Comment qualifier des faits de harcèlement moral au travail ?
Agissements répétés entraînant une dégradation des conditions de travail et de la santé
Selon l'ANI (Accord national interprofessionnel) relatif au harcèlement et à la violence au travail, le harcèlement survient lorsqu'un ou plusieurs salariés font l'objet d'abus, de menaces et/ou d'humiliations répétés et délibérés dans des circonstances liées au travail (1) :
- sur les lieux de travail ;
- ou dans des situations liées au travail.
Pour qualifier le harcèlement moral au travail, il apparaît nécessaire que l'auteur des faits et la victime aient une relation de travail, à considérer au sens large.
En effet, le harcèlement moral peut être avéré, même s'agissant d'un tiers à l'entreprise, dès lors que celui-ci fait subir à un salarié, lors de ses interventions, des faits assimilables à un du harcèlement (2).
Exemples de situations de harcèlement moral au travail
Retrouvez 12 exemples concrets de harcèlement moral au travail dans notre actualité dédiée.
Code du travail : que prévoit la loi en matière de harcèlement moral au travail ?
Le Code du travail dispose qu'"Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel" (3).
Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire (4).
Quelles sont les sanctions/peines encourues par l'auteur du harcèlement (amende, sanction disciplinaire) ?
En cas de harcèlement moral au sein d'une entreprise, plusieurs types de sanctions peuvent se cumuler à l'encontre de l'auteur des faits :
- sanction disciplinaire ;
- sanction civile ;
- sanction pénale.
Le salarié auteur de harcèlement peut se voir sanctionner dans le cadre de l'entreprise (sanction disciplinaire) ainsi que devant le conseil de prud'hommes ou le juge pénal, s'il a été saisi par la victime.
Sanction disciplinaire
L'employeur doit sanctionner un salarié qui se rend coupable de harcèlement moral au travail. La sanction choisie doit être proportionnée à la gravité du harcèlement subi par la victime.
L'employeur a 2 mois pour agir, sauf si la faute a donné lieu, dans le même délai, à l'exercice de poursuites pénales.
Si l'employeur ne sanctionne pas l'auteur des faits avérés ou n'a pas pris les mesures nécessaires permettant de protéger la victime, il peut voir sa responsabilité engagée, même s'il n'est pas directement l'auteur du harcèlement.
Lorsque son maintien dans l'entreprise est impossible parce qu'elle représente un danger pour la sécurité ou la santé du salarié victime, l'employeur peut prononcer à son encontre une mise à pied conservatoire dans l'attente d'une sanction, généralement un licenciement.
Sanction civile
L'auteur des faits de harcèlement peut être condamné à verser des dommages et intérêts à la victime, en réparation du préjudice qu'elle a subi.
Sanction pénale (prévue par le Code pénal)
Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est un délit puni d'une peine :
- de 2 ans d'emprisonnement ;
- et de 30.000 euros d'amende (5).
Des circonstances aggravantes peuvent augmenter la durée de la peine et le montant de l'amende.
La médiation : une alternative aux poursuites
Une procédure amiable à l'initiative de la partie la plus dirigeante
Une procédure de médiation peut être mise en œuvre par toute personne de l'entreprise qui s'estime victime de harcèlement moral ou par la personne mise en cause (6).
Les parties se mettent d'accord sur le choix du médiateur.
Quel est le rôle d'un médiateur en cas de harcèlement moral au travail ?
Le médiateur peut alors tenter de les concilier les parties. Il leur soumet ainsi des propositions en vue de mettre fin au harcèlement.
Lorsque la conciliation échoue, le médiateur informe les parties des éventuelles sanctions encourues et des garanties procédurales prévues en faveur de la victime.
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Quelles sont les sanctions encourues par l'employeur ?
Sanction pour manquement à l'obligation de sécurité
L'employeur doit protéger la santé des salariés (7). Ainsi, la loi prévoit plusieurs obligations à sa charge pour prévenir les cas de harcèlement et réagir, lorsqu'un cas est soupçonné ou signalé.
À défaut de les respecter, même s'il n'est pas directement l'auteur des faits, il peut voir sa responsabilité engagée et être redevable de dommages et intérêts, lorsqu'un salarié a été victime de harcèlement moral dans l'entreprise.
📌 Exemples :
Obligation d'information des salariés dans le règlement intérieur (vous pouvez télécharger notre modèle d'affichage au sein du dossier complet), médiation, enquête interne, etc.
La Cour de cassation s'est récemment prononcée sur l'importance de la prise de mesures de préservation de la santé et de la sécurité du salarié, par l'employeur. Dans cette affaire, elle a estimé que, malgré le défaut d'enquête interne, un employeur n'avait pas failli à son obligation de sécurité, puisqu'il avait pris les mesures nécessaires de nature à préserver la santé et la sécurité du salarié victime (8).
Sanction en cas de discrimination consécutive à un harcèlement moral
Les faits de discrimination à l'égard d'une victime ayant subi ou refusé de subir des faits de harcèlement moral ou d'un salarié ayant relaté de tels faits, sont également réprimés.
Les discriminations consécutives à des actes de harcèlement moral sont, elles aussi, sanctionnées.
Effectivement, il est interdit de sanctionner, licencier ou de faire subir toute mesure discriminatoire à un salarié qui (9) :
- a subi ou a refusé de subir des faits de harcèlement ;
- a relaté ou témoigné de tels agissements.
Toute rupture du contrat de travail intervenue dans ce cadre, toute disposition ou tout acte contraire serait nul.
Si une discrimination est avérée à la suite d'un harcèlement moral, l'employeur auteur de cette discrimination encourt (10) :
- une peine de 1 an d'emprisonnement ;
- et 3.750 euros d'amende.
La juridiction peut aussi ordonner, à titre de peine complémentaire, l'affichage du jugement aux frais de l'employeur condamné.
Sanction pénale : le harcèlement institutionnel
Dans un arrêt du 21 janvier 2025, la Cour de cassation a retenu, pour la première fois, la responsabilité des dirigeants d’une société dont la politique générale avait conduit, en toute connaissance de cause, à la dégradation des conditions de travail des salariés. Ils ont été sanctionnés pénalement pour avoir commis un "harcèlement moral institutionnel " (11).
Comment l'employeur peut-il se positionner : qui doit prouver le harcèlement moral au travail (charge de la preuve) ?
Dans le cadre de son enquête interne, l'employeur doit recueillir les éléments lui permettant de savoir si les faits de harcèlement dénoncés ou présumés sont ou non effectifs.
Que peut faire la victime pour prouver un cas de harcèlement moral ? Quelles sont les preuves nécessaires pour établir un harcèlement moral ?
En cas de harcèlement moral, il revient à la victime de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.
📌 Exemples :
Des témoignages de collègues de travail, des attestations médicales (prises de contact avec un assistant social de l'entreprise, visites chez le médecin traitant ou le médecin du travail, certificats médicaux, etc.).
D'ailleurs, depuis un arrêt de décembre 2023, la Cour de cassation admet que la preuve soit rapportée par tout moyen, y compris par une preuve apportée de manière déloyale ou illicite, à condition d’être indispensable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte aux droits de l’autre partie soit strictement proportionnée au but poursuivi.
En principe, les faits doivent être multiples et répétés (12). Le harcèlement peut être caractérisé malgré une courte durée (13) ou au contraire, s'il s'étale dans le temps (14).
Que peut faire le salarié accusé pour se défendre ?
Au vu de ces éléments, il incombe au harceleur présumé de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que sa décision/son comportement était justifié(e) par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
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Références :
* Étude Ipsos - Baromètre sur le harcèlement au travail, édition septembre 2022
(1) Accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 relatif au harcèlement et à la violence au travail
(2) Cass. Soc., 1er mars 2011, n°09-69616
(3) Article L1152-1 du Code du travail
(4) Article L1152-5 du Code du travail
(5) Article 222-33-2 du Code pénal
(6) Article L1152-6 du Code du travail
(7) Article L4121-1 du Code du travail
(8) Cass. Soc., 12 juin 2024, n°23-13975
(9) Article L1152-2 du Code du travail
(10) Article L1155-2 du Code du travail
(11) Cass. Crim., 21 janvier 2025, n°22-87145
(12) Cass. Soc., 13 février 2013, n°11-25828
(13) Cass. Soc., 26 mai 2010, n°08-43152
(14) Cass. Soc., 25 septembre 2012, n°11-17987






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