Qu'est-ce qu'une mise à pied disciplinaire ?
Définition de la mise à pied disciplinaire : objectif, durée maximale, fautes
Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif [...]."
Article L1331-1 du Code du travail
Sanction disciplinaire, la mise à pied disciplinaire permet d’écarter, temporairement, un salarié fautif de l’entreprise.
Lors de cette période particulière, généralement de quelques jours, le contrat de travail du salarié concerné est suspendu : il ne doit plus se rendre au travail ni exécuter ses missions.
Il ne s’agit ni d’une modification, ni d’un changement du contrat de travail. De ce fait, la mise à pied disciplinaire n’est pas soumise à l’accord préalable du salarié, comme cela peut être le cas lors d’une rétrogradation disciplinaire par exemple.
Le Code de travail ne fixe ni la durée maximale de la mise à pied disciplinaire, ni une liste de fautes pouvant justifier une telle sanction :
-
la durée maximale de la mise à pied disciplinaire doit être prévue par votre règlement intérieur ;
-
la faute commise est laissée à votre appréciation, c’est à vous, en tant qu’employeur, d’apprécier si les faits commis justifient, de façon proportionnée, une telle sanction.
💡 Bon à savoir : comme tout autre sanction, la mise à pied disciplinaire ne doit pas reposer sur une discrimination (origine, âge, opinions politiques, etc.).
Une sanction prévue par le règlement intérieur
Tout employeur ne peut pas nécessairement prononcer une mise à pied disciplinaire pour sanctionner un salarié fautif. Une telle sanction ne peut être prononcée que si elle est prévue par le règlement intérieur de l’entreprise (1).
Effectivement, dans les entreprises dans lesquelles un règlement intérieur existe, que ce soit par obligation ou par choix, l'employeur ne peut pas prononcer de mise à pied disciplinaire si elle n'y est pas expressément prévue (2).
De plus, la mise à pied disciplinaire, même prévue par le règlement intérieur, n'est licite que s'il en précise la durée maximale (3).
Enfin, l'employeur doit également vérifier que la durée maximale de la mise à pied, fixée dans le règlement intérieur, ne dépasse pas celle fixée dans la convention collective applicable au sein de l'entreprise. Si tel est le cas, c'est la durée la plus courte qui s'applique, car plus favorable au salarié (4).
🔍 À lire aussi : Quelles sont les obligations des entreprises selon les effectifs : moins de 10, de 50 ou plus de 50 salariés ?
Mise à pied disciplinaire ou mise à pied conservatoire : quelles différences ?
Il ne faut pas confondre la mise à pied disciplinaire avec la mise à pied conservatoire, qui désigne une mesure préventive pendant laquelle le salarié est écarté de l’entreprise dans l’attente d’une sanction. Elle est généralement prononcée pour des faits d’une particulière gravité, qui ne permettent pas de maintenir le salarié dans l’entreprise (5).
📌 Exemple : prononcer une mise à pied conservatoire peut permettre d’assurer la sécurité des autres collaborateurs si les faits commis sont des actes de violence qui pourraient se réitérer.
De façon synthétique, ces 2 procédures n'ont pas le même objet :
-
la mise à pied disciplinaire est une sanction disciplinaire à part entière. Elle est prononcée à l'encontre d'un salarié qui a commis une faute d'une certaine gravité nécessitant son exclusion temporaire de l'entreprise ;
- la mise à pied conservatoire est une mesure provisoire prise dans l'attente du prononcé d'une sanction. Elle vise à écarter un salarié dont le maintien dans l'entreprise pourrait être préjudiciable, le temps qu'une sanction définitive soit prononcée à son encontre. À la différence de la mise à pied disciplinaire, cette mesure peut être à durée indéterminée.
Habituellement, l'employeur peut avoir recours à la mise à pied conservatoire dans le cadre d'une procédure de licenciement pour faute grave ou de licenciement pour faute lourde.
Les conséquences de la sanction sur le contrat de travail et la rémunération du salarié
Quelles conséquences pendant la mise à pied disciplinaire ?
Durant toute la durée de la mise à pied disciplinaire, le salarié n’est pas rémunéré.
En effet, puisque son contrat de travail est suspendu, le salarié ne fournit pas de prestation de travail. De fait, l’employeur doit procéder à une retenue sur salaire, proportionnelle aux jours non travaillés.
💡 Bon à savoir : la mise à pied disciplinaire n’est pas pour autant considérée comme une sanction pécuniaire. Son impact sur la rémunération du salarié est l’une de ses conséquences, mais ne constitue pas son objet premier, à savoir écarter temporairement le salarié de l’entreprise. Rappelons que les sanctions pécuniaires et les amendes sont interdites (6).
La conjugaison de toutes ces conséquences font de la mise à pied disciplinaire une sanction particulièrement dissuasive.
Quelles sont les suites après la mise à pied disciplinaire ?
Une fois que la mise à pied disciplinaire a pris fin, le salarié peut réintégrer les locaux de l’entreprise et reprendre son travail. Il perçoit donc sa rémunération dans les mêmes conditions qu’auparavant.
Enfin, puisqu’il a exécuté sa sanction, les faits ayant donné lieu à la mise à pied disciplinaire ne peuvent plus être sanctionnés.
Comment se passe la procédure légale de mise à pied disciplinaire ?
Lorsque l'employeur envisage de prononcer une sanction lourde, telle qu'une mise à pied disciplinaire, il doit respecter la procédure prévue par la loi ou, si elle est plus favorable au salarié, par la convention collective.
En principe, seules les sanctions légères, comme un simple avertissement, ne requièrent pas une telle procédure.
1. Préalable requis : apprécier la gravité de la faute
Il n'y a pas de liste légale exhaustive concernant les motifs justifiant une mise à pied disciplinaire. Il doit s'agir d'une faute suffisamment grave pour justifier la suspension temporaire, mais pas la rupture définitive du contrat de travail.
Effectivement, en cas de litige avec un salarié devant le conseil de prud'hommes (CPH), le juge (7) :
- apprécie la régularité de la procédure suivie ;
- mais également si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.
💡 Bon à savoir : en cas de litige, l'employeur doit fournir les éléments retenus pour prendre la sanction. De plus, la loi précise que le doute profite au salarié.
2. Convoquer le salarié à un entretien préalable avant sanction
Vérifier que la faute n'est pas prescrite
2 moisdélai de prescription
Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance (8).
Ce délai est cependant suspendu si ce fait a donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales.
Envoyer la lettre de convocation
Avant de prononcer la mise à pied disciplinaire du salarié, vous devez le convoquer à un entretien préalable à sanction, par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge.
Cette lettre doit indiquer (9) :
- l'objet de l'entretien ;
- la date, l'heure et le lieu de l'entretien ;
- la possibilité pour le salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise (exemple : un représentant du personnel).
Le Code du travail ne prévoit pas de disposition relative au délai entre la convocation et la date fixée pour l'entretien préalable. Le salarié doit pouvoir disposer d'un délai raisonnable, c'est-à-dire suffisant pour se préparer à cet entretien et, s'il en ressent le besoin, faire appel à un autre salarié qui viendra l'assister.
🔍 À lire également : Convocation à l'entretien préalable au licenciement : procédure incontournable et Entretien préalable licenciement : l'assistance de l'employeur
3. Recueillir les explications du salarié lors de l’entretien préalable
Au cours de l'entretien, vous devez indiquer au salarié le motif de la sanction envisagée : les faits qui lui sont reprochés, c'est-à-dire pourquoi la sanction est éventuellement prévue et pour quelles raisons.
Vous devez également recueillir les explications du salarié tenant à son comportement fautif.
Notez que le salarié n’a pas l’obligation de se rendre à cet entretien.
4. Choisir la sanction adéquate : mise à pied disciplinaire, mutation, rétrogradation, etc.
Après avoir reçu le salarié en entretien et recueilli ses explications, vous devez choisir la sanction définitive, si vous considérez qu’une telle mesure est nécessaire.
Rappelons que si votre entreprise dispose d'un règlement intérieur, la sanction choisie doit y être prévue.
Si la mise à pied disciplinaire ne fait pas partie des sanctions prévues par le règlement intérieur de l'entreprise, vous ne pouvez pas la retenir (10).
Dans tous les cas, au regard de la faute commise et des explications fournies par le salarié, la sanction retenue doit être :
- justifiée ;
- et proportionnée.
5. Notifier la mise à pied disciplinaire au salarié
Entre 2 jours et 1 moisdélai de notification
Après avoir reçu le salarié en entretien préalable et choisi la sanction adéquate, il convient de la lui notifier. C’est donc à l’occasion de cette étape que vous prononcez la mise à pied disciplinaire à l’encontre du salarié.
La notification ne peut être faite sans :
- attendre 2 jours ouvrables au moins après l'entretien ;
- et au plus tard 1 mois après.
La décision doit être écrite, motivée et préciser les griefs retenus à l'encontre du salarié pour sanctionner son comportement (11). L'objectif est de permettre à celui-ci d'être correctement informé des faits qui lui sont reprochés et de la sanction choisie pour le sanctionner. La lettre de notification doit également indiquer la durée de cette sanction.
La notification de la mise à pied disciplinaire doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge.
💡 Bon à savoir : si le salarié concerné est un salarié protégé (exemple : membre du CSE), vous n’avez pas à recueillir son accord pour le sanctionner avec une mise à pied disciplinaire (12). Son refus d'exécuter la mise à pied disciplinaire sous prétexte qu'il n'a pas donné son accord serait donc fautif.
Quelles sont les erreurs à ne pas commettre et les conséquences d’éventuelles irrégularités ?
Les erreurs à éviter
🚫 Voici une liste, non exhaustive, des erreurs à éviter lorsque vous souhaitez prononcer une mise à pied disciplinaire :
-
confondre la mise à pied disciplinaire et la mise à pied conservatoire : la mise à pied conservatoire n’est pas une sanction disciplinaire ;
-
prononcer une mise à pied disciplinaire alors qu’elle n’est pas prévue par votre règlement intérieur ;
-
prononcer une mise à pied disciplinaire tandis que le règlement intérieur ne prévoit pas sa durée maximale ;
-
prononcer une mise à pied disciplinaire sans durée déterminée ou dont la durée n’est pas proportionnée à la faute commise ;
-
fixer une durée de la mise à pied supérieure à celle prévue par le règlement intérieur ou la convention collective (si la durée conventionnelle est plus favorable au salarié) ;
-
prononcer une mise à pied disciplinaire alors que la faute du salarié ne justifie pas une sanction lourde ;
-
ne pas respecter la procédure disciplinaire obligatoire prévue pour prononcer une mise à pied disciplinaire (exemple : ne pas notifier la mise à pied disciplinaire par écrit et dans les délais impartis) ;
-
ne pas permettre au salarié de se défendre lors de l’entretien ;
-
reporter l'exécution d'une mise à pied disciplinaire après l'arrêt de travail : lorsqu'une mise à pied disciplinaire a été décidée avant que le salarié ne soit en arrêt maladie, l'exécution de la sanction ne peut pas être reportée (13) ;
-
etc.
Conséquences pour l’employeur et recours du salarié
Dans la majorité de ces cas, l’erreur commise permet au salarié de demander l'annulation de la mise à pied disciplinaire prononcée. Le salarié est alors fondé à envoyer un courrier à l'employeur pour contester la mise à pied disciplinaire prise à son encontre, voire à saisir le conseil de prud’hommes.
Si la sanction est annulée, l’employeur devra verser la rémunération correspondant à la durée de la mise à pied disciplinaire.
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(2) Cass. Soc. 26 octobre 2010, n°09-42740 ; Cass. Soc. 6 janvier 2021, n°19-14440
(3) Cass. Soc. 26 février 2013, n°11-28293
(4) Cass. Soc. 24 novembre 2010, n°09-42267
(5) Article L1332-3 du Code du travail
(6) Article L1334-1 du Code du travail
(7) Article L1333-1 du Code du travail
(8) Article L1332-4 du Code du travail
(9) Articles L1332-1, L1332-2 et R1332-1 du Code du Travail
(10) Cass. Soc. 26 octobre 2010, n°09-42740
(11) Article R1332-2 du Code du travail
(12) Cass. Soc. 11 décembre 2024, n°23-14178
(13) Cass. Soc. 21 octobre 2003, n°01-44169
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