La mise à pied conservatoire avant une sanction disciplinaire : rappels
Définition de la mise à pied conservatoire
La mise à pied conservatoire est une mesure provisoire prise par l'employeur lorsqu'une faute grave a été commise par un salarié, rendant impossible son maintien dans l'entreprise.
Pendant le déroulement d'une procédure, qu'il s'agisse d'une sanction disciplinaire à l'encontre du salarié protégé ou encore d'un licenciement pour faute grave, la mesure de mise à pied permet à l'employeur d'exclure ce dernier dès lors qu'il est fautif.
La mise à pied conservatoire prend fin à la date du prononcé de la décision définitive.
Distinction entre mise à pied conservatoire et mise à pied disciplinaire
| Critères | Mise à pied disciplinaire | Mise à pied conservatoire |
| Définition | Sanction disciplinaire à part entière qui consiste à suspendre temporairement le contrat de travail | Mesure prise par l'employeur, dans l'attente d'une sanction disciplinaire (souvent un licenciement) |
| But | Punir un comportement fautif du salarié | Protéger l'entreprise en éloignant immédiatement le salarié |
| Durée | Fixée par l’employeur, souvent de quelques jours | Non déterminée à l’avance, doit rester raisonnable |
| Recours possible | Contestable devant le conseil de prud'hommes | Contestable si abusive ou trop longue |
💡Pour en savoir plus, consultez notre actualité dédiée : Les différences entre la mise à pied conservatoire et la mise à pied disciplinaire
Qu'est-ce qu'un salarié protégé ?
Définition
Le salarié est dit salarié protégé - c'est-à-dire qu'il bénéficie d'une protection contre le licenciement - dès lors qu'il est candidat lors d'une élection professionnelle, titulaire ou ancien titulaire d'un mandat de représentant du personnel ou exerçant certaines fonctions extérieures à l'entreprise.
📌 L'objectif de cette protection est d'éviter que la procédure de licenciement engagée par l'employeur ait un lien avec son mandat ou sa fonction.
Liste des salariés protégés
Le Code du travail fixe l'ensemble des fonctions et mandats conférant protection au salarié (1).
Voici les principaux salariés protégés (liste non-exhaustive) :
- membre du CSE (titulaire et suppléant) ;
- délégué syndical ;
- représentant syndical au CSE ;
- représentant de la section syndicale ;
- représentant des salariés, désigné dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, d'une liquidation ou d'un redressement judiciaire ;
- conseiller prud'homme ;
- conseiller du salarié ;
- défenseur syndical.
Procédure et délai applicable de la mise à pied conservatoire d'un salarié protégé
Aucune procédure prévue par la loi à l'égard du salarié protégé mis à pied à titre conservatoire...
La loi n'impose ni convocation, ni entretien préalable, ni notification de la mesure de mise à pied conservatoire ! N'étant pas une sanction, mais bien une mesure conservatoire, le législateur ne prévoit pas de procédure particulière à l'égard du salarié.
L'employeur peut signifier sa mise à pied à titre conservatoire au salarié, oralement.
...mais un écrit possible et une procédure disciplinaire à engager
Le caractère conservatoire de la mise à pied ne doit pas présenter d’ambiguïté : à défaut, la mise à pied pourrait être assimilée à une mise à pied disciplinaire et priverait l’employeur de toute autre sanction pour les mêmes faits.
En pratique, après lui avoir indiqué la mesure à l'oral, l'employeur la notifie par écrit au salarié, avec une mention expresse sur la nature conservatoire de la mesure.
Dans le courrier de confirmation de la mesure, l'employeur peut convoquer le salarié à un entretien disciplinaire ou préalable au licenciement.
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Cette procédure (convocation, entretien préalable, notification) doit être engagée en même temps que la mise à pied conservatoire, ou au moins, dans un délai raisonnable.
⚖ La chambre sociale de la Cour de cassation a déjà considéré qu’un délai de 7 jours entre le prononcé de la mise à pied conservatoire et l’engagement de la procédure de licenciement était trop long, quand bien même ce délai ne comptait que "quatre jours travaillés" (3).
Combien de temps peut durer une mise à pied conservatoire pour le salarié protégé ?
Lorsque la mise à pied conservatoire concerne un représentant du personnel, l'employeur peut prononcer la mise à pied conservatoire immédiate de l'intéressé dans l'attente de la décision définitive de l'inspection du travail (4).
⏰ La durée de la mise à pied conservatoire n'a pas de maximum légal, puisqu'elle est liée à la procédure disciplinaire amorcée en parallèle. Elle doit être de courte durée. En effet, l'employeur est tenu de convoquer rapidement le salarié à un entretien préalable, car un maintien prolongé de la mise à pied dans ce cadre peut être requalifié comme une sanction disciplinaire.
La mise à pied conservatoire d'un membre de la délégation du personnel du CSE et d'un représentant de proximité : une protection renforcée
Lorsque la mise à pied conservatoire concerne un salarié membre de la délégation du personnel du CSE ou un représentant de proximité :
- la mise à pied conservatoire peut être prononcée immédiatement par l'employeur. Les effets de la mise à pied seront supprimés de plein droit si le licenciement est refusé par l'inspecteur du travail (5) ;
- la consultation du CSE a lieu dans un délai de 10 jours à compter de la date de mise à pied (6). La demande d'autorisation de licenciement doit être présentée à l'inspecteur du travail dans les 48 heures suivant la délibération du CSE. Si l'avis de ce dernier n'est pas requis, cette demande est présentée dans un délai de 8 jours à compter de la date de la mise à pied.
La mise à pied conservatoire des autres salariés protégés
Pour les autres salariés protégés (notamment délégué syndical, salarié mandaté, membre de la délégation du personnel au CSE interentreprises et conseiller du salarié), la mise à pied conservatoire de l'intéressé peut également être prononcée immédiatement dans l'attente de la décision définitive. La mise à pied doit être motivée et notifiée à l'inspecteur du travail dans le délai de 48 heures à compter de sa prise d'effet (4).
📌 À noter : dans les entreprises de moins de 300 salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises, le délégué syndical (DS) est, de droit, représentant syndical au CSE (7) et bénéficie donc d'une protection renforcée. De même pour le délégué syndical qui est également membre de la délégation du personnel au CSE. Il bénéficie alors de la même procédure que celle indiquée dans la partie précédente.
Si le licenciement est refusé, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit (8).
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Application pratique de la procédure de mise à pied à titre conservatoire du salarié protégé
⚖ La Cour de cassation s'est déjà prononcée sur la validité de la mise à pied conservatoire d'un salarié protégé (9).
En l'espèce, un délégué syndical avait commis une faute grave - selon le chef d'entreprise - qui, en vue d'une sanction disciplinaire importante, lui avait notifié une mise à pied conservatoire. L'employeur n'avait pas informé l'inspecteur du travail de cette mesure dans le délai de 48h prévu par les textes. Le salarié avait donc invoqué la nullité de la procédure disciplinaire. Il a finalement été sanctionné par un blâme et non un licenciement pour faute grave.
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Les juges ont estimé que le défaut d'information de l'inspecteur du travail, dans les délais de la mise en place d'une mise à pied conservatoire, constituait bien une irrégularité de procédure devant conduire au paiement des rémunérations dues pendant toute la période de mise à pied.
Le salarié protégé perçoit-il une rémunération pendant la mise à pied conservatoire ?
Non, puisque que la mise à pied entraîne la suspension du contrat de travail, le salarié ne perçoit pas de rémunération.
L’employeur doit calculer le nombre d’heures de travail non exécutées par le salarié pendant la suspension et les déduire de la rémunération brute du mois concerné, en opérant une retenue sur salaire. Une mention particulière doit apparaître sur le bulletin de paie.
Il s'agit d'une décision qui s'inscrit dans une jurisprudence constante en la matière (10).
La mise à pied conservatoire suspend-elle le mandat du salarié protégé ?
⚖ La Cour de cassation considère que "la mise à pied d'un représentant du personnel ou d'un délégué syndical, qu'elle soit de nature conservatoire ou disciplinaire, n'a pas pour effet de suspendre l'exécution de son mandat" et ne constitue en soi, ni une entrave aux fonctions de délégué syndical, ni à celui du fonctionnement d'un CSE (11).
3 minutes pour tout comprendre sur la mise à pied conservatoire
Références :
(1) Articles L2411-1 et L2411-2 du Code du travail
(2) Article L1332-3 du Code du travail
(3) Cass. Soc. 18 mars 2009, n° 07-44185 et Cass. Soc. 14 avril 2021, n° 20-12920
(4) Articles L2421-1 et R2421-6 du Code du travail
(5) Articles L2421-3 et L2421-4 du Code du travail
(6) Article R2421-14 du Code du travail
(7) Article L2143-22 du Code du travail
(8) Articles L2421-5 et L2421-6 du Code du travail
(9) Cass. Soc. 18 janvier 2017, n° 15-24599
(10) Cass. Soc. 23 juin 1999, n° 97-42202
(11) Cass. Crim. 8 avril 2014, n° 12-85800






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