Qu'est-ce que la prévoyance en entreprise ? Quelles différences avec la complémentaire santé collective en entreprise ?

Définition et différences

La complémentaire santé collective (dite aussi "mutuelle d'entreprise" ou" régime frais de santé collectif") et la prévoyance complémentaire collective ont toutes deux pour objectif de renforcer la protection sociale des salariés. Néanmoins, il est important de les différencier car elles ne protègent pas les salariés des mêmes risques. En pratique, deux contrats distincts sont généralement conclus.

La mutuelle d'entreprise (complémentaire santé d'entreprise) couvre en tout ou partie les dépenses de santé des salariés. Elle intervient en complément de la Sécurité sociale et complète les remboursements versés dans le cadre du régime général au titre de la part obligatoire (consultations médicales, médicaments, etc.).

La prévoyance complémentaire collective, quant à elle, prend en charge les risques qui peuvent affecter la vie des salariés (invalidité, maladie, maladie professionnelle, accident du travail, décès, etc.).

Le caractère "collectif" obligatoire des contrats souscrits : ensemble des salariés ou catégories objectives

Que ce soit en matière de prévoyance ou de santé complémentaires, les régimes mis en place au bénéfice des salariés de l'entreprise doivent être collectifs. Concrètement, cela signifie qu'ils doivent concerner, de façon identique, l'ensemble des salariés de l'entreprise ou l'ensemble des salariés d'une catégorie objective (comme les cadres ou non-cadres).

Les catégories objectives retenues doivent permettre de couvrir tous les salariés que leur activité professionnelle place dans une situation identique au regard des garanties concernées.

Il est en principe interdit de définir des catégories objectives de salariés en fonction de leur ancienneté, de leur temps de travail (temps plein, temps partiel) ou encore de la nature de leur contrat de travail (CDD, CDI...).

Exceptions pour la prévoyance collective : si l'ancienneté ne peut pas être retenue pour définir une catégorie objective, il est néanmoins possible d'en tenir compte pour limiter l'accès de certains salariés à un régime de prévoyance complémentaire. Il est en effet possible de réserver l'accès aux garanties aux seuls salariés ayant une certaine ancienneté dans l'entreprise, et ce, sans que le caractère collectif ne soit remis en cause (1).

Les salariés exclus temporairement du régime en raison d'une condition d'ancienneté ne sont pas tenus d'y cotiser. Ils commenceront à cotiser à ce régime au moment de leur entrée dans le dispositif.

En revanche, concernant la couverture complémentaire santé collective, il n'est désormais plus possible d'exclure un salarié au titre d'une clause d'ancienneté puisque la couverture complémentaire santé collective est obligatoire pour tous les salariés depuis le 1er janvier 2016 (hors cas de dispense exceptionnels prévus par la loi) (2).

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Comment mettre en place une mutuelle obligatoire en entreprise ?

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Quand faut-il mettre en place une prévoyance et une complémentaire santé collective dans votre entreprise ?

La mutuelle d'entreprise (complémentaire santé d'entreprise) est obligatoire depuis le 1er janvier 2016.

La prévoyance complémentaire collective est en principe facultative sauf exceptions, notamment lorsque la souscription d'un contrat de prévoyance complémentaire est rendue obligatoire par une convention collective ou un accord de branche. Dans ce cas, il est obligatoire de mettre en place un contrat collectif de prévoyance complémentaire d'entreprise.

Comment mettre en place juridiquement une régime collectif santé et prévoyance en entreprise ?

Lorsque l'entreprise souhaite faire bénéficier ses salariés d'un régime collectif de frais de santé (mutuelle d'entreprise) et/ou d'un régime collectif de prévoyance complémentaire, la seule conclusion d'un contrat avec l'organisme assureur ne suffit pas.

En effet, il est indispensable que l'employeur formalise son engagement à l'égard de ses salariés. Pour cela, les régimes collectifs de prévoyance complémentaire et de frais de santé doivent être institués par un acte juridique (3) :

  • soit par convention ou un accord collectif ;
  • soit par référendum à l'initiative de l'employeur ;
  • soit par décision unilatérale de l'employeur (DUE).

C'est par l'un de ces actes juridiques que l'employeur rend le régime collectif santé prévoyance opposable à ses salariés. Le régime instauré devient alors obligatoire pour tous les salariés concernés (hors cas de dispenses exceptionnels prévus par la loi).

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Qu'est-ce qu'une DUE santé prévoyance et comment mettre en place un régime santé prévoyance ?

La décision unilatérale de l'employeur (DUE) est l'un des actes juridiques qui permet à l'employeur de mettre en place un régime collectif de prévoyance et de frais de santé au sein de son entreprise.

Etape 1 : informer et consulter le CSE

L'employeur qui souhaite mettre en place un tel régime au sein de son entreprise doit au préalable, informer et consulter le comité social et économique (CSE) lorsqu'il existe. L'information et la consultation du CSE doivent avoir lieu avant que la décision unilatérale ne soit prise (4).

A l'issue de la réunion, le comité émet un avis. Que celui-ci soit positif ou négatif, il n'empêche pas l'employeur de mettre en place le régime de protection sociale complémentaire visé.

Etape 2 : informer les salariés

L'employeur doit ensuite informer les salariés de la mise en place du contrat de prévoyance complémentaire et/ou du contrat de frais de santé.

A ce titre, il doit remettre à chacun d'entre eux un exemplaire de la DUE, et être en mesure de justifier qu'il les a bien informés par écrit (5).

La preuve de cette information peut se faire de différentes manières :

  • soit via l'envoi individuel d'un courrier recommandé avec accusé de réception à chaque salarié concerné ;
  • soit via la remise de la DUE en main propre contre décharge, en faisant signer une liste d'émargement aux salariés concernés.

⚠ Attention : il est impératif de conserver la preuve de la remise de la DUE.

L'employeur doit aussi transmettre en amont aux salariés, les notices d'informations dans lesquelles sont détaillées les garanties prévues aux contrats (6).

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Comment rédiger une décision unilatérale de l'employeur (DUE) destinée à mettre en place un régime collectif de santé ou de prévoyance ?

La prévoyance complémentaire et la mutuelle d'entreprise n'ayant pas le même objet, elles font l'objet de deux contrats différents.

C'est pourquoi il est nécessaire de rédiger une DUE pour chacun des régimes, à savoir :

  • une DUE relative à la mise en place d'un contrat collectif santé obligatoire ;
  • une autre DUE relative à la mise en place d'un régime collectif de prévoyance obligatoire.

🔍 Bon à savoir : il n'existe pas de modèle officiel de DUE, chaque entreprise est libre quant à la rédaction de celle-ci.

Toutefois, que ce soit pour la mise en place d'un régime frais de santé ou d'un régime de prévoyance, la DUE instituant le régime doit obligatoirement préciser certaines informations telles que :

  • les bénéficiaires des prestations : la ou les catégories objectives de salariés couverts par ledit contrat collectif ;
  • les cas de dispense d'affiliation possible ;
  • la nature des prestations prévues au contrat ;
  • le montant des cotisations et leur répartition entre l'employeur et les salariés ;
  • la durée de l'engagement unilatéral ;
  • le maintien des garanties en cas de suspension du contrat de travail ;
  • la portabilité des garanties ;
  • les modalités de remise en cause ou de dénonciation de l'engagement unilatéral.

🔍 À noter : lorsqu'il existe des différences entre les catégories objectives de salariés (cadres, non-cadres...), il est opportun de rédiger des DUE distinctes.

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Modèle de DUE instituant une mutuelle d'entreprise

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Comment procéder à la dénonciation/modifier une DUE santé prévoyance ? 

L'employeur qui souhaite intégrer des modifications à une DUE doit dénoncer celle-ci avant de pouvoir prendre un nouvel engagement unilatéral.

La dénonciation doit être effectuée auprès du CSE, s'il existe, et individuellement auprès de chaque salarié (7).

La dénonciation de la DUE ne peut pas produire effet immédiatement. L'employeur doit en effet respecter un délai de prévenance suffisant (en principe, souvent de 3 mois) entre la date de la dénonciation et la date de fin de contrat afin de laisser le temps au CSE d'organiser de nouvelles négociations sur ce point (8).

Quels changements en matière de DUE mutuelle et prévoyance ont eu lieu ces dernières années ?

La mise à jour impérative des DUE santé et prévoyance portait sur 2 points :

  • le maintien des garanties de protection sociale complémentaire en cas de suspension du contrat de travail au profit des salariés bénéficiant d'un revenu de remplacement versé par leur employeur ;
  • la nouvelle définition des catégories objectives de bénéficiaires.

Ajout d'un cas de maintien obligatoire des garanties de protection sociale depuis le 1er janvier 2023

Pour mémoire, il était prévu initialement que les entreprises avaient l'obligation de maintenir les garanties de protection sociale complémentaire et leur contribution au profit des salariés dont le contrat de travail était suspendu et qui bénéficiaient, au titre de cette période de suspension :

  • soit d'un maintien total ou partiel de salaire ;
  • soit d'indemnités journalières complémentaires financées au moins pour partie par l'entreprise qu'elles soient versées directement ou pour son compte par l'intermédiaire d'un tiers.

Un 3ème cas de maintien obligatoire des garanties de protection sociale a été instauré (9).

Depuis le 1er janvier 2023 en effet, les garanties de protection sociale doivent également être maintenues en cas de suspension du contrat de travail donnant lieu au versement d'un revenu de remplacement par l'employeur (chômage partiel, activité partielle de longue durée (APLD), congé de reclassement, congé de mobilité...).

Depuis cette date donc, les DUE santé et prévoyance doivent faire référence à ce nouveau cas de maintien obligatoire des garanties de protection sociale.

Mise à jour des définitions des catégories objectives au plus tard le 31 décembre 2024

De même, il était nécessaire, pour les entreprises, de mettre à jour les définitions des catégories sociales objectives de salariés bénéficiaires d'une couverture de protection sociale complémentaire collective figurant au sein de leurs DUE santé et prévoyance, au plus tard le 31 décembre 2024.

En effet, afin de tenir compte de la fusion des régimes AGIRC et ARRCO de 2019, les critères objectifs de définition des catégories de salariés bénéficiaires d'une couverture de protection sociale complémentaire collective ont été actualisés

Sont concernés les critères relatifs à l'appartenance aux catégories cadres ou non-cadres, ainsi que ceux relatifs aux tranches de rémunération (10).

Critère n°1 relatif à l'appartenance aux catégories cadres ou non-cadres

La CCN du 14 mars 1947 et l'ANI du 9 décembre 1961 ont été abrogés (11). Ils sont désormais remplacés par deux ANI du 17 novembre 2017 (12). Les DUE ne peuvent donc plus mentionner la référence aux salariés relevant (ou ne relevant) pas des articles 4, 4 bis et 36 de la CCN AGIRC.

Elles doivent remplacer cette mention et faire référence :

  • soit aux salariés relevant (ou ne relevant pas) des articles 2.1 et 2.2 de l'ANI du 17 novembre 2017 pour celles qui faisaient antérieurement référence aux salariés relevant (ou ne relevant pas) de l'article 4 et 4 bis de la CCN AGIRC ;
  • soit à l'accord de branche agréé ou à la convention de branche agréee par l'APEC pour celles qui faisaient référence aux salariés relevant de l'article 4/4bis/36 de la CCN AGIRC.

Critère n°2 relatif à l'appartenance aux tranches de rémunération

Les références aux tranches de rémunération AGIRC (TA, TB et TC) et ARCCO (T1 et T2) ne peuvent plus être utilisées. Désormais, les seuils de rémunération sont déterminées en référence au seuil de rémunération égale à 1, 2, 3, 4 ou 8 fois le plafond annuel de Sécurité Sociale.

Les DUE devaient donc être mises à jour en ce qui concerne ces 2 critères, au plus tard le 31 décembre 2024.
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À retenir :

La modification des DUE santé et prévoyance était obligatoire dans les cas suivants :
- lorsque les DUE mentionnaient les catégories de personnel définies en référence aux articles 4, 4bis et 36 de la CCN de 1947 ;
- lorsque les DUE mentionnaient que les salariés cotisent ou non à l'AGIRC ;
- lorsque les DUE faisaient référence aux tranches de rémunération AGIRC et ARRCO.

La mise en conformité des DUE n'était pas nécessaire lorsque le régime de frais de santé et/ou de prévoyance bénéficiait à l'ensemble du personnel ou lorsque les DUE faisaient référence aux salariés cadres et non cadres, sans autre précision.

Quel risque en l'absence de mise en conformité des DUE frais de santé et prévoyance ?

L'absence de mise en conformité prive l'employeur du dispositif d'exonération sociales.

📌 Pour mémoire, les contributions que versent les employeurs (= contributions patronales) pour financer les garanties de protection sociale complémentaire sont, dans une certaine limite, exclues de l'assiette des cotisations sociales, sous réserve du respect de certaines conditions (notamment lorsqu'elles présentent un caractère collectif et obligatoire).

Le caractère collectif et obligatoire des régimes de frais de santé et du régime de prévoyance est remis en cause lorsque les entreprises n'ont pas procédé dans les temps à la mise en conformité de leurs DUE.

Le risque pour l'employeur coupable d'un tel manquement est de se voir retirer le bénéfice de l'exonération sociale sur la fraction des cotisations qu'il finance, via un redressement Urssaf en cas de contrôle

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Références :
(1) Article R242-1-2 du Code de la Sécurité Sociale
(2) Article L911-7 du Code de la Sécurité Sociale
(3) Article L911-1 du Code de la Sécurité Sociale (mutuelle d'entreprise) et BOSS, Protection sociale complémentaire, §520
(4) Articles L911-2 du Code de la Sécurité Sociale et L2312-22 du Code du travail (entreprises d'au moins 50 salariés)
(5) BOSS, Protection sociale complémentaire, §590
(6) Loi n°89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques, article 12
(7) Cass. Soc. 7 mai 1998, n°96-41020
(8) Cass. Soc. 7 avril 1998, n°95-42992
(9) Bulletin Officiel de la Sécurité Sociale (BOSS), Protection sociale complémentaire, Chapitre 6, paragraphes 1420 et 1430, version en vigueur le 1er mai 2024
(10) Article R242-1-1 du Code de la Sécurité sociale et Décret n°2021-1002 du 30 juillet 2021 relatif aux critères objectifs de définition des catégories de salariés bénéficiaires d'une couverture de protection sociale complémentaire collective
(11) Accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961 et Convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947
(12) Accord national interprofessionnel instituant le régime Agirc-Arrco de retraite complémentaire du 17 novembre 2017