Acquisition et report des congés payés en cas d'arrêt maladie : quelles sont les nouvelles règles issues de la Loi DDADUE et les conséquences pour les entreprises ?
La Loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (dite Loi DDADUE 2024) a été définitivement promulguée le 22 avril 2024 et est entrée en vigueur le 24 avril 2024 (1).
Ce texte a modifié de nombreux articles du Code du travail relatifs aux congés payés.
Possibilité de cumuler des congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnels
L'arrêt de travail pour accident ou maladie n'ayant pas un caractère professionnel est désormais assimilé à du temps de travail effectif pour l'acquisition de congés payés.
C'est la solution qu'a retenue la Cour de cassation, dans le respect du droit de l'Union européenne.
En effet, par plusieurs arrêts du 13 septembre 2023, la Cour de cassation a admis que les salariés en arrêt pour maladie non professionnelle pouvaient désormais acquérir des congés payés pendant leur absence, au même titre que ceux en arrêt pour maladie ou accident professionnels (2).
La période d'absence pour maladie est donc désormais prise en compte dans le calcul des congés payés.
Cumul des congés payés pendant un arrêt de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail, sans limitation de durée
Lorsque le salarié est en arrêt de travail pour accident de travail ou maladie professionnelle, il cumule des congés payés pendant toute la durée de son arrêt.
Désormais, la période d'assimilation à du travail effectif ouvrant droit à congés payés n'est plus limitée à 1 an (3).
Combien de jours de congés payés le salarié en arrêt de travail cumule-t-il ?
Règles d'acquisition des congés payés pendant un arrêt pour accident ou maladie non professionnels
2 jours par mois / 4 semaines par anAcquisition des CP en cas d'arrêt
pour accident ou maladie non professionnels
La période, pendant laquelle le salarié est en arrêt pour maladie ou accident à caractère non professionnel, ouvre droit à 2 jours ouvrables de congés payés par mois, dans la limite de 24 jours ouvrables par an (soit 4 semaines par an, au lieu de 5 semaines) (4).
Des droits différents en matière de congés payés entre les salariés en arrêt maladie ordinaire et ceux en arrêt pour AT/MP
Si les salariés en arrêt de travail pour maladie ou accident non professionnels acquièrent désormais des congés payés, de l'ordre de 2 jours ouvrables par mois, cela n'est pas le cas des salariés en arrêt de travail pour motif professionnel.
En effet, les salariés en arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle acquièrent 2,5 jours ouvrables par mois (soit 30 jours ouvrables maximum par an).
Report des congés payés acquis non pris en raison de l'arrêt
La loi précise que, lorsque le salarié est dans l'impossibilité, pour cause de maladie ou accident (peu importe l'origine de la maladie ou de l'accident), de prendre au cours de la période de prise de congés, tout ou partie des congés qu'il a acquis, il bénéficie d'une période de report de 15 mois afin de pouvoir les utiliser (5).
Le Code du travail prévoit tout de même qu'il est possible de déroger aux règles de report prévues (6).
Concrètement, un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention collective ou un accord de branche peut fixer une durée de période de report supérieure à 15 mois (7).
En revanche, il n'est pas possible de fixer une période en deçà des 15 mois fixés légalement.
Le droit au report des congés payés non pris en raison de la maladie s'applique aussi bien au salarié qui tombe malade avant son départ en congés (donc aux congés acquis avant l'arrêt), qu'à celui qui tombe maladie pendant ses vacances (donc aux congés acquis pendant l'arrêt).
Point de départ du délai de report des congés payés
Le point de départ de ce délai de report de 15 mois varie en fonction de la durée de l'arrêt de travail.
Début de la période de report pour les salariés en arrêt depuis moins d'un an
La période de report débute à la date à laquelle le salarié reçoit, au moment de sa reprise, les nouvelles informations relatives aux congés payés devant être transmises par l'employeur (5).
Début de la période de report pour les salariés en arrêt depuis plus d'un an
La période de report, pour les salariés qui ont été en arrêt pour cause de maladie ou d'accident (caractère professionnel ou non) débute à la date à laquelle s'achève la période de référence au titre de laquelle ces congés ont été acquis si, à cette date, le contrat de travail est suspendu depuis au moins 1 an en raison de la maladie ou de l'accident (9).
Dans ce cas, lors de la reprise du travail, la période de report, si elle n'a pas expiré, est suspendue jusqu'à ce que le salarié ait reçu les nouvelles informations incombant à l'employeur concernant le nombre de jours de congés dont il dispose et la date jusqu'à laquelle ils peuvent être pris.
Un report du congé est-il possible si un nouvel arrêt de travail empêche sa prise effective pendant la durée de report de 15 mois ?
Dans un récent arrêt du 13 novembre 2025, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la question suivante : est-il possible de procéder à un nouveau report des congés payés dans la mesure où un nouvel arrêt de travail a empêché la prise effective pendant la durée de report initiale de 15 mois ?
Dans les faits, un salarié a été en arrêt du 3 mai 2017 au 3 mars 2019 (soit une absence s'étalant sur 3 périodes de référence consécutives). Il a repris le travail pendant une année (du 4 mars 2019 au 4 mars 2020). Il bénéficiait de 13 jours de congés restants acquis au titre de 2018 et qui devaient être pris au 31 mars 2020. Mais, le salarié a été placé de nouveau en arrêt de travail à compter du 5 mars 2020 et n'a pas repris son activité.
L'employeur a donc considéré que les 13 jours de congés restants (acquis au titre de l'année 2018), avaient été perdus à l'issue de la période de 15 mois suivant la fin de la période de référence (soit le 31 mars 2020).
Le salarié a demandé le report de ces congés devant le juge.
La Cour de cassation lui a donné raison. Elle estime ici que le salarié ayant été de retour sur son lieu de travail pendant un an, l'employeur disposait du temps nécessaire pour lui délivrer une information quant au solde de son congé et la période dont il disposait pour les prendre.
Or, l'employeur ne justifie pas avoir délivré au salarié l'information relative à son droit à congé annuel (nombre de jours de congés restants et date jusqu'à laquelle ils peuvent être pris). Le salarié doit donc pouvoir bénéficier du report de ses congés 2018 restants, jusqu'à la délivrance par l'employeur de ladite information en la matière.
L’employeur ne peut opposer la perte des congés payés non pris pendant un délai de report, s’il n’a pas démontré avoir effectivement permis au salarié d’exercer ce droit.
Cass. Soc., 13 novembre 2025, n°24-14084
Ainsi, selon la Cour de cassation, lorsque le délai de report des congés payés coïncide avec une période de travail, l'employeur ne peut invoquer l'extinction des droits à congé payé au terme de ce délai, qu'à la condition de justifier avoir accompli, en temps utile, les diligences qui lui incombent légalement afin d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé (10).
Nouvelle obligation d'information à la charge de l'employeur relative aux congés payés
Effectivement, l'employeur dont le salarié revient d'une période d'arrêt de travail pour cause de maladie ou d'accident (peu importe le caractère professionnel ou non), doit obligatoirement lui fournir certaines informations (11) :
- le nombre de jours de congé dont il dispose ;
- la date jusqu'à laquelle ceux-ci peuvent être pris.
Il dispose d'une période d'1 mois pour répondre à son obligation.
L'information peut être communiquée par tout moyen conférant date certaine à leur réception, notamment au moyen du bulletin de paie.
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Cette nouvelle obligation permet ainsi de s'assurer que l'employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d'exercer effectivement son droit à congés payés.
Dispositif rétroactif : pendant combien de temps le salarié peut-il agir en justice ?
L'une des craintes principales du patronat concernait la rétroactivité des nouvelles mesures. Les entreprises s'inquiétaient en effet des répercussions que pourraient avoir les demandes de rappel de congés payés de leurs salariés, notamment devant le Conseil de prud'hommes. Le législateur est donc intervenu en la matière.
En principe, il est prévu que la limite de 4 semaines de congés payés par an et le possible report de 15 mois soient rétroactifs aux situations antérieures, c'est-à-dire celles courant à partir du 1er décembre 2009, jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la Loi DDADUE.
En revanche, concernant la suppression de la limite d'1 an qui s'imposait jusqu'alors pour l'acquisition de congés payés en arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle, la Loi DDADUE ne prévoit pas de rétroactivité.
La Cour de cassation a remédié à ce vide juridique en jugeant que le salarié, en arrêt de travail suite à un AT/MP, peut prétendre à ses droits à congés pour une période plus importante qu'1 an mais pas pour les affaires antérieures à la Loi DDADUE (donc pas pour les affaires antérieures au 24 avril 2024) (12).
Contrairement à d'autres dispositions de la Loi du 22 avril 2024, la suppression de la limite d'1 an n'a pas d'effet rétroactif.
Le délai de forclusion pour agir en justice est quant à lui fixé à :
- 2 ans à compter de l'entrée en vigueur de la Loi DDADUE (à savoir, le 24 avril 2024). Cela signifie que le salarié dispose de 2 ans pour réclamer ses droits s'il est toujours en poste dans l'entreprise, soit jusqu'au 24 avril 2026. Une fois ce délai écoulé, il ne peut plus agir en justice ;
- cependant, lorsque le salarié a quitté l'entreprise avant le 24 avril 2024, c'est la prescription triennale classique qui s'applique. Le salarié dispose donc d'un délai de 3 ans à compter de la rupture de son contrat de travail pour agir en paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés.
Dans quels cas exceptionnels la rétroactivité des mesures ne s'applique t-elle pas ?
Les mesures prévues par la Loi DADDUE sont rétroactives, sauf dans les cas suivants :
- la demande du salarié porte sur une période qui ne comprend pas la période du 1er décembre 2009 au 24 avril 2024 ;
- une décision de justice passée en force de chose jugée a déjà été rendue sur cette même demande de rappel ;
- le salarié a bénéficié de stipulations conventionnelles plus favorables.
Ces règles impactent-elles les travailleurs temporaires ?
Les travailleurs intérimaires bénéficiant d'une indemnité compensatrice de congés payés à l'issue de chaque mission, ces règles leur sont également applicables.
Ainsi, les travailleurs temporaires en arrêt de travail pour maladie ou accident, quelle qu'en soit la nature, acquièrent des congés payés dans les mêmes conditions que les autres salariés.
Historique : retour sur les règles en vigueur avant la réforme de la Loi DDADUE
Pas d'acquisition de congé lors d'un arrêt pour maladie non professionnelle
Avant le 24 avril 2024, le droit français ne permettait pas aux salariés en arrêt maladie non professionnelle d'acquérir des congés payés pendant leur absence, car cette période n'était pas considérée comme du temps de travail effectif (13).
Mais, cette position n'était pas conforme au droit européen, ce qui a conduit la Cour de cassation à écarter ces dispositions (14).
Acquisition des congés payés en arrêt pour AT/MP limitée à 1 an
Avant l'entrée en vigueur de la Loi DDADUE, le salarié en arrêt de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail ne pouvait cumuler des congés payés que pendant une durée de 1 an ininterrompu.
Ainsi, si son arrêt de travail se poursuivait au-delà d'une année, le salarié ne pouvait plus acquérir de congés payés pour la période d'arrêt qui courait au-delà.
Des modalités de report des congés payés non pris en raison de la maladie, inexistantes en droit français
Avant l'entrée en vigueur de la Loi DDADUE, une question se posait : que se passait-il lorsque le salarié n'avait pas pu prendre ses congés payés pendant la période de prise des congés payés fixée dans l'entreprise, du fait de sa maladie ?
En principe, il pouvait bénéficier du report de ses congés payés ou, s'il quittait l'entreprise en raison d'une rupture de son contrat de travail, bénéficier d'une indemnité compensatrice de congés payés.
Mais, cette première question en soulevait automatiquement d'autres :
- pendant combien de temps le salarié en arrêt maladie pouvait-il bénéficier du report des congés payés qu'il n'a pas pu prendre du fait de son arrêt ?
- en l'absence de dispositions spécifiques dans le droit français à ce moment-là, le report illimité des congés payés non pris était-il possible ou était-ce contraire au droit européen ?
Une réponse à ces questions était d'autant plus nécessaire pour régler le sort des salariés en arrêt maladie longue durée.
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) s'est prononcée sur cette question dans une décision du 9 novembre 2023, sans vraiment apporter de réponse précise comme l'attendaient les entreprises (15).
Concrètement, la CJUE a estimé qu'un report de moins de 15 mois et limité à 2 périodes de référence était tout à fait possible.
Le législateur s'est donc aligné sur cette position.
3 minutes pour tout comprendre sur le décompte des congés payés
Tableau récapitulatif
| Critères | Après la réforme du 22 avril 2024 |
| Acquisition de congés payés pendant un arrêt maladie non-professionnelle | Oui, droits acquis pendant toute la durée de l'arrêt |
| Acquisition de congés payés pendant un arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle (AT/MP) | Oui, sans limitation de durée |
| Période de report des congés non pris en raison de l'arrêt (impossibilité) | 15 mois à compter de la reprise du travail ou de l'information par l'employeur, selon les cas |
| Portée rétroactive de la réforme | Oui, pour les arrêts maladie survenus depuis le 1er décembre 2009, sauf pour la suppression de la limite d'un an pour les AT/MP qui n'est pas rétroactive |
| Délai pour agir en justice (salarié toujours en poste au 24 avril 2024) | 2 ans à compter du 24 avril 2024, soit jusqu'au 24 avril 2026 |
| Délai pour agir en justice (salarié ayant quitté l'entreprise avant le 24 avril 2024) | 3 ans à compter de la rupture de son contrat de travail |
Références :
(1) Article 37 de la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole
(2) Cass. Soc. 13 septembre 2023, n° 22-10529
(3) Article L3141-5 du Code du travail
(4) Article L3141-5-1 du Code du travail
(5) Article L3141-19-1 du Code du travail
(6) Article L3141-20 du Code du travail
(7) Article L3141-21-1 du Code du travail
(8) Cass. Soc., 10 septembre 2025, n°23-22732
(9) Article L3141-19-2 du Code du travail
(10) Cass.Soc., 13 novembre 2025, n°24-14084
(11) Article L3141-19-3 du Code du travail
(12) Cass. Soc. 2 octobre 2024, n° 23-14806
(13) Article L3141-3 du Code du travail
(14) Cass. Soc. 13 septembre 2023, n° 22-17340
(15) CJUE, 9 novembre 2023, aff. C-271/22 à C-275/22, Keolis Agen







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