Qu'est-ce que le barème Macron pour les indemnités prud'hommes ? Que dit le Code du travail ?
Lorsqu'un licenciement est sans cause réelle et sérieuse (= licenciement abusif, = licenciement injustifié), le salarié a droit, en plus de l'indemnité légale de licenciement (1), à des dommages et intérêts (= indemnités prud'homales) en réparation de son préjudice.
Le montant de ces indemnités prud'homales est déterminé selon le "barème Macron" (2). Celui-ci encadre le montant minimum et maximum qu'un salarié peut toucher au titre des dommages-intérêts
Il varie en fonction de l'ancienneté du salarié licencié abusivement et du nombre de salariés qu'emploie habituellement l'entreprise.
Barème Macron : les débats en 2023 et 2024
Refus d'application du barème par certaines cours d'appel
Malgré l'obligation, pour les juges, d'appliquer le barème Macron, de nombreuses cours d'appel ont écarté l'application de ce dispositif (3).
Elles estimaient que ce barème ne permettait pas de garantir une indemnisation adéquate aux travailleurs licenciés sans motif valable.
Pour de nombreuses cours d'appel, le droit à une indemnité, au sens de l'article 24 de la Charte sociale européenne, n'était pas garanti en raison des plafonds fixés par le barème Macron.
Validation constante du barème Macron par la Cour de cassation
Malgré ces voix dissidentes, la Cour de cassation est toujours restée sur sa jurisprudence constante : le barème doit être appliqué, sans exception possible.
🔍 Dans une décision du 11 mai 2022, la Cour de cassation a en effet validé le barème d'indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse (4). Les juges sont donc tenus de l'appliquer strictement et ne peuvent pas appliquer une indemnisation au cas par cas.
La Cour de cassation est notamment venue préciser :
- que ce barème ne va pas à l'encontre de la Convention n°158 de l'OIT (Organisation Internationale du Travail), qui prévoit, en son article 10, que le juge a le pouvoir de décider de verser une indemnité adéquate ;
- et que le barème ne peut pas être mis à mal par la Charte sociale européenne, qui n'a pas d'effet direct en la matière (pas d'effet contraignant).
Le Comité européen des droits sociaux (CEDS) contre le barème Macron
D'après le Comité européen des droits sociaux (CEDS), les plafonds du barème Macron, prévus par l'article L1235-3 du Code du travail, ne sont pas assez élevés (7) :
- pour réparer le préjudice subi par la victime ;
- et pour être dissuasifs pour l'employeur.
Pour ce comité, le droit à une indemnité adéquate n'est ainsi pas garanti.
💡 La Cour de cassation n'a pas suivi ces décisions, indiquant qu'elles n'avaient pas de caractère contraignant en droit français.
Les recommandations du Comité des ministres du Conseil de l'Europe envers la France : 6 septembre 2023
Le 6 septembre 2023, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté une recommandation à destination de la France (à la suite des réclamations des syndicats et aux rapports qui lui ont été transmis par le CEDS) (8).
Le Comité a notamment recommandé à la France :
- "de poursuivre ses efforts pour garantir que le montant des dommages et intérêts accordés aux victimes de licenciement injustifié sans motif valable soit dissuasif pour l'employeur, afin d'assurer la protection des travailleurs contre ces licenciements injustifiés ;
- de réexaminer et de modifier, le cas échéant, la législation et les pratiques pertinentes pour garantir que les indemnités et tout barème utilisé pour les calculer, tiennent compte du préjudice réel subi par les victimes et des circonstances individuelles de leur situation".
3 minutes pour tout comprendre sur le barème Macron
Combien peut-on toucher pour un licenciement abusif ?
Principe du barème : plafonds applicables pour l'indemnisation du salarié
Le montant des dommages et intérêts accordés par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse est soumis à un plancher minimum et à un plafond maximum au-delà duquel les juges ne peuvent pas aller.
🔍 Pour aller plus loin, consultez notre article : Dommages et intérêts pour licenciement abusif ou injustifié : que prévoit le barème Macron ?
Tableau d'application du barème Macron pour les entreprises de 11 salariés ou plus
Le barème d'indemnisation applicable est le suivant (2) :
| Ancienneté dans l'entreprise | Montant minimal | Montant maximal |
| 0 | --------------- | 1 |
| 1 | 1 | 2 |
| 2 | 3 | 3,5 |
| 3 | 3 | 4 |
| 4 | 3 | 5 |
| 5 | 3 | 6 |
| 6 | 3 | 7 |
| 7 | 3 | 8 |
| 8 | 3 | 8 |
| 9 | 3 | 9 |
| 10 | 3 | 10 |
| 11 | 3 | 10,5 |
| 12 | 3 | 11 |
| 13 | 3 | 11,5 |
| 14 | 3 | 12 |
| 15 | 3 | 13 |
| 16 | 3 | 13,5 |
| 17 | 3 | 14 |
| 18 | 3 | 14,5 |
| 19 | 3 | 15 |
| 20 | 3 | 15,5 |
| 21 | 3 | 16 |
| 22 | 3 | 16,5 |
| 23 | 3 | 17 |
| 24 | 3 | 17,5 |
| 25 | 3 | 18 |
| 26 | 3 | 18,5 |
| 27 | 3 | 19 |
| 28 | 3 | 19,5 |
| 29 | 3 | 20 |
| 30 et plus | 3 | 20 |
📌 Exemple de lecture de ce tableau : un salarié ayant 4 ans d'ancienneté au moment du licenciement abusif, pourra obtenir des dommages-intérêts correspondant au minimum à 3 mois de salaire brut et au maximum à 5 mois de salaire brut. Le juge ne pourra pas aller en dessous ou au-dessus de ces 2 montants.
Comment calculer le Barème Macron pour les entreprises de moins de 11 salariés ?
Néanmoins, il existe une particularité pour les entreprises de moins de 11 salariés (TPE). Une dérogation au plancher (au montant minimal) cité ci-dessus, est prévue.
Pour les salariés ayant jusqu'à 10 ans d'ancienneté, le montant minimum des dommages-intérêts est inférieur à celui prévu dans les entreprises de 11 salariés ou plus.
Ce plancher se compose ainsi :
| Ancienneté dans l'entreprise | Indemnité minimale |
| 0 | --------------- |
| 1 | 0,5 (donc 15 jours) |
| 2 | 0,5 (donc 15 jours) |
| 3 | 1 |
| 4 | 1 |
| 5 | 1,5 |
| 6 | 1,5 |
| 7 | 2 |
| 8 | 2 |
| 9 | 2,5 |
| 10 | 2,5 |
Au-delà de 10 ans d'ancienneté, la même indemnité minimale que celle prévue par le barème pour les entreprises de 11 salariés ou plus, s'applique également aux salariés des TPE (entreprises de moins de 11 salariés). Ainsi, au-delà de 10 ans d'ancienneté, le salarié a droit à une indemnité minimale égale à 3 mois de salaire en cas de licenciement abusif.
Le plafond est identique, qu'il s'agisse de TPE ou d'entreprises de 11 salariés ou plus.
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Exemples : quelle indemnité en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, selon le barème Macron ?
Exemple n°1 :
Robert a été licencié abusivement au bout de 5 ans par l'entreprise X, qui emploie 50 salariés.
Le montant de ses dommages et intérêts sera au minimum de 3 mois de salaire brut et plafonné à 6 mois de salaire brut.
Exemple n°2 :
Marc a été licencié abusivement au bout de 5 ans par l'entreprise X qui emploie 9 salariés.
Le montant de ses dommages et intérêts sera au minimum de 1,5 mois de salaire brut et plafonné à 6 mois de salaire brut.
💡 À noter : ne confondez pas les dommages-intérêts pour licenciement abusif avec l'indemnité légale de licenciement qui, elle, reste non plafonnée.
Les dommages et intérêts sont-ils plafonnés en cas de licenciement nul ?
Non : le barème Macron ne s'applique pas aux indemnités en réparation d'un licenciement nul (9).
6 mois de salaireDommages-intérêts
En effet, l'absence de plafonnement est maintenue lorsqu'il s'agit de licenciements nuls, car prononcés en violation d'une liberté fondamentale (droit de grève, droit d'expression, droit de retrait, etc.), ou nuls en application d'une disposition législative.
Il s'agit des licenciements liés notamment à :
- la violation d'une liberté fondamentale ;
- des faits de harcèlement sexuel ou harcèlement moral ;
- des faits de discrimination (10) ;
- à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les hommes et femmes ;
- la dénonciation de crimes ou de délits ou en raison de l'exercice d'un mandat par un salarié protégé.
Dans ce cas, aucun plafond n'est applicable. Cependant, un plancher (= un montant minimum), égal à 6 mois de salaire minimum, pour compenser le préjudice subi, est applicable.
(2) Article L1235-3 du Code du travail
(3) Notamment Cour d'appel de Grenoble, 22 juin 2023, n°21/03352
(4) Cass, Soc. 11 mai 2022, n°21-15247
(5) Cass. Soc. 20 septembre 2023, n°22-12751
(6) Cass. Soc. 7 mai 2024, n°22-24594
(7) CEDS, 23 mars 2022, n°160/2018 (lien sur renvoi) et 5 juillet 2022, n°175/2019 (lien sur renvoi)
(8) Recommandation CM/RecChS(2023)3 du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe
(9) Article L1235-3-1 du Code du travail
(10) Cass. Soc. 7 mai 2024, n°22-23640






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