La mise à pied conservatoire avant une sanction disciplinaire
Définition
La mise à pied conservatoire est une mesure provisoire prise par l'employeur lorsqu'une faute grave a été commise par un salarié, rendant impossible son maintien dans l'entreprise.
Elle permet à l'employeur d'exclure le salarié fautif, pendant le déroulement de la procédure pouvant aboutir à une sanction disciplinaire à l'encontre du salarié protégé comme à un licenciement pour faute grave.
Distinction de la mise à pied conservatoire et de la mise à pied disciplinaire
Rappel : la mise à pied conservatoire est une mesure prise par l'employeur, dans l'attente d'une sanction disciplinaire.
La mise à pied disciplinaire est une sanction à part entière : elle peut être prononcée à l'issue d'une mise à pied conservatoire.
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Procédure et délais applicables : convocation, entretien préalable et notification ?
Pas de procédure prévue par la loi à l'égard du salarié mis à pied à titre conservatoire...
La loi n'impose ni convocation, ni entretien préalable, ni notification de la mesure de mise à pied conservatoire ! N'étant pas une sanction, mais bien une mesure conservatoire, le législateur ne prévoit pas de procédure particulière à l'égard du salarié.
L'employeur peut signifier sa mise à pied à titre conservatoire au salarié, oralement.
... mais un écrit possible et une procédure disciplinaire à engager
Le caractère conservatoire de la mise à pied ne doit pas présenter d'ambigüité : à défaut, la mise à pied pourrait être assimilée à une mise à pied disciplinaire et épuiserait le pouvoir disciplinaire de l'employeur.
En pratique, après lui avoir indiqué la mesure à l'oral, l'employeur la notifie par écrit au salarié, avec une mention expresse sur la nature conservatoire de la mesure.
Dans le courrier de confirmation de la mesure, l'employeur peut convoquer le salarié à un entretien disciplinaire ou préalable au licenciement.
À savoir : lorsque les faits reprochés au salarié ont rendu indispensable une mesure conservatoire de mise à pied à effet immédiat, aucune sanction définitive relative à ces faits ne peut être prise sans que la procédure disciplinaire ait été suivie.
Cette procédure (convocation, entretien préalable, notification) doit être engagée en même temps que la mise à pied conservatoire, ou au moins, dans un délai raisonnable.
La Cour de cassation a déjà considéré qu’un délai de 7 jours entre le prononcé de la mise à pied conservatoire et l’engagement de la procédure de licenciement était trop long, quand bien même ce délai ne comptait que "quatre jours travaillés" (1).
Combien de temps peut durer une mise à pied conservatoire ?
Lorsque la mise à pied conservatoire concerne un représentant du personnel, l'employeur peut prononcer la mise à pied conservatoire immédiate de l'intéressé dans l'attente de la décision définitive de l'inspection du travail (2).
La durée de la mise à pied conservatoire n'a pas de maximum légal, puisqu'elle est liée à la procédure disciplinaire amorcée en parallèle. Elle peut être limitée lorsqu'elle est prise en vue d'un licenciement pour faute grave ou lourde.
Mise à pied conservatoire d'un membre de la délégation du personnel du CSE et d'un représentant de proximité : une protection renforcée
Lorsque la mise à pied conservatoire concerne un salarié membre de la délégation du personnel du CSE ou un représentant de proximité :
- la mise à pied conservatoire peut être prononcée immédiatement par l'employeur.
Ses effets seront supprimés de plein droit si le licenciement est refusé (3) ;
- la consultation du CSE a lieu dans un délai de 10 jours à compter de la date de mise à pied (4).
La demande d'autorisation de licenciement doit être présentée à l'inspecteur du travail dans les 48h suivant la délibération du CSE. Si l'avis de ce dernier n'est pas requis, cette demande est présentée dans un délai de 8 jours à compter de la date de la mise à pied.
Mise à pied conservatoire des autres salariés protégés
Pour les autres salariés protégés (délégué syndical, salarié mandaté, membre de la délégation du personnel au CSE interentreprises et conseiller du salarié), la mise à pied conservatoire de l'intéressé est immédiate dans l'attente de la décision définitive.
À noter :
Dans les entreprises de moins de 300 salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical (DS) est, de droit, représentant syndical au CSE (5) et bénéficie donc de la protection renforcée.
Si le licenciement est refusé, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit (6).
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Application pratique de la procédure de mise à pied à titre conservatoire du salarié protégé
La Cour de cassation s'est déjà prononcée sur la validité de la mise à pied conservatoire d'un salarié protégé (7).
En l'espèce, un DS avait commis une faute grave - selon le chef d'entreprise - qui, en vue d'une sanction disciplinaire importante, lui avait notifié une mise à pied conservatoire. L'employeur n'avait pas informé l'inspecteur du travail de cette mesure dans le délai de 48h prévu par les textes. Le salarié avait donc invoqué la nullité de la procédure disciplinaire. Il a finalement été sanctionné par un blâme et non un licenciement pour faute grave.
Les juges ont estimé que le défaut d'information de l'inspecteur du travail, dans les délais de la mise en place d'une mise à pied conservatoire, constituait bien une irrégularité de procédure devant conduire au paiement des rémunérations dues pendant toute la période de mise à pied.
Le salarié protégé perçoit-il une rémunération pendant la mise à pied conservatoire ?
Non, la mise à pied entraînant la suspension du contrat de travail du salarié, celui-ci ne perçoit pas de rémunération.
L’employeur doit calculer le nombre d’heures de travail non exécutées par le salarié pendant la suspension et les déduire de la rémunération brute du mois concerné, en opérant une retenue sur salaire. Une mention particulière doit apparaître sur le bulletin de paie.
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Il s'agit d'une décision qui s'inscrit dans une jurisprudence constante en la matière (8).
La mise à pied conservatoire suspend-elle le mandat du salarié protégé ?
La Cour de cassation s'est prononcée sur la question : non, "la mise à pied d'un représentant du personnel ou d'un délégué syndical, qu'elle soit de nature conservatoire ou disciplinaire, n'a pas pour effet de suspendre l'exécution de son mandat" et ne constitue pas, en soi, ni une entrave aux fonctions de délégué syndical, ni à celui du fonctionnement d'un CSE.
Références :
(1) Cass. Soc, 18 mars 2009, n°07-44185 et Cass.Soc. 14 avril 2021, n°20-12920
(2) Articles L2421-1 et R2421-6 du Code du travail
(3) Articles L2421-3 et L2421-4 du Code du travail
(4) Article R2421-4 du Code du travail
(5) Article L2143-22 du Code du travail
(6) Articles L2421-5 et L2421-6 du Code du travail
(7) Cass. Soc, 18 janvier 2017, n°15-24599
(8) Cass. Soc, 23 juin 1999, n°97-42202
Contenu claire et précis.