Qui peut être considéré comme "harceleur" ? Un collègue ? Un supérieur hiérarchique ?
L'auteur d'actes de harcèlement moral au travail est celui qui, par ses actes répétés, dégrade les conditions de travail du collaborateur, ce qui a pour effet de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (1).
Le harcèlement est le plus souvent vertical, ce qui signifie qu'il s'exerce par un supérieur hiérarchique sur un salarié "subordonné" (2). C'est le cas d'un manager ou d'un chef d'équipe qui harcèle un ouvrier.
Ce type de harcèlement est aussi appelé harcèlement managérial, et résulte souvent des méthodes de gestion mises en œuvre dans l'entreprise par le supérieur (pression continuelle, reproches incessants, ordres et contre-ordres, etc.) (3). En particulier, la Cour de cassation retient que la pratique "d'un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés était de nature à caractériser un comportement rendant impossible le maintien dans l'entreprise" (4). Le harcèlement exercé par un cadre peut donc être assimilé à une faute grave et entraîner un licenciement.
Cependant, il est aussi fréquemment observé que le harcèlement a lieu entre collègues.
Dans cette situation, le harcèlement moral peut prendre la forme de moqueries incessantes, d'insultes régulières et répétées, réflexions déplacées, etc.
Pour en savoir plus : Le harcèlement moral au travail en 12 exemples
Il faut être vigilant vis-à-vis de ce type de comportements. Il a fréquemment été jugé qu'un groupe de salariés qui s'en prend à un collaborateur isolé constituait un harcèlement.
L'employeur est alors tenu de prévenir de tels agissements en raison de son obligation de sécurité (5), Il peut, le cas échéant, sanctionner le collaborateur coupable de harcèlement sur son collègue (6).
Vous pouvez être harceleur sans vous en douter. Ce que vous ne pensez être que de simples "plaisanteries" à l'encontre d'une personne, peuvent en fait être très mal vécues et réellement affecter ses conditions de travail et même sa santé (physique ou psychique). Et ce, même si cette personne n'ose pas vous dire ce qu'elle ressent.
Cas plus rare, mais qui existe, un supérieur hiérarchique peut être reconnu victime de harcèlement par un salarié, normalement soumis à son autorité hiérarchique (7).
Un employeur a même déjà été condamné en raison du harcèlement qu'un tiers, extérieur à l'entreprise, faisait subir à l'un de ses salariés lors de ses interventions (8).
Les juges en ont décidé ainsi en raison du rôle primordial de l'employeur en cas de harcèlement moral : il doit veiller à la santé et à la sécurité de ses salariés. C'est pourquoi, il est astreint à une obligation de sécurité de résultat, c'est-à-dire que son absence de faute ne suffit pas à l'exonérer de sa responsabilité.
Comment prouver le harcèlement moral au travail ? Que faire pour prouver un cas de harcèlement moral ?
En cas de harcèlement moral, la victime doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Les faits doivent être multiples et répétés (9). Le harcèlement peut être caractérisé malgré une courte durée (10) ou au contraire, s'il s'étale dans le temps (11).
Ces éléments de fait peuvent être notamment des témoignages de collègues de travail, des attestations médicales (prises de contact avec un assistant social de l'entreprise, visites chez le médecin traitant ou le médecin du travail, certificats médicaux, etc.).
Au vu de ces éléments, il incombe au harceleur présumé de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Quelles sanctions en cas de harcèlement moral ? Quelle amende ? Le harceleur risque-t-il une peine de prison ?
En cas de harcèlement moral, plusieurs types de sanctions peuvent se cumuler à l'encontre de l'auteur des faits :
- sanction disciplinaire ;
- sanction civile ;
- sanction pénale.
Par ailleurs, les faits de discrimination faisant suite à des actes de harcèlement moral sont également réprimés.
Sanctions du harcèlement
Sanction disciplinaire
L'employeur doit sanctionner un salarié qui se rend coupable de harcèlement moral au travail (6).
Lorsque son maintien dans l'entreprise est impossible, l'employeur peut prononcer à son encontre une mise à pied conservatoire dans l'attente d'une sanction, généralement un licenciement.
La mise à pied conservatoire permettra de suspendre le contrat de travail de l'auteur du harcèlement en attendant que soit prononcée une sanction définitive. Elle a pour intérêt d'éloigner l'auteur du harcèlement dont la présence dans l'entreprise peut être nuisible.
L'employeur qui ne sanctionne pas l'auteur d'un harcèlement moral manque à son obligation de sécurité de résultat et fait preuve de négligence. Il peut alors être condamné.
Sanction civile
L'auteur des faits de harcèlement peut être condamné à verser des dommages et intérêts à la victime, en réparation du préjudice qu'elle a subi.
Sanction pénale prévue par le Code pénal
Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est un délit puni d'une peine de 2 ans d'emprisonnement et de 30.000 EUR d'amende (12).
Sanctions de la discrimination consécutive à un harcèlement moral
Les discriminations consécutives à des actes de harcèlement moral sont, elles aussi, sanctionnées. Il n'est en effet pas possible de sanctionner, licencier ou de faire subir toute mesure discriminatoire à un salarié qui a subi ou a refusé de subir des faits de harcèlement, ni parce qu'il les a relatés (13).
Si une discrimination est avérée à la suite d'un harcèlement moral, l'auteur de cette discrimination encourt une peine d'un an d'emprisonnement et 3.750 euros d'amende.
Références :
(1) Article L1152-1 du Code du travail et article 222-33-2 du Code pénal
(2) Cass. Soc., 9 décembre 2015, n°14-23355
(3) Cass. Soc., 10 novembre 2009, n°07-45321
(4) Cass. Soc., 14 février 2024, n° 22-14385
(5) Articles L1152-4 et L4121-2 du Code du travail ; Cass. Soc., 11 mars 2015, n°13-18603
(6) Article L1152-5 du Code du travail
(7) Cass. Crim., 6 décembre 2011, n°10-82266
(8) Cass. Soc., 1er mars 2011, n°09-69616
(9) Cass. Soc., 13 février 2013, n°11-25828
(10) Cass. Soc., 26 mai 2010, n°08-43152
(11) Cass. Soc., 25 septembre 2012, n°11-17987
(12) Article 222-33-2 du Code pénal
(13) Article L1152-2 du Code du travail
Cette lettre de refus est bien