Peut-on refuser un licenciement économique ? Comment contester cette décision de l'employeur ?
Comme toute décision abusive prise par l'employeur, un salarié peut contester et agir en justice contre un licenciement économique. Il peut contester la rupture du contrat en elle-même, qu'il estime abusive, mais il peut également mettre en cause le motif économique allégué par l'employeur.
Si la procédure n'a pas été respectée, que le motif du licenciement n'est pas valable, ou encore que l'employeur a eu recours à ce licenciement alors qu'il était interdit par la loi, le juge pourra potentiellement annuler le licenciement, condamner l'employeur à verser une indemnisation au salarié, voire prononcer la réintégration du salarié dans l'entreprise.
Les conséquences varient selon que le licenciement économique a été déclaré nul, sans cause réelle et sérieuse (injustifié) ou irrégulier. Un simple vice de procédure n'entraîne pas la nullité du licenciement, par exemple.
Si le salarié souhaite contester devant la justice son licenciement économique, il devra donc saisir le Conseil de prud'hommes. Avant cela, il doit néanmoins vérifier que son licenciement est susceptible de faire l'objet d'une contestation.
1. Vérifier la validité du motif économique avant toute contestation
Origines du licenciement économique
Le licenciement économique résulte :
- d'une suppression ou transformation d'emploi ;
- ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail.
Motifs conduisant au licenciement économique
Il peut être prononcé pour les motifs suivants (1) :
- à la suite de difficultés économiques pouvant être caractérisées par :
- l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation ;
- tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ;
- en conséquence de mutations technologiques ;
- dans le cadre d'une réorganisation ayant pour but de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;
- ou en raison de la cessation d'activité de l'entreprise.
Si le salarié victime d'un licenciement économique s'apperçoit que le motif réel de la rupture du contrat n'est pas économique, il pourra agir contre son employeur devant la justice.
À noter : une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires s'apprécie sur la période précédant la notification du licenciement en fonction de l'effectif de l'entreprise. Une légère augmentation suffit à rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse (2).
2. Connaître le délai pour contester un licenciement économique : 12 mois
Toute contestation portant sur le licenciement pour motif économique se prescrit par 12 mois à compter (3) :
12 mois
- de la dernière réunion du comité social et économique (CSE) ;
- ou, de la notification du licenciement, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester le licenciement pour motif économique.
3. Contrôler le respect de la procédure de licenciement
Le licenciement économique individuel répond à une procédure stricte qui doit impérativement être respectée par votre employeur :
- consultation et réunion des représentants du personnel ou le CSE sur le projet de licenciement et ses conditions d'application.
Pour un employeur d'au moins 50 salariés qui envisage de licencier au moins 10 salariés, 2 réunions doivent être organisées en plus de la consultation du CSE et il doit mettre en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ;
- obligation de recherche de reclassement (4) ;
- détermination par votre employeur de l'ordre des licenciements selon des critères légalement définis (5) ;
- convocation à un entretien préalable au licenciement par lettre recommandée ou remise en main propre contre décharge (6) ;
- déroulement de l'entretien : il ne peut avoir lieu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre.
Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer les motifs du licenciement envisagé et la possibilité pour le salarié de bénéficier d'un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) (7) ;
- notification du licenciement par lettre recommandée avec avis de réception avec les mentions obligatoires.
Elle ne peut être expédiée moins de 7 jours ouvrables à compter de la date prévue de l'entretien préalable de licenciement (8) ;
- information de la DREETS (9) dans les 8 jours de l'envoi de la lettre de licenciement et accord/homologation de la procédure dès lors que plus de 10 salariés sont concernés
À savoir : dans certains cas, votre employeur doit également vous proposer un contrat de sécurisation professionnelle (CSP) (10) ou un congé de reclassement (11).
Si vous êtes membre élu à la délégation du personnel au CSE titulaire/suppléant ou représentant syndical au CSE ou représentant de proximité, votre licenciement est soumis audit comité, qui donne un avis (12). Une demande d'autorisation doit également être adressée à l'inspecteur du travail.
4. Peut-on contester un licenciement économique après avoir accepté un CSP ?
Même s'il accepte un CSP, le salarié peut contester la rupture de son contrat de travail, ou le motif économique de cette rupture.
S'il souhaite contester le licenciement, le salarié doit le faire dans un délai de 12 mois à compter du jour où il a accepté le CSP. Il peut à cet égard contester le motif économique, l'ordre des licenciements, la procédure préalable à l'acceptation du CSP, et également l'absence d'information de l'employeur sur la priorité de réembauche dont peut bénéficier le salarié.
5. Qui peut contester un PSE, et comment le contrer ?
Le plan de sauvegarde de l'emploi peut être mis en place par une décision unilatérale de l'employeur, ou par un accord collectif : dans les deux cas, le PSE est susceptible d'être contesté, tant sur le fond que sur la forme.
Cette contestation peut se faire par le salarié ou les syndicats. Ils devront agir non pas devant le Conseil des prud'hommes, mais devant le tribunal administratif.
6. Connaître les modalités de saisine du juge en cas de licenciement injustifié/irrégulier
Licenciement économique individuel
Quel conseil de prud'hommes (CPH) saisir ?
Si l'action en justice concerne la contestation d'un licenciement économique, le juge compétent pour recevoir et examiner votre recours est le juge prud'homal : vous devez saisir le Conseil de prud'hommes.
Est compétent, le Conseil de prud'hommes (13) :
- du lieu où est situé l'établissement dans lequel vous effectuez votre travail, du lieu où votre contrat de travail a été conclu ou du siège social de l'entreprise qui vous emploie ;
- ou du lieu de votre domicile si vous travaillez à domicile ou en dehors de tout établissement.
La section ou la chambre du conseil de prud'hommes chargée de se prononcer en cas de litige portant sur un licenciement pour motif économique statue en urgence (14).
La séance de conciliation et d'orientation et la date d'audience du bureau de jugement doivent avoir lieu dans des délais maximum fixés par la loi - diminués lorsque la formation restreinte du bureau de jugement est saisie du traitement de la demande.
L'assistance d'un avocat est-elle obligatoire ?
Bien que recommandée, l'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire : vous avez la possibilité de vous présenter en personne devant le CPH, sans avocat (15).
Si vous êtes absent, vous pouvez alors vous faire représenter par une personne dite "habilitée"- si vous êtes présent, également.
Les personnes habilitées à vous assister ou représenter (16) :
- un salarié appartenant à votre entreprise ou à la même branche d'activité ;
- un défenseur syndical ;
- la personne avec qui vous vivez en couple (mariage, Pacs ou concubinage) ;
- un représentant légal si vous êtes mineur ;
- un avocat.
Licenciement économique collectif
Dans les entreprises d'au moins 50 salariés, le tribunal administratif est compétent pour statuer des litiges relatifs au licenciement économique collectif d'au moins 10 salariés sur une période de 30 jours, lorsque (17) :
- les contestations portent sur l'insuffisance ou l'absence d'accord collectif ou la décision de l'employeur établissant le PSE ;
- les contestations portent sur les décisions de validation ou d'homologation de l'administration relatives au PSE ;
- les instances représentatives du personnel n'ont pas été consultées dans le cadre du PSE.
En tant que salarié, vous pouvez déposer un recours dans un délai de 2 mois à compter de la date à laquelle cette décision a été portée à votre connaissance. Il en va de même pour les organisations syndicales.
7. Connaître le montant de l'indemnité que vous pouvez obtenir
Le motif économique invoqué par votre employeur n'est pas justifié (licenciement sans cause réelle et sérieuse) ou la procédure de licenciement n'a pas été respectée (licenciement irrégulier) ?
Vous pouvez agir en justice et saisir le Conseil de prud'hommes.
Licenciement sans cause réelle et sérieuse | Licenciement irrégulier | Licenciement nul |
Si le juge estime que votre licenciement est sans cause réelle et sérieuse, vous pouvez obtenir : - une réintégration dans l'entreprise (sur proposition du juge et accord des parties). Néanmoins dans le cadre d'un licenciement économique, il est fort probable que la réintégration ne soit pas proposée par le juge ; - une indemnité à la charge de votre employeur dont le montant est fixé par le juge en fonction du barème Macron (18) (si la réintégration n'est pas possible). |
En cas de non-respect de la procédure, si le juge estime que votre licenciement est irrégulier (mais prononcé pour une cause réelle et sérieuse), vous pouvez obtenir une indemnité à la charge de votre employeur qui ne peut être supérieur à 1 mois de salaire (19). | En cas de nullité du licenciement, le salarié qui n'est pas réintégré dans l'entreprise, peut, dans certains cas, recevoir une indemnité dont le montant est déterminé par le juge et varie selon le motif d'annulation du licenciement. |
À noter : En même temps que la Cour de cassation réaffirmait le principe selon lequel la situation concrète d’un salarié ne doit être appréciée que pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux, le Comité des ministres du Conseil de l'Europe adoptait une recommandation à destination de l'État français.
Il l'y exhorte à "réexaminer et modifier, le cas échéant, la législation et les pratiques pertinentes [concernant le barème d'indemnisation]afin de garantir que les indemnités accordées dans les cas de licenciement abusif, et tout barème utilisé pour les calculer, tiennent compte du préjudice réel subi par les victimes et des circonstances individuelles de leur situation" (21).
Références :
(1) Article L1233-3 du Code du travail
(2) Cass. Soc., 1ᵉʳ juin 2022, 20-19957
(3) Article L1235-7 du Code du travail
(4) Article L1233-4 du Code du travail
(5) Article L1233-5 du Code du travail
(6) Article L1233-11 du Code du travail
(7) Article R1233-19 du Code du travail
(8) Article L1233-15 du Code du travail
(9) Articles L1233-19 et D1233-3 du Code du travail
(10) Article L1233-66 du Code du travail
(11) Article L1233-71 du Code du travail
(12) Article L2421-3 du Code du travail
(13) Article R1412-1 du Code du travail
(14) Article L1456-1 du Code du travail
(15) Article R1453-1 du Code du travail
(16) Article R1453-2 du Code du travail
(17) Article L1235-7-1 du Code du travail
(18) Article L1235-3 du Code du travail
(19) Article L1235-2 du Code du travail
(20) Cass. Soc., 6 septembre 2023, n° 22-10973
(21) Recommandation CM/RecChS(2023)3, 6 septembre 2023
pdf de la CC : fonctionnel mais rien sur l'indemnisation des congés payés non pris du fait de l'employeur