :

Ces derniers peuvent assister à la réunion du CSE.

🔍 À lire, sur le sujet : Convocation aux réunions du CSE : les points essentiels

2e étape : à défaut d'accord, saisine de l'inspection du travail par l'employeur

À défaut d'accord entre l'employeur et la majorité du CSE sur les mesures à prendre pour faire cesser le danger et leurs conditions d'exécution, l'inspecteur du travail doit être saisi immédiatement par l'employeur (12).

➡ Celui-ci peut  :

  • soit mettre en demeure l'employeur de prendre toutes mesures utiles pour remédier au danger (au titre du principe de prévention et de son obligation de sécurité). Exemples : mise hors service d'une machine, immobilisation, saisie des matériels, machines, dispositifs, produits ou autres ;
  • soit saisir le juge judiciaire via la procédure de référé (en urgence) pour voir ordonner toutes les mesures propres à faire cesser le risque.

🔍 Vous êtes membre du CSE ? Cet article va vous intéresser : Mission du CSE en matière de santé et sécurité au travail : la remplir pleinement

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Conséquences de l'exercice du droit de retrait pour les parties au contrat de travail (salarié et employeur)

Pour le salarié

La seule obligation qui pèse sur le salarié qui entend se retirer d'une situation dangereuse est celle d'alerter, en amont, son employeur (ou son représentant) du danger.

Si l'employeur ou l'enquête, le cas échéant, démontre que le danger n'existe pas, le salarié doit reprendre immédiatement son travail, sous peine d'être sanctionné. 

⚠ Attention !  Un salarié ne peut pas être sanctionné pour avoir exercé son droit de retrait de manière légitime

Selon la loi en effet, "aucune sanction ni aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou pour la santé de chacun d'eux" (13).

Si le salarié fait l'objet d'un licenciement dans ce contexte il serait fondé à contester la mesure devant le juge.

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Bon à savoir :

La Cour de cassation a toutefois récemment précisé que si les conditions de l'exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié qui l'a indûment exercé s'expose à une retenue sur salaire. Dans une telle situation, l'employeur n'a pas à saisir préalablement le juge pour que celui-ci se prononce sur le bien-fondé ou non de l'exercice de ce droit par le salarié (14).

Pour l'employeur

L'employeur ne peut pas demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent.

Sa faute inexcusable peut même être retenue si le salarié est victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle alors que lui-même ou un représentant du personnel au CSE avait signalé à l'employeur le risque qui s'est matérialisé (15).

⚖ La Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que le fait que l'employeur n'ait commis aucun manquement dans le cadre de son obligation de sécurité n'exclut pas qu'un salarié soit légitime à exercer son droit de retrait, dès lors que celui-ci justifie d'un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé (16).

Pour plus de détails sur les obligations de l'employeur, consultez notre dossier dédié !

➡ Si vous êtes employeur ou salarié, ne négligez pas le rôle de la médecine du travail dans l'évaluation et la prévention des risques professionnels et a fortiori, dans la protection de la santé des salariés.

Le droit de retrait peut-il être exercé par plusieurs salariés, de manière collective et simultanée ?

L'exercice du droit de retrait peut en effet être collectif...

Oui. Une situation de danger peut concerner un seul salarié ou un groupe de travailleurs. Le cas échéant, le droit de retrait peut être exercé collectivement.

Dans ce cas néanmoins, chaque salarié doit alerter individuellement son employeur du danger et donc avoir un motif raisonnable de penser qu'il existe un risque grave et imminent pour sa vie ou sa santé.

... mais ne s'apparente pas à un mouvement collectif (droit de grève)

💡 Pour mémoire, le droit de grève en entreprise consiste en un arrêt collectif de travail en vue de l'amélioration des conditions de travail. Tel n'est pas le cas du droit de retrait, qui ne peut être utilisé que par un ou plusieurs salariés ayant un motif raisonnable de penser qu'une situation de travail présente un danger grave et imminent pour leur vie ou leur santé.

Ces deux droits ont ceci en commun qu'ils peuvent être utilisés tant que leur employeur n'aura pas pris les mesures nécessaires pour supprimer le danger ou trouver un accord avec les salariés.

Néanmoins, il convient bien de les distinguer, le droit de retrait ne pouvant pas être utilisé par les salariés pour faire valoir des revendications professionnelles (augmentation des salaires, amélioration des conditions de travail, etc.).

🔍 Vous êtes salarié ? Cet article va vous intéresser : Comment faire grève sans perdre son salaire ?

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Comment déterminer, a posteriori, si le droit de retrait a été exercé de manière légitime au regard du Code du travail ?

Seul le juge, dans son appréciation souveraine, est habilité à rechercher si le salarié avait un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé. Notez, à ce sujet, que la mise en oeuvre du devoir ou droit d'alerte par les représentants du personnel peut constituer un indice.

🔍 Rappel : le salarié n'a pas à prouver la réalité du danger grave et imminent. Il suffit qu'il ait un motif raisonnable de penser qu'il existe.

Références :
(1) Article L4131-1 du Code du travail
(2) Cour d'Appel de Riom, 28 février 2023, RG n°20/00879
(3) Article L4132-1 du Code du travail
(4) Article L4131-2 du Code du travail
(5) Article L4132-2 du Code du travail
(6) Article L4133-1 du Code du travail
(7) Cass. Soc. 9 mai 2000, n°97-44234
(8) Cass. Soc. 20 mars 1996, n°93-40111
(9) Article L1152-1 du Code du travail
(10) Cass. Soc. 1er décembre 2021, n°19-25715
(11) Article L4132-3 du Code du travail
(12) Article L4132-4 du Code du travail
(13) Article L4131-3 du Code du travail
(14) Cass. Soc. 22 mai 2024, n°22-19849
(15) Article L4131-4 du Code du travail
(16) Cass. Soc. 12 juin 2024, n°22-24598