Quelles sont les étapes à respecter avant de prononcer une mise à pied disciplinaire ?
Lorsque l'employeur envisage de prononcer une sanction lourde, telle qu'une mise à pied disciplinaire, il doit respecter la procédure prévue par la loi ou, si elle est plus favorable au salarié, par la convention collective.
Préalable requis : apprécier la gravité de la faute
Il n'y a pas de liste légale exhaustive concernant les motifs justifiant une mise à pied disciplinaire, mais il doit s'agir d'une faute suffisamment grave pour justifier la suspension temporaire, mais pas la rupture définitive du contrat de travail.
Important : en cas de litige avec un salarié allant jusqu'à une procédure devant le Conseil de prud'hommes (CPH), le juge :
- apprécie la régularité de la procédure suivie ;
- et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
L'employeur doit alors fournir les éléments retenus pour prendre la sanction. Après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles et au vu des éléments fournis par les parties, le Conseil de prud'hommes forme sa conviction.
Si un doute subsiste, il profite au salarié.
1. Convoquer le salarié à un entretien préalable avant sanction
Vérifier que la faute n'est pas prescrite
Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance - à moins que ce fait ait donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales (1).
Envoyer la lettre de convocation
Avant de prononcer la mise à pied disciplinaire du salarié, vous devez le convoquer à un entretien préalable à sanction, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge.
Cette lettre doit indiquer (2) :
- l'objet de l'entretien ;
- la date, l'heure et le lieu de l'entretien ;
- la possibilité pour le salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.
2. Recevoir le salarié en entretien préalable
Au cours de l'entretien, vous devez indiquer au salarié le motif de la sanction envisagée : les faits qui lui sont reprochés, c'est-à-dire pourquoi la sanction est éventuellement prévue, pour quelles raisons.
Vous devez également recueillir les explications du salarié tenant à son comportement fautif.
3. Choisir la sanction adéquate : mise à pied disciplinaire, mutation, rétrogradation, etc.
Après avoir reçu le salarié en entretien et recueilli ses explications, vous devez choisir la sanction définitive.
Si votre entreprise dispose d'un règlement intérieur, la sanction choisie doit y être prévue. À noter : l'établissement d'un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises d'au moins 50 salariés (4).
Si elle ne fait pas partie des sanctions prévues par le règlement intérieur de l'entreprise, vous ne pouvez pas la retenir (3).
Au regard de la faute commise, la sanction retenue doit être :
- justifiée ;
- et proportionnée.
4. Notifier la mise à pied disciplinaire au salarié : procédure et modèle
Après avoir reçu le salarié en entretien préalable et choisi la sanction adéquate, il convient de la lui notifier.
2 jours ouvrables minimum1 mois maximum
La notification ne peut être faite sans :
- attendre 2 jours ouvrables au moins après l'entretien ;
- et au plus tard 1 mois après.
La décision doit être écrite, motivée et préciser les griefs retenus à l'encontre du salarié pour sanctionner son comportement (5). La lettre de notification doit également indiquer la durée de cette sanction.
La notification de la mise à pied disciplinaire doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge.
Quelles sont les erreurs à ne pas commettre et les conséquences y afférentes ?
Des erreurs sont régulièrement observées lors de la mise en œuvre de la procédure disciplinaire.
1. Confondre mise à pied disciplinaire et mise à pied conservatoire
Ces 2 procédures n'ont pas le même objet :
- la mise à pied disciplinaire est une sanction disciplinaire à part entière.
Elle est prononcée à l'encontre d'un salarié qui a commis une faute d'une certaine gravité nécessitant son exclusion temporaire de l'entreprise ; - la mise à pied conservatoire est une mesure provisoire prise dans l'attente du prononcé d'une sanction.
Elle vise à écarter un salarié dont le maintien dans l'entreprise pourrait être préjudiciable, le temps qu'une sanction définitive soit prononcée à son encontre.
L'employeur peut avoir recours à la mise à pied conservatoire dans le cadre d'une procédure de licenciement pour faute - grave ou lourde.
2. Prononcer une mise à pied disciplinaire non prévue au règlement intérieur
Rappel : dans les entreprises dans lesquelles un règlement intérieur existe, que ce soit par obligation ou par choix, l'employeur ne peut pas prononcer de mise à pied disciplinaire si elle n'y est pas expressément prévue (6).
La mise à pied disciplinaire, même prévue par le règlement intérieur, n'est licite que s'il en précise la durée maximale (7).
À noter : en cas de litige relatif à la mise en place du règlement, il appartient à l'employeur de prouver qu'au jour du prononcé de la sanction, le seuil d'effectif de l'entreprise imposant la mise en place du règlement intérieur n'avait pas été atteint (8).
À lire aussi : Quelles sont les obligations des entreprises selon les effectifs : moins de 10, de 50 ou plus de 50 salariés ?
L'employeur doit également vérifier que la durée maximale de la mise à pied, fixée dans le règlement intérieur, ne dépasse pas celle fixée dans la convention collective applicable au sein de l'entreprise (9). Si tel est le cas, c'est la durée la plus courte qui s'applique.
3. Ne pas prévoir une durée déterminée à la mise à pied disciplinaire
La mise à pied disciplinaire ayant des conséquences sur la rémunération, elle doit avoir une durée déterminée, c'est-à-dire limitée dans le temps et fixée à l'avance.
Sa durée doit ainsi être proportionnelle à la faute commise par le salarié.
4. Reporter l'exécution d'une mise à pied disciplinaire après l'arrêt de travail
Lorsqu'une mise à pied disciplinaire a été décidée avant que le salarié ne soit en arrêt maladie, l'exécution de la sanction ne peut pas être reportée (10).
Si la mise à pied disciplinaire n'a pas d'effet sur le versement des indemnités journalières, l'employeur n'est, en revanche, pas tenu de verser au salarié des indemnités complémentaires pendant la période de mise à pied qui coïncide avec l'arrêt maladie.
Annulation de la mise à pied disciplinaire : causes et effets
Le salarié peut demander l'annulation de la mise à pied disciplinaire prononcée par l'employeur pour les raisons suivantes :
- lorsque l'employeur applique une mise à pied disciplinaire au salarié alors qu'elle n'est pas prévue par le règlement intérieur ;
- lorsque la durée maximale de la mise à pied n'est pas prévue au règlement ;
- lorsque la durée de la sanction excède celle prévue par le règlement intérieur ou la convention collective ;
- lorsque l'employeur applique une mise à pied disciplinaire à un salarié sans avoir respecté la procédure applicable.
Le salarié est fondé à envoyer un courrier à l'employeur pour contester la mise à pied disciplinaire prise à son encontre.
Pour en savoir plus sur comment contester une sanction disciplinaire : Contester une sanction disciplinaire : 6 points à vérifier avant de vous lancer !
(1) Article L1332-4 du Code du travail
(2) Articles L1332-1, L1332-2 et R1332-1 du Code du Travail
(3) Cass. Soc., 26 octobre 2010, n°09-42740
(4) Article L1311-2 du Code du travail
(5) Article R1332-2 du Code du travail
(6) Cass. Soc., 26 octobre 2010, n°09-42740
(7) Cass. Soc., 26 février 2013, n°11-28293
(8) Cass. Soc., 6 janvier 2021, n°19-14440
(9) Cass. Soc., 24 novembre 2010, n°09-42267
(10) Cass. Soc., 21 octobre 2003, n°01-44169
merci très clair