Nouvelles mesures en matière de discrimination : le plan 2023-2026 du Gouvernement

Le Gouvernement travaille sur un plan national contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine. Le plan a été présenté le 30 janvier 2023.

Parmi les mesures relatives aux discriminations au travail, on peut noter :

  • le développement d'une politique de testing dans les entreprises, pour lutter contre les discriminations à l'embauche. Le but étant de mesurer la réalité des discriminations à l'embauche, de donner des outils aux acteurs du recrutement pour les éviter et de mettre en avant les bonnes pratiques (et dénoncer les mauvaises).
  • une nouvelle amende civile pour abonder un fonds d'indemnisation pour les victimes de discrimination (voir la dernière partie de cet article).
  • le travail du Gouvernement sur un référentiel des formations à destination des acteurs du recrutement. En effet, dans les entreprises de 300 salariés et plus, il y a une obligation de formation des personnes chargées du recrutement, à la lutte contre les discriminations. Le Gouvernement souhaite travailler sur un référentiel des formations, pour garantir la qualité et l'homogénéité des formations.

Qu'est-ce que la discrimination à l'embauche ? Que disent les textes de loi ?

La discrimination à l'embauche consiste en une différence de traitement entre des candidats, lors du processus de recrutement. Elle consiste à écarter des personnes d'une procédure de recrutement en se basant sur des critères considérés comme discriminatoires.

En effet, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement, de nomination, d'accès à un stage ou à une période de formation, en raison notamment de (1) :

  • son origine ;
  • son sexe ;
  • ses moeurs ;
  • son orientation sexuelle ;
  • son identité de genre ;
  • son âge ;
  • sa situation de famille ou de sa grossesse ;
  • ses caractéristiques génétiques ;
  • la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique apparente ou connue ;
  • son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race ;
  • ses opinions politiques ;
  • son exercice d'un mandat électif ;
  • ses convictions religieuses ;
  • son apparence physique ;
  • son nom de famille ;
  • son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire ;
  • son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap ;
  • sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français ;
  • ses activités syndicales ou mutualistes (discrimination syndicale) ;
  • sa qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte.

Bon à savoir :

Depuis le 1er septembre 2022, il existe un nouveau critère de discrimination interdite, inscrit dans le Code du travail. En effet, depuis le 1er septembre 2022, le Code du travail interdit toute différence de traitement en raison de la qualité de lanceur d'alerte, de facilitateur ou de personne en lien avec un lanceur d'alerte.

L'existence du dispositif de protection des lanceurs d'alerte et sa procédure doivent être mentionnés dans le règlement intérieur (2).

Vous souhaitez obtenir plus d'informations sur la discrimination syndicale ? 

Comment peut se traduire une discrimination à l'embauche ? Exemples...

Offre d'emploi et discrimination

Il arrive qu'une offre d'emploi contienne un élément discriminatoire (liste ci-dessus). Pourtant, cela est interdit.

📌 Exemple : est discriminatoire l'offre qui exige du candidat d'être une femme, ou de ne pas avoir d'enfant, ou d'appartenir à une religion, ou d'avoir un physique ou un âge spécifique.

La récente réforme des retraites de 2023 a mis en avant les discriminations liées à l'âge des salariés (généralement plus de 50 ans). 

En revanche, les différences de traitement qui répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et dont l'objectif est légitime, ainsi que l'exigence proportionnée, sont autorisées (3).

📌 Exemples : rechercher une personne féminine pour jouer un rôle féminin dans un film est autorisé, au même titre que rechercher un salarié pas trop jeune ou pas trop âgé en vue d'assurer sa protection (4).

 

Discrimination lors d'un entretien de recrutement

Il est interdit, lors de l'entretien, de tenir des propos ou de poser des questions discriminatoires.

L'entretien d'embauche ne doit pas être discriminatoire.

Le recruteur doit vous demander des informations qui ont uniquement pour finalité d'apprécier vos aptitudes professionnelles ou votre capacité à occuper l'emploi proposé (5). Les informations demandées doivent être en lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec l'évaluation des qualités professionnelles.

📌 Exemple : les questions suivantes, posées par un recruteur lors d'un entretien d'embauche, sont discriminatoires :

  • "souhaitez-vous avoir des enfants dans les 5 prochaines années ?" ;
  • "appartenez-vous à un syndicat ?" ;
  • "pratiquez-vous une religion ?" ;
  • "êtes-vous hétérosexuel ?" ;
  • "de quel bord politique êtes-vous ?" ;
  • "vous avez un nom de famille qui semble étranger, de quelle origine êtes-vous ?".

Dans ce genre de situation, vous avez le droit de refuser de répondre, mais également de ne pas tout dire dans votre réponse. En effet, la question n'a aucun lien avec le poste ou vos aptitudes à l'occuper. Ce sont des questions qui peuvent avoir pour finalité d'évincer le candidat sur un motif discriminatoire. 

Quels recours en cas de discrimination à l'embauche ? Que faire ?

Si vous pensez être victime de discrimination à l'embauche, vous pouvez, au préalable, contacter le Défenseur des droits, l'inspection du travail, les organisations syndicales ou encore les associations de lutte contre les discriminations.

Ces personnes peuvent vous apporter leur avis et vous aider dans vos démarches, notamment si vous envisagez d'engager une action devant une juridiction. En effet, en matière de discrimination, vous avez la possibilité d'engager une action au civil ou au pénal.

Vous souhaitez dénoncer une discrimination auprès de l'inspection du travail ? Faites-le par courrier.

Engager une action civile

5 anspour saisir le CPH

Si vous estimez être victime d'une discrimination à l'embauche, vous pouvez saisir le Conseil de prud'hommes (CPH) et demander notamment des dommages-intérêts (6). Vous devez alors apporter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte (7).

La seule condition est d'utiliser un moyen de preuve licite. Les preuves obtenues de manière déloyale sont donc interdites.

Ainsi, vous pouvez apporter tout élément de preuve qui peut laisser penser, même seulement en apparence, qu'il y a discrimination en matière d'embauche. Il peut s'agir de la copie de l'offre d'emploi, de mails qui vous sont adressés, d'écrits, de témoignages, etc.

📌 Exemple : vous ne pouvez pas enregistrer le recruteur à son insu, ni fournir des mails dont vous n'êtes ni destinataire, ni émetteur et qui ne vous ont pas été remis volontairement (8).

Au vu des éléments que vous avez fournis, la partie défenderesse, c'est-à-dire la personne contre qui vous avez engagé une action (le recruteur), devra apporter la preuve que ses actes étaient justifiés par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.

C'est ensuite le juge qui estimera s'il existe ou non une discrimination à l'embauche, au vu des éléments qui lui sont soumis et, s'il le demande, après toute mesure d'instruction qu'il estime utile.

Bon à savoir :

Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer cette action en justice en faveur du candidat, si celui-ci a été averti par écrit et qu'il ne s'y est pas opposé dans les 15 jours (9).

Il en va de même des associations pour la lutte contre les discriminations ou oeuvrant dans le domaine du handicap, si elles sont régulièrement formées depuis au moins 5 ans. En revanche, le candidat doit avoir donné son accord écrit (10).

Vous souhaitez engager une action devant le Conseil de Prud'hommes ?

Engager une action pénale

6 anspour engager une action au pénal (11)

Si vous êtes victime de discrimination, vous pouvez également engager une action pénale en déposant plainte.

Dans ce cas, c'est à vous, victime (ou au ministère public si vous ne vous êtes pas constituée partie civile), d'apporter la preuve de la discrimination par tout moyen, sauf preuve déloyale. Vous devez également prouver l'intention de discrimination.

Bon à savoir :

Les associations se proposant de combattre le racisme ou d'assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse, régulièrement déclarée depuis au moins 5 ans, peuvent exercer l'action en justice. Le candidat doit cependant avoir donné son accord. Il en est de même des fondations reconnues d'utilité publique (12).

Si vous vous constituez partie civile, vous pouvez demander des dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi.

 

Le refus d'embaucher une personne en raison d'un critère discriminatoire, ou de subordonner une offre d'emploi à un élément discriminatoire, est puni de 3 ans de prison et 45.000 euros d'amende (13).

L'entreprise, en tant que personne morale, risque (14) :

  • une amende de 225.000 euros ;
  • une interdiction d'activité définitive ou pour une durée de 5 ans maximum ;
  • le placement pour 5 ans maximum sous surveillance judiciaire ;
  • la fermeture définitive ou pour une durée de 5 ans maximum de l'établissement ;
  • l'exclusion définitive ou pour 5 ans maximum des marchés publics ;
  • une peine de confiscation ;
  • l'affichage de la décision ou sa diffusion par la presse écrite ou par tout moyen de communication au public par voie électronique.

Vous souhaitez saisir le juge pour dénoncer une discrimination et faire valoir vos droits ?

Création d'une amende civile en matière de discriminations : présentation du plan national contre la haine et les discriminations

Le Gouvernement a présenté son plan national contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine, sur lequel il travaille.

Une des mesures prévues, consiste en la création d'une nouvelle amende civile

Il s'agirait de créer une amende civile qui viendrait abonder un fonds destiné à aider directement les victimes de discrimination

D'après le Ministre de la Justice, il ne s'agirait pas d'une amende pénale, mais bien d'une amende civile, qui aurait vocation à être prononcée par une juridiction pénale ou par toute autre juridiction (Conseil de Prud'hommes, par exemple).

Cette amende ne remplacerait pas les dommages-intérêts accordés à la victime de discrimination en cas de préjudice. L'auteur de la discrimination pourrait ainsi devoir payer les dommages-intérêts, mais également cette amende civile destinée à abonder un fond d'aide aux victimes.

Le Gouvernement va travailler activement sur la création d'une telle amende en matière de discrimination.

Vous êtes employeur ? Découvrez quelles sont vos obligations en matière de discrimination !

Références : 
(1) Article L1132-1 du Code du travail
(2) Article 4 de la loi n°2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte
(3) Article L1133-1 du Code du travail
(4) Article L1133-2 du Code du travail
(5) Article L1221-6 du Code du travail
(6) Cass. Soc. 20 décembre 2006, n°06-40864
(7) Article L1134-1 du Code du travail
(8) Cass. Soc. 27 novembre 2019, n°18-19237
(9) Article L1134-2 du Code du travail
(10) Article L1134-3 du Code du travail
(11) Article 8 du Code de procédure pénale
(12) Article 2-1 du Code de procédure pénale
(13) Article 225-2 du Code pénal
(14) Article 225-4 du Code pénal