Qu'est-ce qui peut être considéré comme du harcèlement sexuel et des agissements sexistes ? Quels sont les types de harcèlement sexuel au travail ?
Propos et comportements sexistes ou à connotation sexuelle : définition de l'article de loi
Le harcèlement sexuel est constitué par des propos et comportements sexistes ou à connotation sexuelle qui :
- portent atteinte à la dignité du salarié en raison de leur caractère dégradant ou humiliant ;
- ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante (1).
... concertés ou non
Le harcèlement sexuel est également constitué :
- lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements venant de plusieurs personnes, de manière concertée ou à l'instigation de l'une d'elles, alors même que chacune de ces personnes n'a pas agi de façon répétée ;
- lorsqu'un même salarié subit de tels propos ou comportements, successivement, venant de plusieurs personnes qui, même en l'absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.
Le harcèlement d'ambiance (blagues sexistes récurrentes, propos vulgaires, etc.) et le harcèlement de groupe sont effectivement sanctionnables.
Des faits assimilés à du harcèlement sexuel
Enfin, est également assimilée à du harcèlement sexuel au travail, toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers.
Reconnaissance du harcèlement sexuel ambiant par la Cour de cassation
Dans un arrêt du 12 mars 2025, la chambre criminelle de la Cour de cassation a, pour la première fois, consacré la notion de harcèlement sexuel ambiant.
Celui-ci consiste en des propos à connotation sexuelle ou sexiste adressés à plusieurs personnes ou adoptés devant plusieurs personnes, susceptibles d'être imposés à chacune d'entre elles (2).
En l'espèce, le prévenu avait imposé, directement ou indirectement, à l'ensemble des étudiants devant lesquels il officiait, des propos ou comportements à connotation sexuelle, créant à leur égard un environnement hostile et offensant, se traduisant chez plusieurs d'entre eux par des incapacités totales de travail (ITT).
Dans cette décision, la Cour rappelle que le harcèlement sexuel suppose d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste.
Ainsi, indépendamment du fait que la victime soit directement visée par les propos ou comportements à connotation sexuelle, le harcèlement "environnemental ou d'ambiance" est caractérisé lorsque cette dernière y est personnellement exposée dans des proportions qui créent à son égard une situation hostile ou offensante.
Comment reconnaître un cas de harcèlement sexuel au travail ? Exemples
Pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement sexuel, il appartient au juge :
- d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits ;
- et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.
Comportements ou propos ayant été qualifiés de harcèlement sexuel au travail
Voici des situations qui ont été reconnues par les juges, comme constitutives de harcèlement sexuel.
Constitue un harcèlement sexuel, le fait :
- pour un salarié d'organiser un rendez-vous pour motif professionnel en dehors de l'entreprise, dans une chambre d'hôtel, avec une salariée qui était sous ses ordres (3) ;
- de faire parvenir à une jeune femme de longs courriers manuscrits, de nombreux courriels par lesquels le salarié en cause lui faisait des propositions et des déclarations, d'exprimer le souhait de la rencontrer seule dans son bureau, de lui faire parvenir des bouquets de fleurs (4) ;
- pour un collègue de tenir les propos suivants "bon, c'est quand qu'on couche ensemble" et de poser des questions intimes sur la vie privée (5) ;
- d'adresser des messages électroniques et de tenir des propos à caractère sexuel à l'occasion de l'heure du déjeuner et lors de soirées organisées après le travail (6) ;
- en tant que supérieure hiérarchique, d'envoyer des centaines de SMS contenant des propos à connotation sexuelle ainsi que des pressions répétées exercées dans le but d'obtenir un acte de nature sexuelle, lesquelles sont matérialisées par des insultes et menaces alors que la salariée victime avait demandé à de multiples reprises à l'intéressée d'arrêter ces envois (7).
🔍 À lire également : 12 exemples concrets pour reconnaître du harcèlement moral au travail
Cas ne relevant pas de harcèlement sexuel au travail
La drague au travail n'est pas nécessairement constitutive de harcèlement sexuel.
La Cour de cassation s'est déjà prononcée sur le fait qu'une attitude de séduction même dénuée de tact ou de délicatesse ou de simples signaux sociaux conventionnels lancés de façon à exprimer la manifestation d'une inclinaison ne constituaient pas, en soi, le délit de harcèlement sexuel, notamment en l'absence de chantage ou de pressions (8).
Dans le même sens, des familiarités réciproques ne sont pas du harcèlement sexuel (9).
En cas de harcèlement sexuel dans l'entreprise, comment agir, en fonction de son statut ?
Salarié victime de harcèlement sexuel : que faire ?
S'adresser aux bons interlocuteurs (CSE, médecine du travail, etc.)
Si vous êtes victime de harcèlement sexuel au travail, vous pouvez vous adresser à différents interlocuteurs en mesure de vous accompagner dans vos démarches, dans l'hypothèse où vous souhaiteriez engager des poursuites contre l'auteur des faits.
Exemples :
- votre employeur, si celui-ci n'est pas l'auteur du harcèlement dont vous faites l'objet ou le service des ressources humaines (RH) ;
- le référent chargé d'orienter, d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes : ce référent est obligatoire dans les entreprises dépassant un certain effectif ;
- les représentants du personnel (CSE, délégués syndicaux) et au référent harcèlement sexuel et agissements sexistes du CSE (obligatoirement désigné parmi les membres du CSE, peu importe la taille de l'entreprise) ;
- le médecin du travail ;
👉 Vous pouvez dénoncer ce que vous subissez par écrit à l'un de ces interlocuteurs - ce qui peut être recommandé pour des raisons de preuve. ✉ Téléchargez notre modèle de lettre pour informer votre employeur d'un harcèlement sexuel.
Sauf mauvaise foi, la dénonciation d'un harcèlement sexuel ne peut pas être sanctionnée (10).
Mesurer les conséquences du harcèlement en entreprise et agir en fonction
Si, malgré les premières démarches, la situation ne s'améliore pas, il existe plusieurs possibilités.
📌 Exemples :
- le salarié peut demander à ce que soit mise en oeuvre une médiation avec l'auteur présumé des faits ;
- saisir le Défenseur des droits ;
- déposer plainte devant la justice pénale ;
- saisir le conseil de prud'hommes pour :
- prendre acte de la rupture de son contrat de travail (11) ;
- ou demander une résiliation judiciaire du contrat de travail.
Les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise peuvent exercer une action en justice en faveur d'un salarié de l'entreprise, sous réserve de justifier d'un accord écrit de l'intéressé.
Employeur : comment prévenir et lutter contre le harcèlement sexuel au travail ? Comment réagir face à des affaires de harcèlement sexuel ?
L'employeur doit protéger la santé et la sécurité des salariés. Il doit évaluer les risques dans son entreprise, parmi lesquels ceux de harcèlement, et transcrire les résultats de cette évaluation dans le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP).
L'employeur doit ainsi prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d'y mettre un terme et de les sanctionner. En voici quelques-unes.
Informer les salariés
L'employeur est tenu d'informer les salariés sur :
- les dispositions légales relatives au harcèlement sexuel (définition et sanctions) ;
- les actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel ;
- et sur les coordonnées des autorités et services compétents (inspection du travail, service de prévention et de santé au travail, Défenseur des droits, etc.).
Cette information peut se faire par voie d'affichage sur le harcèlement moral et sexuel.
Désigner un référent, le cas échéant
L'employeur doit également, dans les entreprises d'au moins 250 salariés, désigner un référent chargé d'informer et d'accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel.
Ce référent ne doit pas être confondu avec celui désigné au sein du CSE.
Prendre des mesures de protection adaptées et mener une enquête
S'il est informé de faits relevant potentiellement de harcèlement sexuel dans l'entreprise, l'employeur doit impérativement agir afin de les faire cesser.
Si vous n'agissez pas, vous risquez de voir votre responsabilité engagée.
L'employeur doit, sans délai, mener une enquête pour harcèlement avec le membre de la délégation du personnel du CSE dans le but de vérifier la véracité des faits invoqués par le salarié et prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
Cependant, par un revirement de jurisprudence, la Cour de Cassation a récemment considéré que l'employeur qui n'avait pas procédé à une enquête interne alors qu'il avait été informé de faits potentiels de harcèlement n'avait pas manqué à son obligation de sécurité. Toutefois, cette solution a été retenue dans la mesure, seulement, où l'employeur avait pris des mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité de la salariée concernée (12).
Quelles sont les sanctions pour harcèlement sexuel au travail ? Peut-il justifier un licenciement ?
Tout salarié ayant procédé à des faits de harcèlement sexuel est passible d'une sanction disciplinaire donc si les faits dénoncés sont réels, vous devez prendre une sanction disciplinaire à l'encontre de l'auteur du harcèlement sexuel (13).
Cette sanction disciplinaire peut consister en un licenciement pour faute.
Membre de la délégation du CSE : saisir l'employeur et mener l'enquête
Si un membre de la délégation du personnel du CSE constate, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, qu'il existe des faits de harcèlement sexuel ou moral dans l'entreprise, il doit en saisir immédiatement l'employeur (14).
L'employeur procède alors sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
Témoin : de quelle protection pouvez-vous bénéficier ?
Selon l'étude Ipsos, 40% des salariés interrogés ont au moins une expérience du harcèlement au travail en tant que témoin*.
Protection contre toute discrimination
Le Code du travail prévoit que les salariés ayant, de bonne foi, témoigné de faits de harcèlement sexuel ou relaté de tels faits ne peuvent pas faire l'objet de mesures de discrimination.
📌 Exemples :
Elles ne peuvent pas être écartées d'une procédure de recrutement, d'une formation ou promotion professionnelle ou encore être moins bien rémunérées que des collaborateurs à expérience, ancienneté et qualification équivalentes.
Protection relative aux lanceurs d'alerte
Les témoins de harcèlement moral bénéficient de la protection applicable aux lanceurs d'alerte.
📌 Exemples :
- ils ne sont pas civilement responsables des dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique, dès lors qu'ils avaient des motifs raisonnables de croire, lorsqu'ils y ont procédé, que le signalement ou la divulgation publique de l'intégralité de ces informations était nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause ;
- ils peuvent saisir le conseil de prud'hommes si leur contrat de travail est rompu consécutivement à leur signalement.
Dans ce cas, ils peuvent voir leur compte personnel de formation (CPF) abondé jusqu'au plafond, sur décision du conseil des prud'hommes à l'encontre de l'employeur.
Revoir notre webconférence sur la gestion du harcèlement en entreprise
Références :
* Baromètre #StOpE 2025 sur le sexisme ordinaire au travail - Restitution des résultats - Mardi 6 mai 2025
(1) Article L1153-1 du Code du travail
(2) Cass. Crim., 12 mars 2025, n°24-81644
(3) Cass. Soc. 11 janvier 2012, n°10-12930
(4) Cass. Soc. 28 janvier 2014, n°12-20497
(5) Cass. Soc. 3 décembre 2014, n°13-22151
(6) Cass. Soc. 19 octobre 2011, n°09-72672
(7) Cass. Soc., 3 mars 2021, n°19-18110
(8) Cass. Crim. 19 janvier 2005, n°04-83443
(9) Cass. Soc. 10 juillet 2013, n°12-11787
(10) Cass. Soc. 15 janvier 2015, n°13-17374 et Cass. Soc., 4 juin 2025, n°24-12086
(11) Cass. Soc. 10 juin 2015, n°14-13318 et articles L1153-2 et L1153-3 du Code du travail
(12) Cass. Soc., 12 juin 2024, n°23-13975
(13) Articles L1153-5 et L1153-6 du Code du travail
(14) Article L2312-59 du Code du travail







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