Qu'est-ce que le harcèlement moral et managérial ? 

Éléments constitutifs du harcèlement managérial

Dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur est amené à utiliser des méthodes de management qui peuvent s'avérer autoritaires. Celles-ci peuvent constituer une forme de harcèlement moral, appelé harcèlement managérial, si elles dépassent la limite de l'exécution de ce pouvoir de direction.

Ce type de harcèlement peut également émaner des supérieurs hiérarchiques des salariés.

✅ Le harcèlement managérial repose sur deux principes, dégagés par la Cour de cassation. Il doit (1) :

  1. d'une part, s'adresser à un salarié déterminé ;
  2. d'autre part, s'inscrire dans le cadre de la définition légale du harcèlement moral : agissements répétés, dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d'altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l'avenir professionnel.

En pratique, comment se manifeste cet abus de pouvoir au travail ?

Ce comportement abusif se caractérise par des paroles ou des agissements répétés destinés à rabaisser le salarié, l'humilier, l'intimider, l'isoler ou le discriminer : critiques persistantes et non constructives, insultes, menaces, missions impossibles, refus déraisonnable de promotion ou d'augmentation.

Le harcèlement managérial peut aussi se manifester sous la forme de stress au travail, de comportements sexistes, de racisme au travail ou être relatif à des caractéristiques telles que l'âge, la religion.

Certains conflits au travail peuvent dégénérer en une forme de harcèlement managérial : des comportements abusifs de la part d’un supérieur hiérarchique créent un climat de pression psychologique et d’injustice pour les employés concernés.

💡Pour information :  selon le dernier baromètre du harcèlement au travail (2022), 36% des managers ont le sentiment d’avoir déjà été auteur de harcèlement dans leur carrière (2).

Exemple de harcèlement managérial (moral) ou management autoritaire au travail

👨‍⚖️ Dans une affaire récente, la Cour de cassation a reconnu les faits de harcèlement managérial.

Plusieurs salariés attestaient :

  • du "comportement excessivement autoritaire, dénué ou manquant d'empathie, rigide et rugueux" de leur manager ;
  • qui "dévalorisait et exerçait une pression importante sur certains salariés dont il n'était pas satisfait" ;
  • voire les ''cassait'' psychologiquement (3).

📑 À lire aussi : Harcèlement moral au travail : 12 exemples concrets

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Le harcèlement institutionnel, désormais pénalement sanctionné 

👨‍⚖️ Dans une décision du 21 janvier 2025, la Cour de cassation a reconnu la notion de harcèlement institutionnel et considéré que des méthodes de management pouvaient rendre leurs auteurs, passibles de sanctions pénales (4).

Ainsi, "les agissements visant à arrêter et mettre en œuvre, en connaissance de cause, une politique d’entreprise qui a pour objet de dégrader les conditions de travail de tout ou partie des salariés aux fins de parvenir à une réduction des effectifs ou d’atteindre tout autre objectif, qu’il soit managérial, économique ou financier, ou qui a pour effet une telle dégradation (...)" peuvent être pénalement sanctionnés.

Dans le cas du harcèlement insitutionnel, résultant de la politique de l'entreprise, peu importe que le harcèlement soit envisagé à l’encontre d’une seule personne déterminée : c'est l’ensemble des décisions prises dans le cadre d’une politique générale de l’entreprise susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité des salariés dans leur ensemble qui est réprimé.

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Quels sont les différents types de preuves en cas de harcèlement par un supérieur au travail (harcèlement managérial) ?

Le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral (5).

Il appartient au manager doit prouver que les agissements en cause ne sont pas constitutifs de harcèlement et étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

📌 Exemples de preuves à réunir :

  • documents écrits : e-mails, messages ou notes internes contenant des propos déplacés, des critiques injustifiées ou des instructions incohérentes ;

  • témoignages : déclarations écrites ou orales de collègues attestant des comportements observés ou de situations similaires vécues ;

  • rapports médicaux : certificats ou diagnostics attestant d'une dégradation de la santé physique ou mentale liée au contexte professionnel ;

  • enregistrements.
    👨‍⚖️ Depuis une décision de décembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a admis que la preuve puisse être apportée par tout moyen, y compris de manière déloyale ou illicite (enregistrement sans consentement), à condition d’être indispensable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte aux droits de l’autre partie soit strictement proportionnée au but poursuivi (6).

📑 À lire : Litige devant le conseil des prud'hommes (CPH) : pouvez-vous utiliser un élément de preuve déloyal ?

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Comment l'entreprise doit-elle prévenir et agir en cas de pression hiérarchique au travail ? 

La pression hiérarchique au travail se manifeste souvent par des exigences élevées imposées par les supérieurs, parfois associées à des délais irréalistes, des objectifs difficilement atteignables ou une surveillance excessive.

Les dirigeants d’une société peuvent désormais être sanctionnés pénalement pour avoir commis un "harcèlement moral institutionnel", c’est-à-dire résultant d’une politique d’entreprise conduisant, en toute connaissance de cause, à la dégradation des conditions de travail des salariés. 

✅ L'employeur doit donc prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral, le micro-management. 

💡Bon à savoir : selon le Baromètre cité plus haut, la plupart des victimes n’informe pas leur employeur - même s’il réagit plutôt bien lorsqu’il l'est - : seules 34% des victimes de situations de harcèlement au travail déclarent que leur employeur a été, à un moment donné, au courant de la situation.

Identifier les situations de harcèlement managérial

L'employeur doit savoir identifier et traiter ces situations.

La première étape consiste à reconnaître les signes d'un management toxique, tels que des comportements abusifs, un manque de reconnaissance ou une communication inefficace.

Ensuite, il convient de mettre en place des canaux de communication ouverts, permettant aux salariés de signaler en confiance, les comportements inappropriés.

💡Bon à savoir : en cas de signalement, une enquête pour harcèlement impartiale - doit être menée, suivie de mesures correctives appropriées.

Former et sensibiliser les managers

Les RH doivent également assurer aux managers une formation continue sur les bonnes pratiques managériales et instaurer une culture d'entreprise basée sur le respect et la collaboration. 

Sanctionner les comportements fautifs

Tout manager, dès lors qu'il est salarié, est passible d'une sanction disciplinaire s'il a procédé à des agissements de harcèlement moral.

 👨‍⚖️ La Cour de cassation a reconnu que la pratique "d'un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé de ses subordonnés [était] de nature à caractériser un comportement rendant impossible le maintien dans l'entreprise" (7). Le harcèlement exercé par un cadre peut donc être assimilé à une faute grave et entraîner un licenciement.

📑 À lire aussi : Prévention des risques psychosociaux dans l'entreprise : le rôle de l'employeur

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5 solutions pour faire cesser le harcèlement moral et managérial en entreprise : comment dénoncer un management toxique ?

Le salarié victime de harcèlement managérial peut se rapprocher de différents interlocuteurs compétents pour constater, faire cesser les faits ou trouver une solution avec l'auteur des faits.

✅ En premier lieu, pour une question de preuve, si l'employeur n'est pas à l'origine du harcèlement, le salarié peut - éventuellement après s'être entretenu avec lui - écrire une lettre recommandée avec accusé de réception à l'employeur, dénonçant les faits dont il est victime.

Boîte à outils : ✉  des modèles de lettres dénonçant des faits de harcèlement à différentes instances sont inclus dans notre dossier/pack sur le harcèlement moral.

1. Se rapprocher du comité social et économique (CSE)

Le CSE contribue notamment à promouvoir la santé, la sécurité et l'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise (8).

Vous pouvez en effet vous rapprocher des membres du comité social et économique (CSE), s'il existe : le rôle du CSE en matière de harcèlement moral ou sexuel en entreprise est important.

💡Bon à savoir : un référent harcèlement sexuel CSE doit être désigné parmi ses membres. Il est l'interlocuteur privilégié des salariés, lorsqu'une situation de harcèlement se présente dans l'entreprise. 

Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, si un membre de la délégation du personnel au CSE constate, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, résultant de faits de harcèlement sexuel ou moral, il doit en saisir immédiatement l'employeur : c'est le droit d'alerte du CSE.

Dans ces entreprises, il peut prendre toute initiative qu'il estime utile et proposer des actions de prévention du harcèlement moral au travail (9).

2. Alerter l'inspection du travail en cas de responsabilité de votre employeur

Vous pouvez également vous adresser à l'inspection du travail en cas de harcèlement moral managérial.

Les agents de contrôle de l'inspection du travail peuvent notamment constater les infractions commises par l'employeur en matière de harcèlement moral dans le cadre des relations de travail (10). 

💡Bon à savoir : pour connaître l'unité territoriale de la Direction Régionale de l'Economie, de l'Emploi, du travail et des solidarités (DREETS) dont dépend votre entreprise, reportez-vous à l'affichage présent dans les locaux de votre entreprise : votre employeur a l'obligation d'afficher, dans les locaux normalement accessibles aux travailleurs, l'adresse et le numéro d'appel de l'inspection du travail compétente ainsi que le nom de l'inspecteur compétent (11).

3. Demander une visite médicale

Le harcèlement moral peut avoir des conséquences sur votre santé physique et mentale (état de stress, dépression, addiction à certaines substances…).

N'hésitez pas à solliciter un rendez-vous auprès de la médecine du travail, qui peut faire des préconisations à l'employeur concernant une adaptation de poste, ou auprès de votre médecin traitant.

💡Bon à savoir : tout salarié peut bénéficier, à sa demande, d'une visite médicale auprès du médecin du travail. Cette demande ne peut entraîner aucune sanction (12).

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4. Utiliser - si les circonstances le justifient - votre droit de retrait ou prendre acte de la rupture de votre contrat de travail

Puis-je exercer mon droit de retrait, si je subis des faits de harcèlement managérial ?

Dans certaines circonstances, vous pouvez également faire usage de votre droit de retrait.

Attention ! Ce droit ne peut être exercé par le salarié dans l'unique cas où ce dernier a un motif raisonnable de penser qu'une situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que toute atteinte à sa protection. 

Le juge apprécie au cas par cas, si l'exercice du droit de retrait était ou non justifié, au vu de l'ampleur et des conséquences du harcèlement.

📑 Vous êtes manager ? Cet article devrait vous intéresser : Libérez votre leadership en dépassant vos croyances limitantes

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Prendre acte de la rupture du contrat de travail

La prise d'acte de rupture du contrat de travail est un mode de rupture du contrat du contrat durée indéterminée (CDI). Elle permet au salarié de rompre son contrat de travail quand il considère que le comportement de l'employeur rend impossible la poursuite de leur relation contractuelle. 

Vous avez donc la possibilité de prendre acte de la rupture de votre contrat de travail au tort de l'employeur s'il a commis une faute qui met en péril votre santé physique ou morale, et notamment s'il n'a pas fait en sorte de vous protéger de faits de harcèlement dont il avait connaissance. 

💡Bon à savoir : le juge qualifie la nature de la rupture du contrat : s'il considère que les faits ne justifiaient pas la prise d'acte de la rupture au tort de l'employeur, celle-ci produira les effets d'une démission.

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail doit nécessairement être adressée, en premier lieu, à l'employeur.

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5. Saisir le conseil de prud'hommes et/ou déposer plainte

Le conseil de prud'hommes est le seul tribunal chargé de régler les litiges individuels entre employeur et salarié dans le cadre de tout contrat de travail.

Le salarié victime de harcèlement ou de discrimination poru ce motif, dispose d'un délai de 5 ans pour saisir le tribunal compétent.

La victime de harcèlement moral au travail peut aussi déposer plainte, s'il souhaite que l'auteur présumé des faits soit pénalement sanctionné, dans un délai de 6 ans.

Références :

(1) Cass. Soc., 10 novembre 2009, n°07-45321

(2)  [Baromètre] Le baromètre du harcèlement au travail 2022 – Qualisocial x Ipsos

(3) Cass. Soc., 6 mai 2025, n°23-14492

(4) Cass. Crim., 21 janvier 2025, n°22-87145

(5) Article L1154-1 du Code du travail

(6) Cass. Ass. plén., 22 décembre 2023, n°20-20648 et n°21-11330, Cass. Soc., 17 janvier 2024, n°22-17474 et Cass. Soc., 25 septembre 2024, n°23-13992

(7) Cass. Soc., 14 février 2024, n°22-14385

(8) Article L2312-5 du Code du travail

(9) Article L2312-9 du Code du travail

(10) Article L8112-2 du Code du travail

(11) Article D4711-1 du Code du travail

(12) Article R4624-34 du Code du travail