Discrimination syndicale : définition selon le code du travail
La discrimination syndicale se définit comme une différence de traitement entre deux individus, qui n'est pas fondée sur des éléments objectifs et neutres mais sur des motifs personnels liés à l'activité syndicale.
Plusieurs textes interdisent, en France, les discriminations. Cette interdiction est reprise par le Code du travail (1) et par le Code pénal (2).
Ainsi, l'employeur ne peut pas prendre en compte l'appartenance syndicale dans le cadre (3):
- d'une embauche ;
- de conduite et de répartition du travail ;
- de l'octroi d'un avancement ;
- de formation professionnelle ;
- de l'entretien professionnel ;
- de mesure disciplinaire ;
- de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux ;
- de rupture du contrat de travail.
Cette liste n'est pas limitative. L'appartenance syndicale ne doit en aucun cas être le fondement d'une décision prise par l'employeur. Cela ne doit pas non plus être un motif de pression sur le salarié (4).
Il existe une garantie d'évolution de rémunération pour certains salariés protégés(5). Ils doivent obtenir une évolution de leur salaire basée sur l'évolution moyenne de la rémunération des salariés de leur catégorie professionnelle et ayant la même ancienneté, sauf accord collectif de branche ou d'entreprise plus favorable.
Les salariés protégés concernés par cette disposition sont notamment les délégués syndicaux, les représentants syndicaux au Comité Social et Economique (CSE) (6)...
Discrimination syndicale : quelles sanctions ?
Si votre employeur a pris des mesures discriminatoires à votre encontre, fondées sur vos activités syndicales, il s'expose à 2 types de sanctions :
Les sanctions civiles
Tout acte discriminatoire pris par l'employeur est nul (7). Il vous est donc possible de demander l'annulation de la mesure discriminatoire prise à votre encontre (8).
Sachez que l'interdiction de prendre des mesures discriminatoires est d'ordre public. C'est-à-dire qu'aucun texte ne peut la contredire. Toute disposition contraire est nulle et les mesures prises en violation de cette interdiction sont considérées comme abusives et peuvent donner lieu au versement de dommages-intérêts (9).
Les sanctions pénales
Toute discrimination syndicale à votre égard expose l'employeur à une peine de 3 ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende (10). La peine d'amende est portée à 225.000 euros maximum si la discrimination est commise par une personne morale (11).
L'employeur qui méconnaît les dispositions relatives à la discrimination syndicale est passible d'une amende de 3.750 euros ou de 7.500 euros et d'un an de prison en cas de récidive (12).
Comment porter plainte pour discrimination syndicale ?
En matière pénale, un salarié qui se considère victime de discrimination syndicale peut choisir comment agir en fonction de la nature des événements et des preuves à sa disposition. Le dépôt de plainte lui permet de porter les faits à l'attention de la justice pour punir l'auteur et obtenir des réparations pour le préjudice subi. La plainte peut être déposée dans un commissariat, une brigade de gendarmerie ou directement auprès du Procureur de la République. En plus de déposer plainte, la victime doit se constituer partie civile pour avoir droit à une indemnisation.
Pour obtenir des réparations au civil, il faut saisir le conseil des prud'hommes.
💡 Bon à savoir : Les victimes de discriminations syndicales peuvent également saisir gratuitement le Défenseur des droits qui pourra tenter de résoudre le conflit par voie de médiation.
Comment prouver la discrimination syndicale ? La preuve est-elle facile à établir ?
En matière civile, le salarié devra constituer un faisceau d'indices laissant présumer l’existence d'une discrimination en présentant une liste de faits précis et circonstanciés.
En matière pénale, la discrimination doit être prouvée par la victime. Il lui faudra prouver la différence de traitement à laquelle elle est confrontée et elle devra également démontrer l'aspect intentionnel du délit.
Le Défenseur des droits a publié un memento sur les discriminations syndicales listant les différents éléments de preuve à rassembler (14).
Quel bilan aujourd'hui ?
Baromètre de la perception des discriminations dans l'emploi
La 12ème édition de ce baromètre réalisé par le Défenseur des droits et l'Organisation Internationale du Travail a été totalement consacrée aux discriminations syndicales (15).
Malgré les lois en vigueur, la discrimination syndicale est répandue puisque 46% des personnes syndiquées affirment avoir déjà été discriminées...
Cette enquête montre que les discriminations syndicales se traduisent souvent par des sanctions : absence d’évolution de carrière pour 47% personnes syndiquées interrogées, dégradation du climat de travail (44%), des conditions de travail (36%) et non-augmentation salariale (30%).
Dernier enseignement majeur de cette étude : 44% des personnes discriminées interrogées ayant tenté de faire cesser la situation ont fait l’objet de mesures de représailles de la part de leur employeur après avoir entamé des démarches pour faire cesser cette discrimination.
En 2021, 5,5 % des saisines du Défenseur des droits sont reliées aux activités syndicales, ce qui en fait le 5ème facteur de discrimination, avant l’âge ou le sexe.
Quelques jurisprudences sur la discrimination syndicale
La discrimination syndicale donne lieu à de nombreuses condamnations par les juges.
Voici quelques exemples :
- les refus successifs d'accorder des vacances ou d'accéder à des formations ainsi que le retrait de dossiers sont constitutifs d'une discrimination syndicale (16) ;
- l'application d'une période d'essai plus longue que pour les autres salariés ayant le même âge, la même expérience et les mêmes responsabilités (17) ;
- un système d'avancement propre aux salariés titulaires d'un mandat syndical (18) ;
- le licenciement est discriminatoire lorsque l'employeur reproche au salarié son manque de loyauté suite à la création d'un syndicat (19) ;
- est victime de discrimination syndicale le salarié dont les activités syndicales sont mentionnées dans ses entretiens d'évaluation professionnelle, évaluation plus faibles que ses collègues durant lesquels il lui est demandé de "faire la part des choses entre son métier et ses opinions" et "d'assumer ses fonctions et ses mandats, en même temps qu'il lui [est] reproché de ne pas atteindre ses objectifs" (20).
Une condamnation exemplaire en avril 2023 : près de 600 000 Euros versés à un salarié
Un salarié dont l’évolution de carrière a été bloquée entre 2001 et 2019 suite à une discrimination syndicale s'était vu accordé en première instance 5000 Euros de dommages et intérêts. Il a fait appel de cette décision et le 19 avril 2023 dans un arrêt rendu par la cour d'appel de Paris (RG n° 20/07869), l'entreprise s'est vu condamnée à verser à son salarié :
- 222 932 euros de dommages et intérêts pour préjudice économique au titre de la rémunération de base ;
- 360 356 euros au titre de la rémunération variable ;
- 3 000 euros pour préjudice moral ;
- 3 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral discriminatoire.
Références :
(1) Article L1132-1 du Code du travail
(2) Article 225-1 du Code pénal
(3) Article L2141-5 du Code du travail
(4) Article L2141-7 du Code du travail
(5) Article L2141-5-1 du Code du travail
(6) Article L2411-1, 1° à 7° du Code du travail
(7) Article L1132-4 du Code du travail
(8) Cass. Soc. du 17 mars 1999, n°97-45555 ; Cass. Soc. du 10 juillet 2001, n°99-21884
(9) Article L2141-8 du Code du travail
(10) Article 225-2 du Code pénal
(11) Articles 225-4 et 131-38 du Code pénal
(12) Articles L2146-2 et L2141-5 à L2141-8 du Code du travail
(13) Avis du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) "Repérer, prévenir et lutter contre les discriminations syndicales" adopté le 13 juillet 2017
(14) 12ème Baromètre de la perception des discriminations dans l'emploi
(15) Défenseur des droits : Memento sur les discriminations syndicales
(16) Cass. Crim. du 27 mai 2015, n°13-85440
(17) Cass. Crim. du 25 novembre 2003, n°03-80721
(18) Cass. Soc. du 29 janvier 2008, n°06-42066
(19) Cass. Soc. du 3 juillet 2012, n°11-10793
(20) Cass. Soc. du 1er février 2017, n°15-20799
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