Sur qui pèse l'obligation d'enquête en cas de harcèlement moral ou sexuel au sein de l'entreprise ? L'employeur doit-il associer le CSE à l'enquête pour harcèlement ?
Lorsqu'un employeur a connaissance de faits de harcèlement dans son entreprise, que ce soient des faits de harcèlement moral ou de harcèlement sexuel, il tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs et faire cesser de tels agissements (1).
A défaut, l'employeur manque à son obligation de sécurité.
Il doit agir rapidement. Néanmoins, avant de prendre une quelconque décision à l'encontre de l'auteur des faits, il doit au préalable, mener une enquête interne.
L'enquête interne doit permettre à l'employeur d'établir les faits allégués en recueillant les témoignages de la victime présumée, mais aussi de toute personne impliquée directement ou indirectement dans l'affaire (témoins, autres salariés, responsables hiérarchiques, médecin du travail...) afin de pouvoir caractériser l'existence ou non de faits de harcèlement moral, de harcèlement sexuel ou des agissements sexistes et ce, pour pouvoir sanctionner son auteur le cas échéant.
L'employeur est en droit de déléguer l'enquête au service de la Direction des ressources humaines (DRH) de l'entreprise.
Par ailleurs, l'employeur n'y ait pas contraint mais il peut aussi choisir d'associer le comité social et économique (CSE) à l'enquête (2).
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Quel est le rôle du CSE en présence de faits de harcèlement en entreprise ? Le CSE peut-il décider de mener lui-même l'enquête et selon quelle procédure ?
Ce n'est pas toujours à l'employeur qu'un collaborateur fait remonter les faits de harcèlement dont il estime être victime. En effet, le salarié peut choisir de se confier au préalable, à un membre du CSE (ou au référent harcèlement élu du personnel lorsqu'il en existe un).
Une fois instauré un climat de confiance et de sécurité avec la victime, après avoir pris connaissance des faits en prêtant une oreille attentive et humaine, il conviendra d'une part, que le représentant du personnel en informe son instance (CSE ou CSSCT), d'autre part qu'il saisisse immédiatement l'employeur en exerçant son droit d'alerte (3).
Articles L2312-5 et L2312-59 du Code du travail
La commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) traite des question de santé, de sécurité et des conditions de travail. Elle est obligatoirement mise en place dans les entreprises et les établissements distincts qui comptent au moins 300 salariés. Mais, elle peut aussi être mise en place même si ces seuils ne sont pas atteints. |
Le droit d'alerte peut en effet être exercé dès lors qu'un membre élu du CSE ou de la Commission Santé Sécurité et Conditions de Travail (CSSCT) constate une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale, ou aux libertés individuelles dans l'entreprise, non justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché.
L'exercice de ce droit d'alerte déclenche l'obligation pour l'employeur de procéder à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du CSE afin de faire la lumière sur les faits incriminés, protéger la victime et faire cesser les agissements relevant du harcèlement moral ou sexuel.
Si l'employeur n'agit pas ou lorsqu'il existe une divergence sur la réalité de l'atteinte portée au salarié et qu'aucune solution n'a pu être trouvée avec l'employeur, le salarié (ou le membre de la délégation du CSE, à condition que le salarié ne s'y oppose pas), pourra saisir le Conseil de prud'hommes (4).
Ce dernier statuera selon la procédure accélérée au fond. Le juge pourra alors ordonner toutes mesures pour faire cesser les faits de harcèlement et assortir sa décision d'une astreinte.
Comment se déroule une enquête pour harcèlement ? Comment se fait une enquête interne ? Comment prouver que le salarié est harcelé au travail ?
Dès lors que des accusations de harcèlement on été remontées à l'employeur, celui-ci doit déclencher une enquête interne et ce, sans délai, afin de protéger la victime, peu importe que ces accusions se révèlent par la suite être infondées.
Néanmoins, le Code du travail ne fixe pas les modalités de l'enquête interne et n'impose aucune procédure à respecter. L'employeur doit toutefois s'assurer tout au long du déroulement de l'enquête, des points suivants :
- que la confidentialité des échanges soit garantie ;
- que l'audition des personnes concernées se fasse de manière individuelle ;
- que les conditions dans lesquelles se déroulent les entretiens ne soient pas intimidantes mais permettent au contraire une liberté de parole ;
- de recueillir des attestations détaillées sur les faits incriminés ;
- de rester impartial et neutre ;
- de procéder avec discrétion et délicatesse afin de protéger la dignité et la vie privée de l'ensemble des personnes impliquées
- de rédiger un compte rendu détaillé et uniquement factuel de chaque entretien, noter la date, l'heure de début et de fin de chaque entretien.
L'employeur ne doit pas hésiter, au cours de la procédure, à s'entourer de diverses interlocuteurs tels que la médecine du travail. Les services de santé au travail pourront donner des préconisations afin d'accompagner l'entreprise sur la mise en place d'actions permettant de protéger la santé physique et mentale du salarié harcelé.
L'inspection du travail peut également aider l'entreprise à trouver des solutions afin d'éviter que des faits de harcèlement au travail ne se produisent de nouveau.
L'enquête peut se faire à l'insu du salarié mis en cause, en ne l'auditionnant qu'au dernier moment, lorsque suffisamment d'éléments de preuve ont pu être réunis. Cela ne constitue pas un mode de preuve déloyal (5). |
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Quelles sont les obligations de l'employeur en attendant les conclusions de l'enquête en matière de harcèlement ? Comment réagir suite à une enquête pour harcèlement ? Quelles mesures prendre à l'encontre du salarié accusé de harcèlement ?
En attendant les conclusions de l'enquête interne pour harcèlement, l'employeur doit protéger le salarié qui s'estime victime de harcèlement, de nouveaux agissements de la part du salarié accusé de tels faits.
A ce titre, il peut prononcer une mise à pied conservatoire à l'encontre du salarié accusé de harcèlement. C'est une mesure préventive qui permet d'éloigner le salarié mis en cause en attendant qu'une sanction disciplinaire ne soit prise à son encontre.
Si les faits de harcèlement sont avérés, l'employeur pourra alors prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre du harceleur, généralement un licenciement.
Si ce n'est pas le cas, la mise à pied conservatoire peut ne déboucher sur aucune sanction. Le salarié devra alors être rémunéré pour la durée de la mise à pied conservatoire.
L'employeur doit garder en tête le délai de prescription qui s'applique pour sanctionner un salarié fautif. Habituellement, il ne peut sanctionner des faits de harcèlement commis par un salarié au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où il en a eu connaissance. Cependant, lorsqu'une enquête interne est diligentée, le point de départ du délai de prescription est reporté. En effet, il commence à courir à compter des résultats de l'enquête (remise du rapport d'enquête) (6). |
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