1. Qu'est-ce que la discrimination en entreprise/au travail ?

Définition

La discrimination au travail est une différence de traitement défavorable subie par une personne dans le cadre professionnel, qui répond à 2 conditions cumulatives (1) :

  • elle repose sur un critère prohibé par la loi ;
  • elle relève d'une situation visée par la loi.
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Quels sont les différents types de critères/motifs pouvant être considérés comme discriminatoires au travail ?

Lors de leur entrée en vigueur en 1982, les textes légaux ne visaient que 7 types de discrimination (l'origine, le sexe, la situation de famille, l'appartenance à une ethnie, une nation ou une race, les opinions politiques, les activités syndicales et les convictions religieuses) (2).

Les mœurs de la société ont depuis évolué et la liste des critères/motifs discriminatoires s'est étoffée. Dorénavant, le Code du travail et le Code pénal visent plus d'une vingtaine de motifs, parmi lesquels figurent :

  • l'origine ;
  • le sexe ;
  • les mœurs ;
  • l'orientation sexuelle ;
  • l'identité de genre ;
  • l'âge ;
  • la situation de famille ou le cas de la salariée enceinte ;
  • la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, apparente ou connue de la personne ;
  • l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race ;
  • les opinions politiques ;
  • la qualité de lanceur d'alerte ;
  • etc.
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Bon à savoir :

Le 28 mars 2024, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi pour sanctionner les discriminations capillaires dans les entreprises. Celle-ci vise à empêcher les employeurs d'imposer à leurs salariés de "lisser leurs cheveux pour dissimuler leurs coupes afro" ou de "cacher leurs tresses et dreadlocks". Du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale, son sort est désormais en suspens. Affaire à suivre...

Quels types de situations/quelles actions sont considérés comme discriminatoires ?

Initialement, seuls les sanctions et les licenciements discriminatoires étaient visés par le Code du travail. Les discriminations salariales ou encore les discriminations à l'embauche reposant sur le sexe, l'origine ou la situation de famille n'étaient donc pas réprimées.

Aujourd'hui, la loi couvre tous les aspects de la relation de travail. Par conséquent, il est interdit à l'employeur de se fonder sur un critère prohibé par la loi pour : 

  • écarter une personne :
    • d'une procédure de recrutement (au cours d'un entretien d'embauche par exemple) ;
    • de l'accès à un stage ;
    • d'une période de formation ;
  • sanctionner, licencier ou prendre une mesure quelconque à l'égard d'un salarié (quelle que soit la nature de son contrat de travail).

La loi précise également que l'employeur ne peut prendre aucune mesure fondée sur un critère prohibé notamment en matière :

  • de rémunération ;
  • de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions ;
  • de formation ;
  • de reclassement ;
  • d'affectation ;
  • de qualification ;
  • de mutation ;
  • de classification ;
  • de promotion professionnelle ;
  • etc.

Qu'est-ce que la discrimination directe et indirecte ?

Une discrimination au travail peut se manifester sous deux formes :

  • la forme directe ;
  • la forme indirecte.

La discrimination directe

Il est question de discrimination directe lorsque la différence de traitement défavorable subie par une personne repose, sans détours, sur un critère prohibé par la loi. La discrimination directe est la forme de discrimination la plus grossière. Elle est ouvertement intentionnelle.

Exemples :

  • un candidat à l'embauche est évincé en raison de son origine ;
  • une salariée est moins bien rémunérée en raison de son sexe ;
  • un salarié est licencié en raison du fait qu'il est un salarié syndiqué (discrimination syndicale) ;
  • l'employeur procède à la rupture du contrat de travail d'un salarié en raison de son orientation sexuelle.

La discrimination indirecte

La discrimination indirecte est une forme plus subtile de discrimination. La différence de traitement se base sur une disposition, un critère ou une pratique d'apparence neutre, mais ayant des conséquences défavorables envers des personnes en raison d'un motif prohibé par la loi. Ici, la discrimination peut être non intentionnelle.

Exemple :

Une salariée en congé parental à temps partiel, licenciée pour motif économique, ne peut voir son indemnité de licenciement amputée en raison de la réduction de son temps de travail. En effet, les salariés en congé parental d'éducation sont aujourd'hui essentiellement des femmes, de sorte que cette norme constitue une discrimination indirecte en raison du sexe (3).

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2. Obligations de prévenir les discriminations pour garantir l'égalité professionnelle

En tant qu'employeur, vous devez prévenir les discriminations dans votre entreprise.

À cette fin, vous devez informer obligatoirement vos salariés sur les textes relatifs à la discrimination et à l'égalité de salaire femmes/hommes.

En ce sens, les acteurs du recrutement de votre entreprise doivent également pouvoir bénéficier d'une formation à la non-discrimination.

Ces informations et formations permettent, d'une part, de dissuader vos salariés d'adopter des comportements discriminatoires et, d'autre part, vous engagent personnellement.

Par ces obligations, vous ne pouvez donc pas profiter de la méconnaissance de vos salariés pour laisser une telle situation s'installer au sein de votre entreprise.

Diffuser les informations relatives aux discriminations au travail

L'employeur est tenu d'informer, par tout moyen, ses salariés et les candidats à l'embauche de la législation en matière de discrimination (4).

Jusqu'en 2014, il s'agissait d'une obligation d'affichage. Désormais, il s'agit d'une obligation d'information par tout moyen dans les lieux de travail et dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche.

Il s'agit de rappeler les dispositions pénales applicables en matière de discrimination au travail (5).

Diffuser les informations relatives à la protection des lanceurs d'alerte

Pour rappel, un lanceur d'alerte est une personne physique à l'origine du signalement ou de la divulgation d'une information portant sur un délit ou un crime commis au sein de l'entreprise, dont elle a eu personnellement connaissance. Il agit de bonne foi et sans contrepartie financière (6).

Il peut être question d'un salarié, d'un candidat à l'embauche ou d'un ancien salarié de votre entreprise. Le lanceur d'alerte bénéficie d'un statut qui le protège de toutes représailles.

Il est nécessaire de diffuser les informations concernant l'interdiction des discriminations des lanceurs d'alerte. Il s'agit des mêmes textes que ceux prévus pour la discrimination en général.

Diffuser les informations relatives à la discrimination salariale hommes-femmes

Il vous appartient également d'informer, par tout moyen, vos salariés (ainsi que toutes les personnes ayant accès aux lieux de travail et les candidats à l'embauche) de la législation applicable en matière d'égalité de salaire homme-femme (7).

Le défaut d'affichage obligatoire ou d'information vous expose à une amende pouvant aller jusqu'à 450 euros (pour l'employeur personne physique) et 2.250 euros d'amende maximum (pour l'employeur personne morale) (8).

Mise en oeuvre d'une formation obligatoire dans les entreprises de 300 salariés et plus

Dans toutes les entreprises d'au moins 300 salariés (ou dans toutes les entreprises spécialisées dans le recrutement), l'employeur doit mettre en oeuvre une formation obligatoire pour les salariés chargés du recrutement.

En effet, il doit permettre à ces derniers de suivre une formation à la non-discrimination au moins une fois tous les 5 ans (9).

Bon à savoir : le Gouvernement, dans son plan national 2023-2026, entend travailler sur un référentiel pour que les formations à la non-discrimination soient homogénéisées et pour garantir leur qualité.

3. Obligations de l'employeur en matière de non-discrimination : agir pour faire cesser une discrimination

Depuis 1982, le législateur n'a cessé d'encadrer la lutte contre la discrimination au travail. En tant qu'employeur, il est de votre devoir d'agir en ce sens, au risque, en cas de manquements, de voir votre responsabilité engagée.

Vous pouvez être alerté d'un traitement discriminatoire au sein de votre entreprise directement par la victime, par l'intermédiaire des membres du Comité social et économique (CSE d'entreprise), dans le cadre de leur droit d'alerte (10), ou encore préalablement à une action de groupe dont une organisation syndicale représentative serait à l'origine (11).

Au titre de votre obligation de sécurité (12), notamment en matière de lutte contre les discriminations, vous répondez des agissements des personnes qui exercent de droit, mais également de fait, une autorité sur vos salariés (13).

Ainsi, votre passivité pourrait vous être reprochée si jamais :

  • vous ne prenez pas la peine de diligenter une enquête interne pour vérifier les révélations qui vous ont été faites (comme une enquête pour harcèlement moral ou sexuel au travail) ;
  • vous ne sanctionnez pas la personne à l'origine des discriminations, si les faits sont avérés.
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4. Comment se défendre d'une plainte relative à une discrimination en entreprise ? Comment justifier une discrimination au travail ?

Le principe de non-discrimination n'est pas absolu. Il est possible d'accorder des traitements de faveur différents à vos salariés, dès lors qu'ils reposent sur des critères non prohibés par la loi. Cela peut être des avantages liés à l'ancienneté en entreprise, à l'expérience, aux diplômes, etc.

En outre, pour certains emplois, les discriminations fondées sur des critères prohibés par le Code du travail sont autorisées, sous réserve d'être justifiées par une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée (14).

C'est notamment le cas pour :

  • des artistes devant interpréter un rôle masculin ou féminin ;
  • des mannequins chargés de présenter des vêtements et accessoires ;
  • des modèles masculins et féminins pour des photographies.

Si des indices laissent présumer l'existence d'une discrimination, il vous appartient de justifier que la situation litigieuse repose sur des critères objectifs, étrangers à toute discrimination illégale, ou sur une exigence professionnelle essentielle et déterminante, en vue de la poursuite d'un objectif légitime et dans le cadre d'une exigence proportionnée.

La mesure discriminatoire doit donc être justifiée par des éléments objectifs.

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5. Quelles sont les sanctions possibles contre l'employeur ? Que prévoit la loi en cas de discrimination ?

Toutes mesures discriminatoires prohibées par la loi vous exposent à des sanctions civiles et pénales.

Selon la juridiction saisie, la charge de la preuve de la discrimination peut être aménagée.

Si vous êtes mis en cause, il vous appartiendra de justifier la discrimination pour échapper à une éventuelle condamnation.

Sanctions civiles

Devant le Conseil de prud'hommes (CPH), la mesure considérée comme discriminatoire (licenciement, sanction disciplinaire, etc.) peut être annulée par les juges (15).

À ce sujet, cette actualité pourrait vous intéresser : Litige devant le Conseil des prud'hommes (CPH) : pouvez-vous utiliser un élément de preuve déloyal ?

En outre, le requérant peut demander réparation du préjudice qui résulte de la discrimination au travail, dans un délai de 5 ans suivant sa révélation (16).

Pour un licenciement jugé nul en raison d'une discrimination, vous pouvez être condamné à rembourser à France Travail (anciennement Pôle emploi) les indemnités chômages versées au salarié dans la limite de 6 mois d'allocations de retour à l'emploi (17).

Néanmoins, il n'est pas nécessaire que la preuve d'une discrimination soit rapportée pour vous mettre en cause. En effet, devant le Conseil de prud'hommes, la charge de la preuve est aménagée, de sorte que de simples indices laissant présumer une discrimination peuvent être suffisants pour mettre en cause un employeur (18).

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Sanctions pénales

La discrimination au travail est constitutive d'un délit dès lors qu'elle est intentionnelle (19).

Ainsi, une discrimination indirecte reposant sur un critère objectif n'est pas pénalement répréhensible si aucun élément intentionnel n'est établi.

Exemple :

Le fait d'écarter les salariés en CDI à temps partiel du bénéfice d'une prime annuelle au titre d'un accord collectif peut être constitutif d'une discrimination indirecte, car la majorité des salariés à temps partiel sont des femmes. Cela ne ressort pas forcément d'une mauvaise intention de l'employeur, mais d'un critère objectif.

Devant le tribunal correctionnel, la charge de la preuve pèse sur la partie accusatrice (Ministère public, avec l'aide, le cas échéant, de la victime), de sorte que vous ne pouvez être mis en cause que si des preuves matérielles et intentionnelles sont rapportées contre vous.

Le cas échéant, vous vous exposez à une peine d'emprisonnement de 3 ans et 45.000 euros d'amende.

Le contrôle du Défenseur des droits : recommandation et injonction

Pour rappel, le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante chargée, notamment, de lutter contre les discriminations.

Il peut formuler des recommandations dans le but de remédier à un fait qu'il estime être discriminatoire. S'il ne dispose pas d'un pouvoir direct de sanction, la personne mise en cause est néanmoins tenue de lui rendre compte des suites données à ses recommandations.

En l'absence de réponse ou en cas d'insuffisance de sa réponse, le Défenseur des droits peut exercer un pouvoir d'injonction, c'est-à-dire exiger que la partie en cause applique le contenu de la recommandation dans un nouveau délai qu'il fixe.

Si aucune suite n'est donnée à l'injonction, il peut décider de rendre public un rapport spécial, dans lequel le nom de la personne mise en cause est dévoilé.

Plan national contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine 2023/2026

Le Gouvernement a présenté, le 30 janvier 2023, son plan national contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine, pour 2023-2026.

Parmi les mesures relatives aux discriminations au travail, on peut noter :

  • le développement d'une politique de testing dans les entreprises, pour lutter contre les discriminations à l'embauche ;
  • la création d'une nouvelle amende civile en faveur des victimes de discrimination ;
  • ainsi que le travail du Gouvernement sur un référentiel des formations à destination des acteurs du recrutement de certaines entreprises.

Concernant la nouvelle amende prochainement créée, divers éléments peuvent être relevés :

  • il s'agirait d'une amende civile (et non pénale), mais qui pourrait être prononcée par une juridiction pénale ou par toute autre juridiction (comme le Conseil de prud'hommes par exemple) ;
  • elle ne remplacerait pas les dommages-intérêts dus par l'auteur de la discrimination, à la victime. Elle interviendrait en plus des dommages-intérêts ;
  • elle permettrait d'abonder un fonds pour aider à indemniser toutes les victimes de discrimination.

Ainsi, si l'employeur commettait une discrimination, en plus des sanctions classiques (pénales et civiles avec versement de dommages-intérêts en cas de préjudice), il pourrait être condamné à payer une amende civile destinée à alimenter le fonds d'aide aux victimes.

Cette actualité pourrait vous intéresser : Racisme au travail : comment réagir, en tant qu'employeur/manager ?

Publication du 16e baromètre sur les discriminations dans l'emploi : quel est le constat du Défenseur des droits et de l'Organisation Internationale du Travail ?

Le Défenseur des droits et l'Organisation Internationale du Travail (OIT) ont publié, en décembre 2023, le 16e baromètre sur la perception des discriminations dans l'emploi, consacré aux discriminations envers les personnes atteintes de maladie chronique (20).

En 2025, la part de la population active/en emploi atteinte d'une maladie chronique (soit d'une affection de longue durée, souvent associée à une invalidité ou à la menace de complications graves, évoluant lentement et nécessitant une prise en charge sur plusieurs années), qui est reconnue comme un handicap, devrait atteindre 25 %.

Selon le baromètre, 13 % des personnes atteintes de maladies chroniques disent avoir été confrontées, dans la sphère professionnelle, à une situation de discrimination ou à un harcèlement discriminatoire en raison de leur état de santé ou de leur handicap (contre 3% pour le reste de la population en emploi).

En outre, 55 % des personnes malades précisent avoir été victime de harcèlement moral au travail.

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Références :
(1) Article L1132-1 du Code du travail
(2) Ancien article L122-45 du Code du travail
(3) Cass. Soc., 18 mars 2020, n°16-27825
(4) Article L1142-6 du Code du travail
(5) Articles 225-1 et s. du Code pénal
(6) Article 6 de la Loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique
(7) Article R3221-2 du Code du travail
(8) Article R3222-3 du Code du travail et articles 131-13 et 131-41 du Code pénal
(9) Article L1131-2 du Code du travail
(10) Article L2312-59 du Code du travail
(11) Article L1134-9 du Code du travail
(12) Article L4121-1 du Code du travail
(13) Cass, Soc., 30 Janvier 2019, n°17-28905
(14) Article L1133-1 du Code du travail
(15) Article L1132-4 du Code du travail
(16) Article L1134-5 du Code du travail
(17) Article L1235-4 du Code du travail
(18) Article L1134-1 du Code du travail
(19) Article 121-3 du Code pénal
(20) Publication du 16e baromètre sur les discriminations dans l'emploi - Défenseur des droits - 14 décembre 2023