Qu'est-ce que la contre-visite médicale patronale ?

Dispositif souvent méconnu des employeurs, la contre-visite médicale est un moyen de lutter contre l'absentéisme en entreprise.

Maître Pascal Forzinetti, avocat au barreau de Dijon

La contre-visite médicale patronale est un examen médical par lequel un médecin, mandaté par l'employeur, constate la réalité de l'arrêt de travail du salarié que celui-ci soit consécutif à une maladie professionnelle ou non, ou à un accident du travail.

Elle permet ainsi de vérifier :

  • que le salarié respecte les horaires de sortie autorisées pendant son arrêt de travail (s'il ne bénéficie pas de sorties libres) ;
  • que l'état de santé du salarié justifie toujours l'arrêt de travail prescrit et la durée de celui-ci.
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La contre-visite médicale n'est pas obligatoire. Néanmoins, la convention collective applicable dans votre entreprise peut prévoir des dispositions particulières.

 A noter : La contre-visite médicale à l'initiative de l'employeur est différente de la visite de contrôle qui peut être initiée par la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM).

La santé des salariés est un enjeu important pour l'employeur. C'est pourquoi les services de prévention de la santé au travail ont fait l'objet d'une réforme en vigueur depuis le 31 mars 2022.

Pourquoi une contre-visite médicale demandée par l'employeur ? Comment éviter un faux arrêt maladie ?

Lorsqu'un salarié est en arrêt de travail, vous êtes tenu de lui verser des indemnités complémentaires, s'ajoutant aux indemnités journalières versées par la CPAM. Ce versement doit être respecté dès lors qu'il justifie d'une année d'ancienneté dans l'entreprise et remplit les conditions suivantes (1) :

  • avoir justifié dans les 48 heures de cette incapacité ;
  • être pris en charge par la Sécurité sociale ;
  • être soigné sur le territoire français ou dans l'un des autres États membres de la Communauté européenne ou dans l'un des autres États partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

En contrepartie, vous êtes en droit de faire pratiquer une contre-visite médicale afin de vérifier la légitimité d'un tel arrêt. Vous n'avez pas besoin de justifier d'un motif particulier pour avoir recours à une contre-visite médicale.

A noter : Si un salarié a plusieurs arrêts de travail successifs et que vous programmez, à plusieurs reprises, des contre-visites médicales, cette initiative peut être considérée comme du harcèlement moral. L'état de santé du salarié entre en considération pour la détermination du harcèlement (2).

Vous pouvez mettre en place un tel contrôle lorsque vous avez un doute sur le bien-fondé d'un arrêt maladie concernant l'un de vos salariés.

 Exemples Vous avez été informé que le salarié exerce une activité professionnelle pour une autre entreprise pendant son arrêt de travail ; vous avez été informé que le salarié réalise des travaux de nature physique chez lui alors que son état de santé n'est pas censé le lui permettre.

Au bout de combien de temps l'employeur peut-il faire contrôler le salarié en arrêt maladie ?

L'employeur peut faire contrôler le salarié en arrêt maladie à tout moment.

En théorie, il peut demander à un médecin contrôleur d'effectuer une contre-visite médicale, dès le premier jour de l'arrêt.

En pratique, cela semble toutefois compliqué en raison du temps nécessaire à l'organisation du contrôle au domicile du salarié.

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Qui peut contrôler un salarié en arrêt de travail ? La médecine du travail ? Un médecin contrôleur mandaté par l'employeur ?

En principe, c'est à vous de choisir le médecin contrôleur qui pratiquera la contre-visite médicale (3), car elle ne peut pas être effectuée par le médecin-conseil de la CPAM ou par les services de la médecine du travail. Il doit s'agir d'un médecin contrôleur indépendant.

Vous pouvez également mandater un prestataire privé qui fera contrôler votre salarié par un médecin agréé et assermenté.

Comment se déroule une contre-visite médicale ?

La contre-visite médicale doit avoir lieu au domicile du salarié ou à toute autre adresse indiquée par lui comme adresse de contrôle sur le certificat d'arrêt de travail.

Vous n'avez pas besoin de prévenir le salarié à l'avance. En revanche, la contre-visite médicale doit être effectuée pendant les heures de présence obligatoire (9h/11h - 14h/16h) (4).

Par contre, si votre salarié bénéficie d'horaires de sorties libres, vous devez l'informer de la date et de l'heure de la contre-visite médicale.

En cas de prolongation de l'arrêt après la contre-visite, cela remet le salarié et l'employeur dans la situation initiale. Vous devez donc de nouveau verser l'indemnité complémentaire et initier une nouvelle contre-visite (5).

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Le salarié peut-il refuser de se soumettre à la contre-visite médicale ?

Le salarié ne peut pas refuser de se soumettre à la contre-visite médicale sauf exceptions :

  • lorsque l'examen médical est extrêmement douloureux dès lors que le salarié propose au médecin contrôleur de consulter son dossier médical et les comptes rendus opératoires (6) ;
  • lorsque le médecin contrôleur refuse de décliner son identité lors du contrôle et celle de mandataire de l'employeur (7) ;
  • lorsque le salarié bénéficie d'un avis d'inaptitude établi par le médecin du travail (8).

Quelles sont les conséquences de la contre-visite médicale ? Quelles conséquences en cas de refus du salarié de se soumettre à la contre-visite ou en cas d'absence ?

Selon le résultat de la contre-visite médicale, vous pouvez cesser le versement des indemnités complémentaires versées au salarié (9) :

Résultats de la contre-visite médicale Suspension du versement des indemnités complémentaires
Le médecin n'a pas pu procéder à l'examen médical car le salarié était absent de son domicile et n'est pas en mesure de justifier son absence (hors motifs légitimes) (10) Oui (pour la durée de l'arrêt restant à courir, à compter du jour du contrôle)
Le médecin n'a pas pu procéder à l'examen médical car le salarié s'est opposé à la contre-visite médicale (hors motifs légitimes) Oui (pour la durée de l'arrêt restant à courir, à compter du jour du contrôle)
Le médecin a constaté que l'arrêt de travail n'était pas justifié Oui (pour la durée de l'arrêt restant à courir, à compter du jour du contrôle)
Le salarié a été déclaré apte à reprendre son travail à l'issue de la contre-visite médicale mais refuse Oui (pour la durée de l'arrêt restant à courir, à compter du jour du contrôle)
Le médecin a constaté que l'arrêt de travail est justifié Non
Le médecin n'a pas pu procéder à l'examen médical car le salarié était absent (motifs légitimes tels que rendez-vous médical pendant la contre-visite médicale, contre-visite effectuée pendant les heures de sorties autorisées, etc.) (11) Non
Le médecin n'a pas pu procéder à l'examen médical car le salarié s'est opposé à la contre-visite médicale (motifs légitimes)

Non

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Vous souhaitez informer le salarié de la suspension de ses indemnités complémentaires suite à la contre-visite médicale ? Faites-le par courrier !

Quoi qu'il en soit, le résultat de la contre-visite médicale n'a d'effet que pour l'avenir. Ainsi, vous n'avez pas le droit de demander à votre salarié de rembourser les indemnités complémentaires déjà versées avant le contrôle.

 A noter : Le résultat de la contre-visite médicale peut avoir pour seul effet d'arrêter le versement des indemnités complémentaires au salarié. Vous ne pouvez ni le sanctionner, ni le licencier au regard des résultats de la contre-visite (12).

Références :
(1) Article L1226-1 du Code du travail
(2) Cass. Soc., 13 avril 2010, n°09-40837
(3) Cass. Soc., 2 juillet 1980, n°79-40263
(4) Cass. Soc., 26 septembre 2012, n°11-18937
(5) Cass. Soc., 5 mars 1997, n°94-44902 et 94-44903
(6) Cass. Soc., 13 février 1996, n°92-40713
(7) Cass. Soc., 11 décembre 1986, n°84-41672
(8) Cass. Soc., 10 février 1998, n°95-41600
(9) Article L315-1 du Code de la sécurité sociale
(10) Cass. Soc., 27 avril 1983, n°81-40387
(11) Cass. Soc., 5 décembre 1990, n°87-41375, Cass. Soc., 14 décembre 2011, n°10-16043 et Cass. Soc., 26 septembre 2012, n°11-18937
(12) Cass. Soc., 10 octobre 1995, n°91-45242