2023 : déduction forfaitaire des heures supplémentaires

Les modalités de déduction forfaitaire des heures supplémentaires applicables aux entreprises de moins de 20 salariés ont été alignées aux entreprises de 20 à 249 salariés (1).

Nouveauté d'autant plus importante que cette déduction s'impute désormais sur les cotisations dues au titre de l'ensemble de la rémunération versée au salarié au moment du paiement de la durée de travail supplémentaire (et non sur les seules cotisations relatives à la majoration de salaire).

1. Heures supplémentaires : définition et réglementation

Par principe, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire de travail - 35 heures - ou au-delà d'une durée considérée comme équivalente par une disposition conventionnelle, est une heure supplémentaire (2).

35 heuresDurée légale du travail

Pour autant, en pratique, toute heure répondant à cette définition n'est pas systématiquement qualifiée d'heure supplémentaire. La jurisprudence, en tranchant sur des questions relatives aux notions de contrôle et de demande implicite ou explicite de l'employeur, est venue apporter des précisions sur ce point (3).

Comment qualifier une heure de travail qui dépasse la durée légale de travail ? Quelles heures effectivement réalisées, êtes-vous tenu de régler ?

  Bon à savoir

Lorsque la durée collective de travail conventionnelle est inférieure à 35 heures par semaine, les heures supplémentaires sont décomptées à partir de la 35ème heure seulement (sauf dispositions légales ou conventionnelles contraires). Par conséquent, les heures effectuées au-delà de la durée conventionnelle fixée et jusqu'à hauteur de la durée légale (soit 35 heures), ne sont pas des heures supplémentaires.

2. Comment réaliser le calcul des heures supplémentaires ?

 Principe : Le calcul des heures supplémentaires s'effectue par semaine (4).

Néanmoins, une convention, un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut très bien fixer une période de 7 jours consécutifs afin de déterminer la semaine (5).

Vous souhaitez savoir si la convention collective applicable dans votre entreprise prévoit une période ou une durée hebdomadaire de travail différente de la durée légale ?

A défaut de dispositions conventionnelles, la semaine débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures (6).

3. Qui décide des heures supplémentaires ?

La décision de faire réaliser des heures supplémentaires aux salariés est prise par l'employeur, de par son pouvoir de direction. 

Il n'existe aucun droit à heures supplémentaires pour le salarié (sauf à ce que vous vous y soyez engagé et que cela est inscrit sur son contrat de travail) (7)Dès lors que l'activité de l'entreprise ne le justifie plus, vous pouvez, à tout moment, décider de ne plus en donner à exécuter au salarié, même s'il avait l'habitude d'en effectuer.

4. Est-ce obligatoire pour le salarié de faire des heures supplémentaires ?

Le salarié est en droit de refuser d'effectuer des heures supplémentaires si l'employeur commet un abus de droit.

En principe, le salarié ne peut pas refuser de rester travailler plus longtemps. En effet, les heures supplémentaires sont obligatoires lorsque c'est vous qui lui demandez de les effectuer.

Cependant, dans certains cas, le salarié est en droit de refuser d'effectuer des heures supplémentaires, en raison de l'abus de droit commis par l'employeur.

C'est notamment le cas dans les situations suivantes :

- l'employeur n'a pas prévenu le salarié suffisamment tôt : la loi ne prévoit aucun délai minimal à respecter, néanmoins, il ne doit pas être trop court (8) ;

- l'employeur impose systématiquement au salarié d'effectuer des heures supplémentaires le samedi (9) ;

- les heures supplémentaires ne répondent pas aux impératifs liés à l'organisation de l'entreprise et les nécessités de l'entreprise ne l'exigent pas ;

- l'employeur n'a pas attribué au salarié de repos compensateur au titre des heures supplémentaires précédemment effectuées (10).

Attention ! Le recours systématique aux heures supplémentaires peut être considéré comme une pratique modifiant de manière unilatérale le contrat de travail du salarié (11).

Comment savoir si vous pouvez bien imposer des heures supplémentaires à votre salarié ? Où se situe la limite du raisonnable ? Pouvez-vous sanctionner, voire licencier un salarié qui refuse d'en effectuer ?

5. Quelles sont les limites à l'accomplissement d'heures supplémentaires ? Combien le salarié peut-il en faire par semaine ? Quel est le maximum par mois ?

Respect des durées maximales de travail

Si vous pouvez demander à votre salarié de travailler plus de 35 heures par semaine, vous êtes tenu de respecter les durées maximales légales de travail.

A savoir :

Le salarié ne peut pas travailler plus de :

  • 48 heures sur une semaine (12) ;
  • ou 44 heures en moyenne sur 12 semaines ;
  • ou 46 seulement si cela est prévu par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche (13).

En cas de circonstances exceptionnelles et sur autorisation de l'autorité administrative, l'employeur peut demander à ses salariés de travailler jusqu'à 60 heures par semaine (14). Le comité social et économique (CSE) ou, à défaut, les délégués du personnel, s'ils existent, doivent donner leur avis sur les demandes d'autorisation formulées à ce titre. Cet avis est transmis à l'agent de contrôle de l'inspection du travail.

48 H maximum par semaine

Respect du contingent annuel d'heures supplémentaires. Que dit le Code du travail ?

Les heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un certain nombre, appelé contingent annuel (15).

Le contingent annuel est déterminé en priorité par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement. A défaut, il l'est par une convention ou un accord de branche (16).

  A savoir :

Lorsque le contingent annuel est fixé par accord collectif, les heures supplémentaires, accomplies dans la limite du contingent, font l'objet d'une information du CSE. Les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent font, quant à elles, l'objet d'un avis préalable du CSE

Vous souhaitez solliciter l'avis du CSE pour dépasser le contingent annuel d'heures supplémentaires ? Faites-le par courrier.

À défaut d'accord, le contingent annuel d'heures supplémentaires (17) est fixé à 220 heures par salarié et le CSE doit être consulté au moins une fois par an sur les modalités d'utilisation du contingent annuel d'heures supplémentaires et de son éventuel dépassement (18).

6. Quels sont les taux de majoration des heures supplémentaires ? Comment et combien sont-elles payées ?

10%Taux de majoration minimum

Une convention, un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche, peut prévoir le ou les taux de majoration des heures supplémentaires, sans que ce taux ne puisse être inférieur à 10% (16).

Ce n'est qu'à défaut d'accord, que les taux de majoration suivants s'appliquent (19) :

  • 25% pour chacune des 8 premières heures : soit de la 36ème à la 43ème heure ;
  • 50% au-delà (à compter de la 44ème heure).

L'accord peut également prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par un repos compensateur de remplacement.

  A noter

Les majorations pour heures supplémentaires sont calculées sur la base du salaire horaire effectif payé au salarié.

Les primes et indemnités versées en contrepartie directe ou inhérente à la nature du travail fourni, doivent également être prises en compte (20). C'est le cas pour :

  • les primes d'astreintes ;
  • les primes de travail de nuit ;
  • les primes du dimanche ;
  • les primes de danger ;
  • les primes d'assiduité (21) ;
  • les primes de rendement individuel (22) ;
  • les avantages en nature (23).

Sont en revanche exclus du salaire à prendre en compte :

  • les primes de panier ;
  • les primes d'ancienneté ;
  • les frais professionnels (24).

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7. Le paiement des heures supplémentaires peut-il être remplacé par un repos compensateur ?

Le paiement des heures supplémentaires peut être remplacé, en partie ou en totalité, par un repos compensateur - de remplacement -, si cela est prévu :

- par une convention ;

- un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ;

- ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche (16).

La durée du repos compensateur de remplacement est en priorité fixée par ces dispositions conventionnelles.

Votre entreprise n'a pas de délégué syndical ? Sa présence n'est pas indispensable pour négocier un accord collectif.

À défaut d'accord, les durées suivantes s'appliquent :

  • 1h15 pour les heures majorées à 25% ;
  • 1h30 pour les heures majorées à 50%.

  A noter :

Ce repos compensateur s'ajoute à la contrepartie obligatoire en repos pour les heures supplémentaires réalisées au-delà du contingent annuel.

Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical, le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par un repos compensateur équivalent, peut être mis en place par l'employeur à condition que le CSE ne s'y oppose pas (25).

L'employeur peut également adapter à l'entreprise, les conditions et les modalités d'attribution et de prise du repos compensateur de remplacement, après avis du CSE, qui, là encore, ne doit pas s'y opposer.

En tant qu'employeur, certaines de vos décisions supposent d'avoir été portées à la connaissance du CSE, pour avis. Dans quels cas le CSE doit-il obligatoirement être consulté ?

Si les heures supplémentaires en question, sont effectuées au-delà du contingent annuel, la majoration applicable, si elle n'est pas prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, un accord de branche, est de (26) :

  • 1h30 pour les entreprises de 20 salariés maximum ;
  • 2h00 pour les entreprises de + de 20 salariés.

  Important !

Au-delà d'un certain nombre d'heures de repos compensateur, le bulletin de salaire doit comporter une mention notifiant l'ouverture du droit à repos et l'obligation de le prendre, dans un délai maximum fixé par la loi, sauf précision conventionnelle contraire.

8. Les heures supplémentaires sont-elles imposables ou exonérées ?

Les mesures fiscales en faveur des salariés : exonération d'impôt et de cotisations

Les heures supplémentaires effectuées en 2022, sont non imposables, dans la limite de 7.500 EUR/an

Les heures supplémentaires effectuées en 2022 (ou complémentaires pour les salariés à temps partiel) et qui feront l'objet de la déclaration d'impôts 2023, sont exonérées d'impôt sur le revenu, dans la limite annuelle de 7.500 euros (27)

Seules les heures supplémentaires effectuées au-delà de ce plafond sont soumises à l'impôt.

Par ailleurs, les heures supplémentaires ou complémentaires effectuées, bénéficient également d'une exonération de cotisations salariales d'assurance vieillesse de base et complémentaire, dans la limite de 11,31%.

Les mesures fiscales en faveur des entreprises

Le dispositif de déduction forfaitaire, consistant en une déduction des cotisations patronales, a été étendu aux entreprises de 20 à 249 salariés (1)

La déduction existait déjà pour les entreprises de moins de 20 salariés mais concerne désormais toute heure supplémentaire effectuée à compter du 1er octobre 2022 par les salariés des entreprises de 20 à 249 salariés ; déduction qui s'applique également au titre des rachats de jours de repos, au-delà de 218, pour un salarié au forfait-jour.

A noter : Les employeurs pouvant appliquer la déduction forfaitaire patronale sont uniquement ceux dont les salariés sont éligibles à la réduction générale des cotisations et contributions patronales (28).

Le montant de la déduction diffère selon l'effectif de l'entreprise.

9. Quelles conséquences en cas de non-paiement des heures supplémentaires ? Le salarié peut-il refuser de faire des heures supplémentaires non payées ?

Versement d'un rappel de salaire pour heures supplémentaires non payées

Toute heure de travail réalisée par votre salarié doit lui être rémunérée.

Par conséquent, si vous ne lui réglez pas ses heures supplémentaires, vous vous exposez à devoir lui verser un rappel de salaire pour heures supplémentaires.

A savoir :

Le salarié dispose d'un délai de 3 ans pour demander le paiement des heures supplémentaires devant le Conseil de prud'hommes.

Rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur

L'employeur est tenu de rémunérer le salarié pour chacune des heures travaillées. Ne pas payer les heures travaillées au salarié s'apparente à un manquement grave à ses obligations.

Le non-paiement des heures supplémentaires est un motif de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur. En effet, le salarié peut rompre son contrat de travail, tout en considérant que cette rupture est imputable à son employeur.

Le non-paiement des heures supplémentaires constitue un manquement grave qui rend impossible la poursuite du contrat de travail.

Le salarié peut alors procéder de deux manières :

Vous êtes convoqué devant le Conseil de prud'hommes ?

Dans les deux cas, s'il est avéré que l'employeur a manqué à ses obligations, en refusant de rémunérer ses heures supplémentaires au salarié, il devra lui verser des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le montant des indemnités pour licenciement injustifié est plafonné (29).

Condamnation pour travail dissimulé

Constitue du travail dissimulé, le fait de mentionner sur le bulletin de salaire un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli (30). 

L'employeur risque ainsi :

  • de devoir verser une indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire au salarié, à titre d'indemnité pour travail non déclaré (31) ;
  • d'être condamné au paiement d'une amende pour travail dissimulé (32) ;
  • des sanctions administratives (33).

Attention ! 

En cas de recours au travail dissimulé, l'employeur encourt une amende de 45.000 euros et jusqu'à 3 ans d'emprisonnement.

Régularisation de charges sociales

En plus de devoir payer les heures supplémentaires effectuées par le salarié, vous allez devoir vous acquitter des cotisations sociales correspondantes, qui n'ont pas été versées.

10. Quelle est la différence entre heure supplémentaire et heure complémentaire ?

Les heures supplémentaires sont les heures effectuées au-delà de la durée légale du travail (35 heures) (ou de la durée conventionnelle), par les salariés à temps plein.

Les heures complémentaires, quant à elles, sont les heures effectuées par les salariés à temps partiel, au-delà de la durée prévue par leur contrat de travail, dans la limite de la durée légale ou conventionnelle fixée (34).

  Exemple :

Un salarié à temps partiel travaille 30 heures par semaine. Les salariés à temps plein de l'entreprise travaillent 35 heures (durée légale) par semaine. Si le salarié à temps partiel est exceptionnellement amené à effectuer 33 heures sur une semaine, la 31ème, la 32ème et la 33ème heure, sont des heures complémentaires.

Références :
(1) Loi n°2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023 
(2) Article L3121-28 du Code du travail
(3) Cour d'appel de Versailles, 12 février 2003, n° 01-3570
(4) Article L3121-29 du Code du travail
(5) Article L3121-32 du Code du travail
(6) Article L3121-35 du Code du travail
(7) Cass. Soc. 10 octobre 2012, n°11-10455 rectifié par arrêt Cass. Soc, 22 janvier 2013, n°11-10455
(8) Cass. Soc. 20 mai 1997, n°94-43653
(9) Cass. Soc, 16 mai 1991, n°89-44485 
(10) Cass. Soc, 5 novembre 2003, n°01-42798
(11) Cass. Soc., 8 septembre 2021,n°19-16908 
(12) Article L3121-20 du Code du travail
(13) Articles L3121-22 et L3121-23 du Code du travail
(14) Article L3121-21 du Code du travail
(15) Article L3121-30 du Code du travail
(16) Article L3121-33 du Code du travail
(17) Article L3121-39 du Code du travail
(18) Articles D3121-24 et L3121-40 du Code du travail
(19) Article L3121-36 du Code du travail
(120) Cass. Soc. 23 septembre 2009, n°08-40636
(21) Cass. Soc. 26 octobre 1979, n°78-41113
(22) Cass. Soc. 29 mai 1986, n°84-44709
(23) Cass. Soc. 23 mars 1989, n°86-45353
(24) Circ. DRT n°94-4 du 21 avril 1994
(25) Article L3121-37 du Code du travail
(26) Article L3121-38 du Code du travail
(27) Article L3123-9 du Code du travail et amendement n°CF255 au projet de loi de finances rectificative pour 2022, adopté le 12 juillet 2022
(28) BOSS-Exo. HS-860 et Décret n°2022-1506 du 1er décembre 2022 relatif à la déduction forfaitaire des cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises d'au moins vingt et de moins de deux cent cinquante salariés
(29) Article L1235-3 du Code du travail
(30) Article L8221-5 du Code du travail
(31) Article L8223-1 du Code du travail
(32) Article L8224-1 du Code du travail
(33) Article L8224-3 du Code du travail
(34) Article L3123-18 du Code du travail